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Articles

Affichage des articles du 2023

Un trottoir au soleil - Philippe Delerm

  Une terrasse au printemps Ouvrir un livre de Philippe Delerm, c'est une expérience littéraire à part. À chaque chapitre, le temps d'un court moment, le lecteur profite d'une réflexion poétique ou du récit d'une tranche de vie que l'auteur a fait siennes, qu'elles aient été véritablement vécues ou simplement imaginées. J'ai envie de dire qu'elles sont probablement autofictionnelles, le fruit d'une observation toute personnelle. Chaque historiette étant indépendante de la précédente, on peut les picorer à l'envie dans n'importe quel lieu et à n'importe quel moment de la journée. Cela peut s'avérer un peu frustrant quand elle est terminée et que l'on se voit forcé de passer à autre chose. Mais tout le long de Un trottoir au soleil , comme dans ses autres livres, je crois, on savoure l'écriture impressionniste de Philippe Delerm qui laisse derrière elle une apaisante sensation, quelque chose de soi, une expression de l'intim

Alex (Pierre Lemaitre)

  Appelez-moi Lisbeth Je ne suis pas un grand habitué du thriller/polar donc il m'est difficile de comparer Pierre Lemaitre à ses homologues écrivains du genre. Reste le plaisir pur de la lecture et en ça l'auteur a réussi, à l'image de Robe de marié lu il y a quelques années, à me glacer le sang dès la première page lorsque Alex se retrouve aux mains d'un homme qui ne lui veut pas du bien. Quelques passages font vraiment froid dans le dos. S'ensuit une intrigue qui emmène le lecteur dans une direction plutôt inattendue. Les chapitres, prenants, alternent entre le point de vue de la victime au passé trouble et celui du commandant de police Verhoeven et de son équipe, personnages étrangement caricaturaux mais bien plantés par la plume fluide et incisive de Pierre Lemaitre. Ce thriller efficace est passé crème. Le Livre de Poche Il dit qu'il « va exiger la vérité ». - Oui, j'ai cru comprendre, dit le juge. Il semble absorbé un moment par cette pensée puis il s

Le portrait de Dorian Gray (Oscar Wilde)

  Discours, gloire et beauté Difficile de parler de ce roman classique, objet de tous les superlatifs. J’ai été charmé par l'intelligence des dialogues, la forte densité en aphorismes marquants et le portrait de la haute société londonienne oisive pour laquelle l'art de la conversation est un boulot à plein temps et la recherche du beau et du plaisir, un but en soi. Sur le fond, on sait qu'Oscar Wilde en avait sous le pied et qu'il ne pouvait pas appeler un chat un chat et que l'étendue de la débauche du magnifique Dorian Gray est sans cesse suggérée, ses vices ne pouvant pas être davantage détaillés. Le meurtre qu'il commet, à défaut d'être moins grave que tout le reste, est à la fin du 19ème siècle infiniment moins tabou. Reste la dimension fantastique du récit qui est à mon sens et à bon escient presque secondaire. De l'ordre, je l'imagine ainsi, de la métaphore, elle est à l'origine d'un épilogue mémorable. Pocket Classiques Le dramatique

Un homme accidentel (Philippe Besson)

  Carambolage Mettre sur sa table de nuit un roman de Philippe Besson, c'est la garantie d'une lecture plaisir de quelques heures, et cela avant même d'avoir l'idée de le retourner pour lire la quatrième de couverture. Le pitch, pourtant sans suspense, balaie de toute façon les derniers doutes : au cours d'une enquête pour meurtre, un jeune flic de Beverly Hills tombe raide dingue d'un acteur star de cinéma et fout sa vie en l'air pour un amour si vibrant et total qu'il le mènera jusqu'à l'auto-sabordage. Quoi de plus romanesque ? Ce n'est pas le roman d'un hétéro qui se découvre homo mais celui d'un homme sur lequel s'abat une passion incontrôlable qui lui tombe dessus sans qu'elle s'annonce. Alors que paradoxalement je ne crois qu'aux hasards et aux choix, il n'y pas grand chose d'accidentel dans leur rencontre. C'est une sorte de rendez-vous avec l'autre et avec soi. Le narrateur doit le vivre que ce

Soif (Amélie Nothomb)

  Le corps du Christ Amélie Nothomb a choisi ici un sujet ambitieux, polémique, voire casse-gueule. Elle est le Christ pendant sa Passion, c'est à dire pendant les dernières heures de sa vie entre son arrestation et sa mise au tombeau. Je pourrais dire que le narrateur est le Christ, mais pour moi à la lecture de Soif , c'est l'auteure que j'entends s'exprimer à la première personne du singulier. Qui d'autre ? Et elle est forte car, avec son habituel ton léger et son art consommé de la formule, avec un sens inné des idées aux considérations métaphysiques des plus limpides aux plus absconses, elle nous invite à la réflexion sur l'amour, la mort, la souffrance, la condition humaine et tout ce qu'on peut expérimenter quand on a un corps. Dieu ne pouvant ressentir tout cela, il a donc fourni tout ce qu'il faut à son fils le temps de son passage sur Terre. La soif, dont l'étanchement suffit au bonheur d’être incarné, prouve à elle seule l'existenc

Le répondeur (Luc Blanvillain)

  Caméléon vocal Baptiste est imitateur. Contre rémunération, il accepte de décrocher le téléphone à la place d'un célèbre auteur en mal de tranquillité pour écrire l'oeuvre de sa vie. Il imite la voix de l'écrivain et le libère ainsi de la charge mentale chronophage que représente les autres. Cette mission incongrue avec carte blanche va pousser Baptiste à prendre des initiatives audacieuses et inattendues. Moi qui, encore une fois, aime la littérature réaliste qui sonne "juste", j'ai eu peur quand j'ai compris l'idée du scénario, que cette idée de contrefaçon un peu saugrenue devienne le prétexte à des situations bancales ou invraisemblables, ce qui ne m'aurait pas nécessairement déplu si le scénario tombait dans un excès burlesque, à l'image d'un livre de Franz Barteltt. Au bout du compte, le roman est plutôt sobre même si, il faut l'admettre, toutes les situations ne sont pas d'une crédibilité folle. Le résultat est mordant, moq

Dans la nuit blanche (Olivier Adam)

  Trop tôt pour mourir À force de chroniquer les livres d'Olivier Adam - celui-ci est quand même le dixième - il devient difficile d'écrire quelque chose d'original sur sa littérature "infiniment sensible" qui me va systématiquement droit au coeur et cela dès la première ligne. À croire que l'on a, lui et moi, le même vécu affectif intérieur. Déjà, on a en commun les souvenirs périphériques et pavillonnaires et, plus accessoirement, les goûts musicaux pour l’avoir déjà croisé deux fois dans la foule de concerts parisiens et pour les références dans ses romans qui me parlent très souvent (dans celui-ci, il évoque Pomme). Heureusement pour lui, je ne suis pas le seul, nous sommes nombreux à raffoler de sa littérature. Dans la nuit blanche est un roman jeunesse aux propos à peine adoucis par rapport à ses romans plus adultes. Antoine, Léa, Hugo, Chloé, Gabriel et les autres ... différents points de vue qui font le tour des sentiments humains au travers d'un

Maurice (E.M. Forster)

  Pour vivre heureux ... Angleterre, début du siècle dernier, Maurice est un jeune homme issu d'une respectable famille bourgeoise, conscient de son rang et de ses obligations familiales et sociales. À Cambridge où il fait ses études, il fait la rencontre de Clive, un jeune aristocrate. Leur amitié lui fera prendre conscience de ses véritables inclinaisons amoureuses. Trente-trois ans après, je relis le roman certes avec une émotion plus raisonnée car la vie est passée par là, mais le plaisir est resté le même. Celui de profiter d'une élégante romance à l'ancienne entre jeunes gens de bonne famille qui se vouvoient, et des réflexions pleines de justesse et de subtilité sur les codes et les inévitables transgressions de la bonne société édouardienne, notamment les conventions sociales sur le mariage et les distinctions de classe. Le roman est d'autant plus remarquable qu'il a été écrit en 1913-1914 quand bien même il a été publié en 1971, l'année qui suit le décè

America[s] (Ludovic Manchette et Christian Niemec)

  Born to run Philadelphie 1973, Amy a douze ans et trace la route en bus et auto-stop vers l'ouest, autant pour fuir des parents démissionnaires et une meilleure amie disparue trop tôt que pour retrouver sa grande soeur partie tenter sa chance en Californie. "Va là où tu es aimée". Ce conseil glané sur le chemin sera son GPS. Les premières pages de America[s] m'ont séduit par leur sincérité et leur légèreté malgré des circonstances compliquées pour la jeune fille. Au bout d'un moment, assez rapidement, l'histoire a commencé à gentiment m'agacer à force de voir Amy collectionner les rencontres globalement bienveillantes qui la font voyager sans argent, de manière assez peu crédible pour un roman réaliste. Et c'est justement au moment où je me rends compte que le roman assume pleinement sa part de naïveté et d'invraisemblance, que je lâche inconsciemment prise et prends goût à sa lecture. Le style est on ne peut fluide et le divertissement devient c

Le coeur de l'Angleterre (Jonathan Coe)

Middle England Cela faisait un moment que j'étais curieux de découvrir Jonathan Coe, un auteur britannique qui aime raconter son pays sous l'éclairage de son climat politique et social. Ce roman-ci m'a aimanté car il parle du Brexit, un sujet que je trouve inhabituel en littérature. Comme l'annonce la quatrième de couverture, après l'union nationale au moment des JO de 2012 survient la désunion avec le référendum de 2016 qui provoquera la sortie du Royaume Uni de l'UE en 2020. Le coeur de l'Angleterre, c'est ici la région de Birmingham ou encore, comme le dit l'écrivain lui-même, l'Angleterre profonde, celle qui a peur de la mondialisation, de l'immigration, de l'appauvrissement, du déclassement d'un pays attaché à ses valeurs traditionnelles, en somme un pays comme un autre. Sauf que le pays est une île, que la situation se cristallise, le pays se divise en deux camps et le parti conservateur décide de jouer aux dés en consultant les

Le joueur d'échecs (Stefan Zweig)

Échec au roi Entre deux tentatives d'amoindrissement de ma pile à lire, j'ai attrapé ce classique de Zweig dans le tout nouveau meuble à livres de l'immeuble. Les livres d'occasion sont des nids à acariens auxquels je suis allergique mais je n'ai pas résisté longtemps car il s'offrait à moi dans un plutôt bon état. Deux heures et une petite rhinite/conjonctivite plus tard, je l'avais terminé, ingurgité en une bouchée. Cette histoire de monomanie des échecs, résultat d'une situation subie sur fond de seconde guerre mondiale est fascinante. Il y a plusieurs types de torture et celle racontée par l'auteur autrichien est implacable et particulièrement raffinée. Il raconte à merveille le processus psychologique que le futur joueur d''échecs met en oeuvre pour échapper à la folie et qui, de fait, en entraine une autre tout aussi traumatisante, même si cette dernière lui sauve la vie. Ajoutons à cela, dans un final assez spectaculaire, le combat des

Ce que nous confions au vent - Laura Imai Messina

Allo ! En voilà un bien joli roman japonais même si techniquement parlant, il ne l'est pas puisque l'auteure est italienne et l'a écrit en italien. Laura Imai Messina a tout de même fait sa vie au Japon et a parfaitement intégré les codes de la littérature nipponne pleine de sensibilité, telle qu'elle plait à beaucoup d'entre nous. Il existe quelque part en montagne une cabine téléphonique d'où on peut appeler et converser avec ses chers disparus. Cela relève bien sûr de la pure technique thérapeutique car ici on ne baigne pas dans le fantastique. Yui et Takeshi ne se connaissent pas encore mais ils vont, chacun de leur côté, vouloir confier leur peine au vent. Ils se rencontreront. Comme prévu, le résultat est irréprochable de poésie et de délicatesse autour du thème du deuil. Éloge de la patience et du souvenir, il ne peut que toucher tout un chacun. En ce qui me concerne, j’ai beaucoup apprécié le roman en trouvant pourtant dommage que le récit se focalise au

Sarah Bernhardt (Sophie-Aude Picon)

  Diva L'intérêt de la biographie d'une personnalité historique est de découvrir sa vie et son oeuvre mais aussi d'en apprendre davantage sur son milieu et son époque. C'est d'autant plus vrai avec celle de Sarah Bernhardt qui, à l'instar de la plupart des artistes, fut-elle la première star de l'histoire d'après sa biographe, n'a pas eu de rôle politique qui la rendrait historiquement incontournable. Pourtant, pour l'anecdote, elle s'est apparemment targuée d'avoir eu quelque influence lors de l'affaire Dreyfus ou concernant l'entrée en guerre des États-Unis en 1917. La valeur ajoutée ici est donc principalement artistique, au travers de la peinture de la vie théâtrale et de l'atmosphère créative et mondaine du Second Empire et de la Belle Époque. Sarah Bernhardt y évolue en femme libre et tapageuse qui sait tenir tête à ses contemporains, même les plus illustres, et vivre avec éclat et excentricité sans être snob pour un sou

Les ailes collées (Sophie de Baere)

Mal amour Le jour de leur mariage, Ana fait la surprise à Paul d'inviter Joseph, un camarade d'enfance qu'il n'a pas revu depuis vingt ans. Flash-back immédiat, retour dans les années 80 et son enfance bancale entre deux parents qui ne savent pas comment communiquer, comment l'aimer, le rassurer et lui insuffler le goût de vivre, trop occupés à ne pas être heureux eux-mêmes. Viendra Joseph qui sera l'indispensable bouffée d'oxygène, une amitié essentielle qui entrainera les brimades des adolescents de son âge contre lesquelles il ne sait pas lutter, les ailes collées par le mal d'amour. Il l'a compris : une norme, ça se crée par inadvertance. Ça n'a pas de réelle nécessité. Et même, ça peut être ce qu'il y a de plus minable. Au fond, c'est juste un nombre. Le plus grand nombre. Ce roman est tout simplement magnifique. Sophie de Baere radiographie l'âme de ses personnages sans aucune faute de justesse et sait convoquer les émotions che

Le baiser sur la nuque (Hugo Boris)

  Parade nuptiale Dès les premières lignes, on est ému par l'écriture d'Hugo Boris et par ses phrases courtes qui disent des choses simples avec des mots remplis d'intériorité et de sentiments, sans fioritures apparentes. Sa plume est de celles qui me vont droit au coeur et l'histoire commence telle une perfection avec une scène d'accouchement que j'ai trouvée vraiment très belle car il y a dans cette histoire un peu plus qu'une femme qui met au monde son premier enfant. D'ailleurs, les petits récits de naissance à la maternité où Fanny est sage-femme, avec leurs anecdotes touchantes et/ou étranges, sont ceux qui m'ont particulièrement séduit. J'aurais aimé que le roman ne soit fait que de ça, mais il se déroule principalement autour d'un piano où se met en place une parade nuptiale entre Fanny, malentendante, et Louis, son professeur de piano. Au cours d'un gracieux ballet plein de non-dits, ils vont se tourner autour avec délicatesse, d

Et c’est ainsi que nous vivrons (Douglas Kennedy)

  Guerre froide À la librairie La bicyclette bleue , Douglas Kennedy précisait que son nouveau roman ne sortirait aux États-Unis qu'en 2024. Après les primaires de l'élection présidentielle ? Le sujet de ce roman d'anticipation ou de dystopie, je ne sais pas quel terme convient, est en effet "touchy". Nous sommes en 2045, la sécession des États-Unis a eu lieu une dizaine d'années auparavant. Les états anciennement démocrates forment un pays progressiste dont la liberté est pourtant limitée par une surveillance immodérée, tandis qu'une théocratie inflexible règne sur les "flyover states", ces états au centre du pays acquis aux idées du parti républicain. Vous l'avez compris, Douglas Kennedy nous décrit ce que pourrait devenir son pays, et par extension notre monde, si l'actuelle accentuation de la polarisation des idées prenait un tour ... définitif. Comme à son habitude, Kennedy est le meilleur quand il décrit, dissèque et analyse les res

L'institut (Stephen King)

  Pour le pire et le ... meilleur ? Rien de tel qu'un pavé de Stephen King pour entamer les lectures de l'été ... Mais autant ne pas y aller par quatre chemins : j'ai trouvé L'institut un peu longuet. Après un début en fanfare, le célèbre auteur prend son temps pour mettre les choses en place et faire avancer les évènements. Bien que dans mes souvenirs King est plutôt coutumier du fait, c'est presque un comble pour ce type de roman qui est supposé mettre en avant l'action et les rebondissements. Pour le coup, on a le temps de s'attacher aux personnages, notamment à Luke et à Tim qui ne se connaissent pas encore mais dont on devine rapidement qu'ils vont devenir alliés face à l'adversité. L'adversaire : une organisation secrète qui enlève des enfant surdoués pour exploiter leurs dons dans un but mystérieux, pour le pire ... et le meilleur ? Après l'ultime point culminant de l'action, les explications arrivent enfin au cours d'un épil

Et toujours les forêts (Sandrine Collette)

Ravage Je sais bien que ce n'est pas une chose à faire mais à la lecture de Et toujours les forêts , je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Ravage pendant une bonne partie du roman, en tout cas ce dont je me souviens du roman de René Barjavel : une histoire de fuite et de survie dans un monde anéanti par la main de l'homme, avec sur les épaules des miraculés le poids accablant du souvenir d'un paradis perdu. L'écriture de Sandrine Collette n'est pas moins lyrique et évocatrice mais dans un style plus rugueux. Les phrases sont courtes, sèches et hachées et le lecteur doit parfois décoder pour saisir pleinement le récit. La nature nourricière et plantureuse a disparu, le monde est à genou, sans lumière, sans couleurs, ni bruits. L'auteure a le talent de nous le faire ressentir. C'est sombre, c'est désespéré, c'est angoissant mais les phrases sont belles. Le roman est magistral. Evidemment, ce qui participe au malaise et à la fascination morbide

Le Jardin arc-en-ciel (Ogawa Ito)

Ordinary love Le jardin arc-en-ciel a la mérite d'aborder frontalement le thème de la famille homosexuelle et recomposée, des thèmes assez tabous au pays du soleil levant. Avec son sens habituel de la tolérance et de la bienveillance, Ito Ogawa a la bonne idée d'utiliser successivement la voix des quatre membres de la famille Takashima pour nous raconter leur attachante histoire familiale loin des vicissitudes du monde. La narration passe d'Izumi à sa compagne Chiyoko puis à chacun de leurs deux enfants en étirant le récit sur environ une vingtaine d'années. Des années de passion et d'espoir à celles de la douleur et du souvenir, en passant bien sûr par celles du bonheur, les plus nombreuses et les plus importantes dans l'esprit d'Ito Ogawa qui, dans tous ses romans, est en  recherche  perpétuelle  d'harmonie avec soi et avec les autres. À dire vrai, d'une lecture pourtant agréable, ce roman n'est pas mon préféré de l'auteure. Je crois que j

Tant que le café est encore chaud (Toshikazu Kawaguchi)

Parce que c'est la règle Le Funiculi Funicula n’est pas un café comme les autres. Situé à l’abri des regards, en sous-sol d'un immeuble de Tokyo, il est peu fréquenté et cache un secret réputé n'être qu'une légende urbaine. Pourtant c'est vrai : on peut y voyager dans le passé. Mais juste le temps d’un café ... Dit comme ça, l'histoire peut paraître naïve et bancale. Et de fait, elle l'est un peu, l'écriture un peu maladroite ne l'aidant pas particulièrement en cela. Cependant en littérature, la magie n’a pas besoin de se justifier et encore moins d'être crédible. Le roman n'a nulle autre ambition que d'utiliser la veine fantastique pour charmer le lecteur avec les jolies histoires d'amour, d'amitié ou encore de famille de quatre femmes prêtent à jouer le jeu pour retrouver un être cher. L’émotion de « Tant que le café est encore chaud » m’a d'ailleurs saisi plutôt sur le tard. Il a fallu passer au moins la moitié du roman pou

Mon mari (Maud Ventura)

Mon Dieu Je souscris à l’avis globalement enthousiaste qu’a eu Bookstagram autour du premier roman de Maud Ventura. Le point de vue inhabituel d’une femme en totale insécurité affective vis-à-vis de son mari est savoureux à lire. Elle vit uniquement à travers lui, tout le reste, y compris ses enfants, passent en seconde position. Sa vie n’est qu’un effort continu pour manoeuvrer afin d’attirer son attention, lui plaire, se faire désirer, en gros réunir les conditions idéales pour qu’il ne se lasse pas d’elle. Entre comédie subtile et une forme de thriller psychologique, le ton est léger mais le fond l’est un peu moins. L’auto-portrait cynique et sans filtre de la narratrice, ses raisonnements et sa vision du couple sont amusants, surprenants, parfois absurdes et souvent effrayants. Le coup assez signifiant de la clémentine m’a beaucoup plu 🤣. La plupart du temps, tout en jubilant, je me sentais pourtant désolé, voire gêné, pour elle. Pourquoi s’infliger un tel stress quotidien alors

L'avare (Molière)

Au voleur ! Molière voulait faire rire ses contemporains avec des pièces rythmées qui tournaient en dérision certains d’entre eux, en l’occurrence dans « L’avare » de riches bourgeois égoïstes et cyniques. Harpagon est tellement pingre qu’il en est ridicule, il préfère son argent à ses enfants. Son nom deviendra un substantif de la langue française. En refermant le livre de poche de la pièce, j’ai eu trois pensées : - L’histoire est familière - La lecture est rapide - La pièce est distrayante et la prose élégante : vivement que je la vois en vrai ! Pour la première impression, le film avec Jean de Funès et ses multi diffusions à la TV sont passés par là. Et pour la seconde, il ne faut apparemment pas tant de lignes que ça pour tenir deux heures au théâtre. Je dirais que ça se lit un peu trop vite quand on n’a pas le visuel à sa disposition, avec les acteurs, la mise en scène, le décor, etc... C’est là que la troisième impression entre en scène puisque ce sera chose rattrapée le mois

Quelque chose du Japon - Angelo Di Genova

  La partie émergée de l'archipel Quelque chose du Japon,  publié par les éditions Nanika, est un excellent ouvrage  que j'ai acheté à la boutique du musée du Quai Branly pour l'exposition Kimono . L'auteur qui habite Osaka depuis longtemps nous raconte dans un format type guide de voyage, au travers d'assez courts paragraphes illustrés, à la fois sérieux et ludiques, ce qu'il est bien de connaitre lorsqu'on s'apprête à visiter, ou tout simplement par pure curiosité intellectuelle, ce pays d'Asie pas tout à fait comme les autres. Car "Si beaucoup disent aimer le Japon, la plupart ne savent pas que ce qu’ils aiment, c’est surtout l’image qu’ils s’en font. Car derrière ces clichés se cache un Japon du quotidien qui, certes, colle parfois à ces images mais s’en détache aussi souvent." Histoire, religion, cuisine, culture pop, vie quotidienne au rythme des saisons mais aussi simples codes, tuyaux et vocabulaire ... Que de sujets intéressants po

Se résoudre aux adieux (Philippe Besson)

Catharsis La Havane, New York et Venise ... trois lieux, trois ambiances. Louise voyage et écrit à Clément des lettres auxquelles il ne répondra pas. C'est le remède qu'elle espère cathartique pour faire le deuil d'une histoire d'amour terminée qui lui tord les boyaux. Je ne sais pas pourquoi, ce roman-là de Philippe Besson, je me le gardais sous le coude. Avec un tel sujet et un tel titre, j'avais l'intuition, proche de la certitude, que ce roman aurait sur moi un effet approchant celui qu'a eu En l'absence des hommes il y a quelques années. Sans atteindre les sommets du roman précité, rien dans Se résoudre aux adieux ne me déçoit. Philippe Besson confectionne un bijou pur de sensibilité et d'humanité, dont la finesse m'a semblé décuplée par le dépouillement du récit. Pas d'histoire compliquée, juste les pensées d'une femme malheureuse qui lèche ses plaies béantes pour survivre au manque. La dernière partie est ma préférée. La douleur

Germinal (Émile Zola)

La misère encore plus pénible sous terre J'ai lu qu'à sa première édition,  Germinal n'avait pas été un aussi gros succès de librairie que certains autres volumes des Rougon-Macquart. En revanche, il est incontestablement devenu avec le temps son tome le plus célèbre et le plus vendu. Et on comprend bien pourquoi tant le récit est spectaculaire et le drame à son climax. Toute la beauté de la saga et toute sa force pourraient être résumées dans cet épisode exemplaire, celui d'Étienne Lantier, fils de Gervaise, qui, se retrouvant presque par hasard embauché dans l'une des nombreuses mines de houille du nord de la France, deviendra l'un des instigateurs d'une grève aux conséquences effroyables. Tout est parfait dans Germinal . Je ne vois pas ce qu'un lecteur pourrait lui reprocher à part à avoir en soi l'éxécration de la violence, le dégoût de la misère, le refus de l'impudeur du désespoir ou encore l'écoeurement de l'injustice. 😂 C'est

Des hommes couleur de ciel (Anaïs Llobet)

  Vivre caché ou mourir Avant de commencer la lecture, je m’interrogeais sur le sens de ce joli titre poétique. Je l'ai trouvé nettement moins à mon goût en apprenant que c'est ainsi qu'on appelle en Tchéchénie les hommes qui aiment les hommes. Il n'y a apparemment pas de terme officiel, le déshonneur étant si grand pour la famille qu'un homosexuel doit se résoudre à vivre caché au risque d'être assassiné. Pour Kirem et Makhmoud, être gay est en tout cas un crime bien plus grave que de lancer une bombe dans la cantine d'un lycée de La Haye ... Oumar et Alissa, de leur côté, tentent de laisser derrière eux leur pays en guerre pour se reconstruire aux Pays-Bas. Un roman très actuel, profondément ancré dans la réalité qui, dans le désordre, parlent d'intégration, de liberté, de déracinement, de reconstruction, d'identité, du poids des traditions, de religion, des valeurs en opposition ... Tout cela dans un récit fort et riche, pas si long et vraiment tr

Retour à Birkenau (Ginette Kolinka)

  L'homme est un loup pour l'homme La déportation des Juifs sous l'Allemagne nazie est aussi incontestable qu'abjecte. Le lecteur ne peut qu'accuser réception des récits et témoignages de l'époque et personnellement, je les prends toujours en pleine tête. Chaque témoignage est unique et celui de Madame Kolinka est simple, direct et pudique. En tout cas dépouillé de tout artifice et surtout de précisions ou détails qui auraient ajouté pathos et sordide à ce qui l'est déjà. Elle ne s'apesantit pas. De son court récit ressort étonnamment une forme de légèreté. Evidemment pas sur les faits impardonnables eux-mêmes mais sur sa façon d'aborder son récit. Cette légèreté, on a le sentiment que Ginette Kolinka l'a érigée en règle de conduite pour pouvoir avancer, comme une philosophie de vie qu'elle a décidé de cultiver face au malheur. Non pas par manque d'intelligence, comme elle le prétend, mais par choix délibéré du bonheur. Sa manière à elle

Pourvu que mes mains s'en souviennent (Quentin Ebrard)

  Sale colo Louise, la narratrice, est retenue contre son gré dans un mystérieux château en bord de mer. Elle ne rêve que de retrouver ses parents à qui on l'a apparemment enlevée. Pourtant, rien dans cette histoire n'est clair et tout particulièrement dans sa tête. Des souvenirs flous la submerge alors que ses camarades d'infortune paraissent résignés face à une situation insupportable pour elle. Peu importe, avec deux complices pots de colle, elle décide de tout faire pour s'échapper. Voilà le point de départ d'un premier roman vraiment très réussi, à mi-chemin entre le roman jeunesse et le thriller psychologique. Est distillé dès la première page et tout le long du récit, un véritable suspense avec une tension qui monte crescendo grâce au talent de Quentin Ebrard qui lâche les indices au compte-goutte sans qu'on sache clairement les interpréter. Chacun se fait sa petite idée, se monte un film dans sa tête. Ca a fonctionné à fond pour moi car quand le dénoueme

La force des discrets (Susan Cain)

  Introvert power Le sujet est vaste et n'est pas aisé à synthétiser même pour un introverti comme moi davantage à l'aise à l'écrit qu'à l'oral. 😁 Je ne vais pas essayer, je dirais juste que dans nos sociétés occidentales, l'extraversion est perçue comme plus en adéquation avec les codes sociaux généralement admis dans le monde professionnel et dans la sphère intime, que l'introversion qui, au contraire, peut être perçue comme un manquement comportemental. L'essai nous explique que l'extraversion n'est pas forcément un atout et que notre positionnement sur le large spectre de l'introversion et de l'extraversion est une composante innée du tempérament qu'il nous appartient de retoucher pour tendre vers un point d'équilibre, plus ou moins naturel, plus ou moins précaire, nécessaire à l'adaptation à notre environnement et à la sauvegarde de notre harmonie personnelle. Au risque d'être hors sujet, mon observation est que nous

Le goûter du lion (Ogawa Ito)

Partir en paix Shizuku est atteinte d'un cancer incurable. Elle arrive dans l'île aux citrons pour devenir pensionnaire de la Maison du Lion qui, elle l’espère, l’aidera à aborder l’imminence du repos éternel ... Il m'est dorénavant difficile de louper les rendez-vous que Ito Ogawa nous donne depuis quelques années tant ils sont à chaque fois la promesse d'une histoire délicate, apaisante et lumineuse. C’est encore le cas cette fois-ci malgré un sujet compliqué : la fin de vie. La littérature de cette auteure japonaise trouve grâce à mes yeux car elle nous raconte toujours de jolies histoires dans lesquelles elle se débrouille pour introduire, l’air de rien, quelques tuyaux pour suggérer au lecteur de tendre vers une forme de sérénité. Mais elle le fait sans l’implicite injonction que contiennent les livres de développement personnel. Dans ses romans, on a aussi la sensation, en gardant bien en tête que le Japon ce n'est pas que ça, de toucher du doigt la culture ja

Le cabaret des mémoires (Joachim Schnerf)

La mémoire ne doit pas flancher Trois lieux et trois temporalités. Rosa, une vieille dame en Amérique qui témoigne chaque soir dans son cabaret de son expérience de la déportation, son petit neveu Samuel qui, en France, vient d'être papa et, mes passages préférés, les souvenirs de jeux d'enfants de Samuel avec sa soeur et son cousin alors que, dans la forêt vosgienne, ils fantasmaient le far-west de leur grand-tante, le personnage mythique de la famille. J'ai vécu la lecture du beau et court roman de Joachim Schnerf  Le cabaret des mémoires  comme je vivrais celle d'un conte un peu irréel où lyrisme et onirisme se mêleraient aux drames de l'Histoire, un peu à la manière du  Soldat désaccordé  de Gilles Marchand qui se jouait de la première guerre mondiale. Pourtant, à chaque fois, le sujet est grave et le message essentiel. La mémoire, notion aussi capitale que fragile. Samuel mesure le poids de son rôle dans l'éducation de son fils nouveau né quand il sera en â