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Articles

Affichage des articles du 2020

Un instant d'abandon (Philippe Besson)

  Débarrasser le plancher C'est un vrai plaisir de retrouver, le temps d'un court roman, l'écriture sèche et évocatrice de Philippe Besson. C'est à nouveau le bord de mer qui en est le cadre, cette fois-ci celui parfois maussade parfois tempétueux des Cornouailles au bout de l'Angleterre. Condamné par la justice il y a quelques années dans des circonstances tragiques, Thomas revient dans sa ville natale alors qu'il devrait plutôt la fuir. Pourquoi ? Il est difficile de ressentir de la sympathie pour cet homme. Ce qu'il a fait et sa façon de le raconter nous maintient à une certaine distance de lui. Ni coupable, ni innocent, il a fait le choix, en grande partie inconscient, de provoquer l'impardonnable pour enfin revivre, quitte à devoir passer d'abord par la case prison. La sympathie non donc, l'empathie peut-être car n'avons-nous pas tous ressenti ça un jour ? Vouloir changer le cours de sa vie sans avoir le courage de passer à l'acte, e

Le discours (Fabrice Caro)

La vie est un porte-serviettes Adrien est sommé par son futur beau-frère de prononcer un discours pendant le repas de mariage de sa soeur. Ça tombe vraiment mal, c'est la dose de stress en trop alors qu'il attend des nouvelles de Sonia, qui s'octroie une pause dans leur couple depuis 38 jours ... Les romans introspectifs sont évidemment ceux que je préfère. Alors quand ils sont drôles, ce n'est que du bonus. Dans Le discours , plus que de l'humour pur, il s'agit surtout d'une sorte d'esprit absurde et décalé qui, chez moi, a fait mouche presque à chaque fois. Il est fondé sur un sens aigu de l'observation des petits travers de la société et de nos interactions avec familles et amis, êtres humains si proches de nous depuis toujours mais de plus en plus difficiles à comprendre avec les années. Mais ce roman n'aurait pas pu totalement me plaire s'il n'avait été que drôle. La causerie intérieure et désespérée d'Adrien au cours d'un re

Né d'aucune femme (Franck Bouysse)

La misérable Ce roman, au titre qui claque, raconte une histoire sombre et tragique qui a tout du conte manichéen comme du roman du 19ème siècle. Le destin effroyable de Rose n'a pas grand chose à envier à la Fantine de Victor Hugo. L'intrigue se passe d'ailleurs plus ou moins à la même époque - on l'apprend grâce à un détail au détour d'une phrase - dans une quelconque région rurale de France. Vendue par son père à des Thénardier de la pire espèce, la jeune fille ne va pas être à la fête, c'est le moins qu'on puisse dire. A tel point que l'intrigue a tendance à verser dans le misérabilisme et du coup à rendre la lecture oppressante malgré la tournure assez prévisible des évènements. Au moment du dénouement, une légère bise d'optimisme souffle enfin mais c'est à mon goût un peu trop rapide et pas très limpide. Pour autant, Né d'aucune femme est un sacré morceau de littérature. Il y a à la fois une forme de rudesse très terrienne et un souffl

La trilogie berlinoise - La pâle figure (Philip Kerr)

Bernie à la rescousse Berlin, 1938, deux ans ont passé depuis l'enquête de L'été de cristal . Bernhard Gunther travaille maintenant avec un associé et les affaires sont bonnes dans une Allemagne nazie au climat de plus en plus délétère. À la demande non négociable de Heydrich, directeur de la Gestapo, notre compétent et audacieux détective privé réintègre la police criminelle pour tenter d'élucider le meurtre de jeunes Allemandes, comprenez aryennes. Appréhendant assez vite les enjeux et ressorts de l'affaire, il va mettre beaucoup de coeur à l'ouvrage pour tenter d'éviter aux Juifs de Berlin le pire. On connait la suite. Ce deuxième tome de La trilogie berlinoise m'a encore plus emballé que le premier car il a une intrigue plus facile à suivre. C'est utile pour apprécier pleinement un roman même si en l'occurrence parvenir à toucher du doigt le contexte historique et l'atmosphère de l'époque est à mes yeux le plus important. La pâle figur

Les victorieuses (Laetitia Colombani)

  Navire de pierre Ce roman a atterri dans mon assiette car il a l'honneur de passer après La tresse , grand succès de librairie dont l'entrelac d'histoires et la chute m'avaient charmé et qui est à l'origine de mon club de lecture auquel je tiens beaucoup. Les victorieuses  m'a moins emporté mais présente tout de même un atout de poids, celui de raconter l'histoire et le quotidien d'un grand navire de pierre que je connais bien de vue pour l'avoir côtoyé géographiquement à Paris pendant longtemps : Le Palais de la Femme. Ce roman le révèle de l'intérieur à travers l'histoire de Solène, avocate en burn-out propulsée bénévole dans ce foyer pour femmes en difficultés. Des femmes de tous horizons, racontées par Laetitia Colombani avec empathie mais aussi de façon très méthodique au risque de frôler l'énumération clinique et le documentaire sur les cas-types des violences faites aux femmes. C'est donc touchant mais un peu facile dans la

La librairie des coeurs brisés (Robert Hillman)

  Tomber sept fois, se relever huit Années soixante, Tom est agriculteur à Hometown, Australie. Il est séparé de sa femme qui, à quelques mois d'intervalle, a emporté loin de lui le fils qu'il a élevé et aimé. Le labeur quotidien à la ferme le garde la tête hors de l'eau et quand Hannah, une irrésistible Juive hongroise un peu extravagante, débarque dans le village avec l'idée saugrenue d'ouvrir une librairie, il n'est pas loin d'être prêt à se laisser mettre le grappin dessus. C'est après un début de lecture perplexe, avec la crainte de parcourir jusqu'au bout une romance facile, que le roman gagne heureusement en profondeur au fur et à mesure que le profil des personnages se dessinent et se complexifient, que leurs passés et leurs fêlures se révèlent. S'invitent alors la monstruosité de la déportation juive en Europe et les dérives sectaires d'une communauté chrétienne locale qui densifient et dramatisent clairement le propos. Mais Robert

Le corps des anges (Mathieu Riboulet)

Ceci est mon sang L'écrivain Mathieu Riboulet maîtrise l'intime et la langue française. Le corps des anges  en est la parfaite démonstration. Adepte des longues phrases de descriptions et d'évocations à la limite de l'irréel, il écrit un texte excessivement poétique et troublant autour de plusieurs thèmes plus ou moins palpables : deuil, douleur, émancipation, liberté, beauté ... Le roman, pourtant pas si long, n'est pas facile d'accès. Je l'ai personnellement ressenti au début du roman lorsque l'on découvre Rémi, jeune rural mentalement inadapté qui entretient un rapport physique avec la terre, les oiseaux et la nature en général. Il est à ce point dans sa bulle, que l'auteur adopte une plume certes magnifique mais aussi à la limite de l'insaisissable. J'ai été plus à l'aise ensuite avec l'histoire de Gabriel, l'ange taciturne à la dérive, qui se scarifie le corps et l'âme en parcourant la France ("sur ses frontières&

La trilogie berlinoise - L'été de cristal (Philip Kerr)

Bernie aux Jeux Olympiques Berlin, 1936, le Troisième Reich tente de faire bonne figure pour ne pas épouvanter les étrangers venus assister aux Jeux Olympiques. Les livres interdits réapparaissent dans les librairies et les ignominies anti-juives sont à peine tempérées. Ancien policier devenu détective privé, Bernhard "Bernie" Gunther est, lui, engagé par un riche industriel pour remettre la main sur collier de perles volé lors du double meurtre de sa fille et de son gendre. L'enquête se révèle rapidement hors normes et Bernie assez culotté pour se confronter au pouvoir en place, à la police et à la mafia locale. Ce premier tome est évidemment passionnant pour la peinture, en apparence réaliste, que Philip Kerr réalise de l'Allemagne de l'époque, avec la diversité de sa société écrasée par le national-socialisme mais loin d'être complètement acquise au Führer, Bernie en tout premier lieu. Le ton du roman est réjouissant avec de régulières fulgurances d'h

Chaleur (Joseph Incardona)

  Le chant du cygne Le passage du livre reproduit ci-dessous est, je trouve, représentatif de ce court roman de Joseph Incardona : décalé, saugrenu, presque absurde. Ces adjectifs sont en tout cas représentatifs de la première impression que laisse cette adaptation, certes très libre, d'un évènement dramatique de 2010 qui a mis fin aux dangereux championnats du monde de sauna qui avaient lieu jusque là en Finlande. Dans la fiction, pour les deux plus grands champions du moment, Igor, ex-militaire russe et Niko, star finlandaise du "porno bio" c'est l'année ou jamais, et chacun pour ses propres raisons, de gagner et finir sa carrière en beauté. Le roman se lit vite et bien, avec ses phrases sèches et mordantes, ses situations loufoques, ses personnages étrangement et terriblement humains (que dire sur l'attachante et décomplexée copine de Niko ?) et bien sûr son humour noir qui fait mouche. Ce combat de coq made in Scandinavie paraît dérisoire mais sonne para

La fortune de Sila (Fabrice Humbert)

  Ainsi va le monde Dans La fortune de Sila , Fabrice Humbert dépeint et, par le fait, dénonce notre monde globalisé et avide d'argent en racontant les tribulations de trois arrivistes de première classe : Lev, Mark et Mathieu. Chacun, à sa manière, va faire son trou dans le pétrole, l'immobilier ou la finance avec son lot de victimes collatérales, dont leurs compagnes qui se révèlent être bien impuissantes face à l'ambition masculine, et le naïf Simon qui m'a fait vivre mes meilleures pages de lecture par son côté attachant. Et puis, il y Sila, victime suprême, le jeune migrant africain qui symbolise à lui tout seul, le peuple d'en bas opprimé par une minorité égoïste qui continuera à mettre le monde à genou tant qu'il y aura du fric à se faire et quelle que soit l'ampleur des crises passées et à venir. Malgré ça, le livre souligne aussi l'idée que la bonne fortune tient à peu de choses et que quand elle est obtenue, c'est de façon bien précaire.

Face au vent (Jim Lynch)

Prendre le voile Chez les Johannssen, la voile est une histoire de famille. Chez le père, c'est presque obsessionnel. Sa femme et ses enfants adhèrent mais suivent le rythme sans réellement avoir le choix. Chacun d'entre eux en retire pourtant ce qu'il veut selon son caractère et ses aptitudes. Josh, narrateur et deuxième de la fratrie, soi-disant le moins ambitieux, aime certes naviguer mais surtout bricoler les voiliers, particulièrement ceux des autres. Sa manière à lui d'aider son prochain, de participer à la marche du monde ... Jim Lynch est doué pour absorber le lecteur. Il fait de cette chronique familiale un récit rythmé, vivant, drôle et plein d'anecdotes et remarques sociologiques, scientifiques ou autres, sans omettre pour autant les conflits et les drames qui surviennent inévitablement dans toute famille. Le ton du roman est donc impeccable mais j'ai toutefois éprouvé jusqu'à un certain point un manque d'empathie à l'encontre de cette f

La tête sous l'eau (Olivier Adam)

Et dans le tambour Antoine a beaucoup de mal à garder la tête hors de l'eau. Sa vie d'ado ordinaire est complètement bouleversée depuis que sa grande soeur Léa a disparu au cours d'un festival de musique en Bretagne. Sa famille s'y est installée depuis quelques mois pour prendre un tout nouveau départ. Au lieu de ça, l'angoisse et le manque ont infiltré le foyer et ses parents menacent d'exploser en vol. Quand Léa est retrouvée vivante, mais non indemne, l'immense soulagement laisse vite la place à une nouvelle bataille : faire face au désarroi de sa soeur. Il s'agit du premier ouvrage jeunesse d'Olivier Adam que je me mets sous la dent. J'ai été surpris en l'apprenant après coup. Certes, il est moins long que la plupart des autres, la noirceur envahit peut-être de façon plus édulcorée les états d'âme des personnages, en tout cas en intégrant moins de composantes politiques ou sociales, mais au bout du compte il est assez semblable aux

Double piège (Harlan Coben)

Souriez, vous êtes dupé C'est le temps des vacances, le temps parfait pour découvrir Harlan Coben, poids lourd du thriller américain. Du thriller en version soft si on se base sur Double piège , choisi pour son pitch excitant. Une jeune veuve découvre son mari supposé assassiné, bel et bien vivant sur une vidéo captée dans son salon. Elle y avait placé une caméra pour surveiller la nounou de sa fille ... Ambiance. C'est un roman assez chouette qui se lit bien parce qu'il allie efficacité et simplicité dans l'écriture. Il est un peu difficile de ressentir de l'empathie pour la froide et très armée héroïne. C'est sûrement voulu. Sinon, je qualifierais le dénouement d'original même si le procédé a forcément déjà été utilisé. J'en lirai d'autres de cet auteur à succès. Sans nul doute ... L'été prochain ? Pocket - page 78 L'homme s'assit sur le canapé à côté de l'enfant, regarda la caméra et sourit. Par miracle, May

14 juillet (Éric Vuillard)

Épopée nationale 14 juillet  n'est pas un roman. C'est un récit qui raconte la prise de la Bastille du point de vue du peuple parisien et non plus sous l'angle de la grande Histoire, celle officialisée par les grands de ce monde qui explique les tenants et aboutissants de la survenance d'un événement fondateur, du moins en terme de symbole, de la nation française.  Le 14 juillet 1789, une lame de fond résultat de siècles de mépris de la part des classes dirigeantes et bourgeoises, fit paradoxalement converger presque spontanément des dizaines de milliers de gens au pied de la citadelle de la Bastille, symbole de l'arbitraire royal, pour la faire tomber. Personne, à ma connaissance, n'avait raconté comment cette folle journée a été vécue par ceux qui y ont participé. La raison en est sûrement que personne ne le sait, les protagonistes ayant laissé peu, voire pas, de témoignages. Après renseignements, les événements dépeins sont bien ceux de l'histoire officie

Brèves réponses aux grandes questions - Stephen Hawking

Y a-t-il une limite à la connaissance ? Avec cet ouvrage, bien davantage encore qu'avec Une brève histoire du temps , que je n'ai pas lu bien longtemps, Stephen Hawking réalise un ultime effort de vulgarisation des sciences de l'Univers auxquelles il a consacré sa vie. Ici, il répond de manière simple à des questions concrètes qui parlent à tout un chacun : Dieu existe-t-il ?, Comment l'Univers a-t-il commencé ? Peut-on voyager dans le temps ?, mais exprime aussi ses réflexions sur l'avenir du genre humain : Serons-nous dépassés par l'intelligence artificielle ? Faut-il coloniser l'espace ? etc... C'est passionnant et parfois flippant malgré la dose d'optimisme qu'il injecte dans ses propos. Dans tous les cas, le lecteur profane a cette fois l'impression que le scientifique se met à sa hauteur, même si ce n'est parfois pas complètement possible lorsque le thème choisi fait référence  des concepts mathématiques et à des théories d'astr

Robe de marié (Pierre Lemaitre)

L'enfer, c'est l'autre Après avoir tellement aimé les deux premiers épisodes de la trilogie Les enfants du désastre,  il me fallait tenter la lecture d'un des thrillers qui ont fait le succès de Pierre Lemaitre ? Chaudement recommandé par au moins deux de mes proches, Robe de marié m'intriguait à cause de son titre. Celui-ci s'est révélé être à mes yeux davantage un coup de marketing qu'une synthèse de l'histoire. Le début est plutôt bluffant car le lecteur est instantanément plongé dans la confusion, voire la folie. Le lecteur ressent la terreur et le désarroi d'une jeune femme qui, abasourdie par ses actes, perd les pédales. L'entrée en matière m'a glacé le sang et toute la première partie, le point de vue de Claire, m'a complètement embarqué. Les choses se gâtent sensiblement lorsque survient un changement d'angle de narration. C'est maintenant Franz qui apporte son éclairage sur la situation sous la forme d'un journal de

La mise à nu (Jean-Philippe Blondel)

Peindre et faire un tour (de la rocade) Professeur d'anglais à Troyes, Louis a la soixantaine et la retraite en vue. Sa femme, ses filles, les amis qui ont compté et le feu sacré de l'enseignement l'ont quitté depuis un petit bout de temps maintenant. Rien de dramatique, la vie et le temps qui passe, pas de quoi être réellement déprimé. Le hasard - enfin ça on verra - le pousse à recroiser le chemin d'Alexandre, un ancien élève sans relief devenu contre toute attente artiste peintre au rayonnement international. Ils n'ont pas grand-chose en commun mais l'amitié qui se profile est providentielle, pour l'un comme pour l'autre ... J'aime Jean-Philippe Blondel, sa langue qui sonne juste, ses phrases courtes qui vont à l'essentiel, son regard sur soi, les autres, le monde en général, un brin désabusé et cynique mais sans noirceur excessive. Son roman m'a enthousiasmé dès les premiers mots ("Je n'étais pas à ma place. Je déambulais

Nana (Émile Zola)

C'est chic ! Émile Zola continue son incroyable peinture naturaliste en s'employant cette fois-ci à raconter, à travers le destin de Nana, fille de Germaine Macquart ( L'assommoir ), le monde des courtisanes, apparemment très en vogue pendant le Second Empire. Ces "cocottes" gravitaient autour de personnages plus ou moins importants de la société parisienne et notamment de jeunes gens qui, par ces fréquentations discutables, cherchaient à accéder au "chic", se délestant au passage de leur petite fortune. En tout cas, c'est que raconte l'écrivain quand il profile habilement le personnage de Nana, qui préfère devenir prostituée que rester fleuriste. Rien d'étonnant à ce que le roman ait fait scandale à sa publication en 1880 car les situations scabreuses surgissent régulièrement au cours du récit. Pourtant, on est loin de l'apologie. Si Zola n'y est pas allé de main morte, c'est pour mieux dénoncer les dérives de l'élite de l

Les trois femmes du consul (Jean-Christophe Rufin)

Columbo mais pas trop Entre deux romans classiques plus exigeants à lire, une courte enquête "policière" était la bienvenue. Pourtant, autant le dire tout de go, elle m'a déçu. Le roman ne vaut que par la description, pourtant succincte, de l'atmosphère de Maputo, la capitale du Mozambique, un pays d'Afrique qu'on connait peu, et par le personnage d'Aurel Timescu, consul adjoint de France, d'origine roumaine, personnage moitié Hercule Poirot moitié Columbo, saugrenu, instinctif, mélomane et tire-au-flanc. Les autres protagonistes, notamment les trois femmes en question, sont clairement sous-exploités, à part peut-être le bienveillant supérieur de notre fin limier. L'intrigue, elle, est pauvre et ne tient nullement en haleine. Le roman se lit paradoxalement tout seul. Grâce au style limpide de l'auteur, il a glissé comme un verre de vin blanc bien frais. Certains lecteurs trouveraient ça suffisant. Flammarion - page 7 Il avait fini noy

Les cerfs-volants (Romain Gary)

A la poursuite du bleu Chez les Fleury on a de la mémoire. Don ou malédiction, Ludovic a hérité de cette caractéristique familiale et n'est pas près d'oublier Lila, une jeune aristocrate polonaise qu'il croise par hasard au détour de l'enfance … Les cerfs-volants ou le sort tumultueux d'un gamin au caractère intègre et entier, à l'image de celui de son oncle qui fabrique des cerfs-volants, symboles de liberté, d'espoir et de rêve, pour amuser les enfants et pour les faire voler très haut "à la poursuite du bleu".  Je serais bien en peine de donner un avis compétent sur le dernier roman de Romain Gary devenu un classique. Le point d'orgue de cette oeuvre est pour moi la brillante orchestration qu'il fait de l'occupation allemande, de l'arrivée de l'ennemi à la libération. Pour la captivante esquisse de la résistance dans le village normand de Cléry, avec ses rebondissements dramatiques. Et pour l'humanité, au sens l

Kennedy et moi (Jean-Paul Dubois)

Un type qui mord son dentiste est-il fondamentalement mauvais ? Le dernier Dubois, prix Goncourt 2019, n'étant pas encore sorti en poche, je me suis rabattu sans hésiter sur  Kennedy et moi , un roman de 1996 dont l'adaptation au cinéma quelques années plus tard m'avait enthousiasmé. Après coup je comprends que le bougon Jean-Pierre Bacri ait été choisi pour incarner Samuel, écrivain quadragénaire sur le retour pour lequel le lecteur ressent une certaine empathie puisqu'il a accès à ses monologues intérieurs. En revanche, pour son entourage (son dentiste y compris) Samuel a tendance à être imbuvable, sauf peut-être pour sa femme ... Alors qu'il est au plus mal, elle va à nouveau être aimanté par un conjoint mal léché qui lui paraît soudain davantage dans la vérité que tous ceux, tellement conventionnels et étriqués, qui gravitent autour d'elle. De ce point de vue, le portrait de ses enfants est un must du bouquin. Ne lisez pas ce roman pour son titre. Le f

Vers la beauté (David Foenkinos)

L'art est un baume réparateur pour le coeur En librairie, j'ai tout de suite été accroché par le titre et la couverture de Vers la beauté . Par son pitch aussi : Antoine se fait embaucher comme gardien de salle à Orsay. Que s'est-il passé dans sa vie pour qu'il quitte Lyon, sa famille et son gratifiant poste de professeur à l'école des Beaux Arts, tout ça pour surveiller toute la journée les tableaux du musée parisien ? Le thème de la thérapie par l'art et la mise en scène du mystère de la reconversion, associés à la délicatesse de la plume de Foenkinos, laissait entrevoir la perspective d'un délicieux divertissement. Le récit commence bien : Mathilde, DRH au musée, tombe sous le charme de cet homme dont elle sent bien que l'apparent détachement cache une blessure béante. Elle sent confusément qu'elle aimerait être le baume apaisant de son coeur. Pourtant, assez vite, en lieu et place d'un adroit rapprochement entre les deux protagonistes e

Dîner à Montréal (Philippe Besson)

Les pieds dans le plat Le voici enfin sur ma table de nuit ce troisième volet des amours auto-romanesques de Philippe Besson. Dès les premières pages du bouquin, avec le souvenir en moi des deux précédents, je me convaincs qu'il s'agit bien d'un roman. Car, à dire vrai, ce dîner - ou devrais-je dire ce souper - entre vieilles connaissances paraît trop beau pour être vrai. Avec le parti pris de ne pas tout prendre au pied de la lettre, je peux maintenant savourer sans honte la verve fine et maligne de l'écrivain, cette fois-ci mise au service d'un huis-clos à quatre voix dans un restaurant du quartier gay de la grande métropole québécoise. Unité de temps et de lieu comme dans le théâtre classique, le récit ne tient pas dans l'action mais dans les souvenirs, l'intime, l'audace et l'éloquence. Paul se présente devant l'écrivain au cours d'une signature dans une librairie. Philippe y voit immédiatement, presque inconsciemment, l'opportu

The outsider (Stephen King)

Le croque-mitaine Pour se remettre à lire en anglais, rien de tel qu'un roman de Stephen King, auteur prolifique qui sait concocter des histoires à sensations d'une plume directe et sans fioritures littéraires. A part lorsqu'il décrit une partie de baseball (C'est quoi qui dit le monsieur ?) ou un autre thème au vocabulaire bien spécifique, le roman m'a semblé assez facile à lire. Un homme très apprécié de sa communauté est simultanément aperçu à une conférence télévisée de Harlan Coben (!) et sur la scène d'un horrible crime. Ses empreintes digitales sont également trouvées aux deux endroits. Comment est-ce possible ? Le roi du fantastique a encore trouvé le pitch accrocheur qui, à coup sûr, a fait de son rejeton un best-seller. The outsider est plutôt long et bavard puisqu'il contient assez peu d'action et de rebondissements. Ne vous méprenez pas, venant de moi c'est clairement un compliment car je ne suis pas vraiment adepte des thrillers

L'Arabe du futur 1 (Riad Sattouf)

Vu d'en bas Ai-je aimé ou non cette bande dessinée qui apparemment a fait un carton ? Au moment de coucher ces mots, j'aurais clairement tendance à dire que non. Je n'espérais rien de spécial en lisant cet ouvrage, mais si j'avais eu envie de découvrir la tendre et nostalgique chronique des souvenirs de Riad Sattouf, sans nul doute j'en aurais eu pour mes frais. Bringuebalé par un père syrien idéaliste et machiste et une mère française suiveuse, le petit Riad va connaître le déracinement très tôt dans la Lybie de Khadafi et la Syrie d'el-Assad. La patrie de son père, notamment, n'est pas le pays de cocagne et sa famille le parfait havre de stabilité, même si l'amour ne manque pas. Nonobstant la situation politique actuelle, le moins qu'on puisse dire en refermant le livre, c'est qu'on a pas envie de sauter dans un avion pour Damas. A sa décharge, l'ouvrage a le gros avantage de réaliser la peinture, sans concession et donc intéres