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Le répondeur (Luc Blanvillain)

 Le répondeur - Luc Blanvillain

Caméléon vocal

Baptiste est imitateur. Contre rémunération, il accepte de décrocher le téléphone à la place d'un célèbre auteur en mal de tranquillité pour écrire l'oeuvre de sa vie. Il imite la voix de l'écrivain et le libère ainsi de la charge mentale chronophage que représente les autres. Cette mission incongrue avec carte blanche va pousser Baptiste à prendre des initiatives audacieuses et inattendues.

Moi qui, encore une fois, aime la littérature réaliste qui sonne "juste", j'ai eu peur quand j'ai compris l'idée du scénario, que cette idée de contrefaçon un peu saugrenue devienne le prétexte à des situations bancales ou invraisemblables, ce qui ne m'aurait pas nécessairement déplu si le scénario tombait dans un excès burlesque, à l'image d'un livre de Franz Barteltt. Au bout du compte, le roman est plutôt sobre même si, il faut l'admettre, toutes les situations ne sont pas d'une crédibilité folle. Le résultat est mordant, moqueur et divertissant.
 
Le plus plaisant reste l'écriture riche de Luc Blanvillain et ses belles phrases érudites et bien tournées qui parsèment le roman de mots peu usités dont on a le plaisir à rechercher la signification.

Quidam éditeur - page 69

Il y avait forcément pensé, se rassura Baptiste. Chozène était d'une intelligence redoutable, qui transparaissait à chaque ligne de ses romans. Donc, non seulement il avait anticipé cet aspect du dispositif, mais il le souhaitait forcément. Cette reconfiguration du réseau était peut-être même la finalité de ce stratagème. Dans quelques mois, quand il reprendrait contact avec le monde, tout aurait changé. C'était encore plus fantasmatique que de se faire cryogéniser et réveiller dans le futur. Pendant un temps donné, quelqu'un vous déchargeait de votre vie, de vos relations, explorait vos habitudes et inventait des chemins. C'était risqué, bien sûr, mais Chozène avait-il quelque chose à perdre ? Qu'espérer du destin, quand on avait passé la cinquantaine, sinon la triste série des catastrophes prévisibles ? Baptiste lui permettait de relancer les dés, de redonner sa chance au hasard. Pour un homme ordinaire, c'était une aventure. Pour un romancier, une manne.

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