Diva
L'intérêt de la biographie d'une personnalité historique est de découvrir sa vie et son oeuvre mais aussi d'en apprendre davantage sur son milieu et son époque. C'est d'autant plus vrai avec celle de Sarah Bernhardt qui, à l'instar de la plupart des artistes, fut-elle la première star de l'histoire d'après sa biographe, n'a pas eu de rôle politique qui la rendrait historiquement incontournable. Pourtant, pour l'anecdote, elle s'est apparemment targuée d'avoir eu quelque influence lors de l'affaire Dreyfus ou concernant l'entrée en guerre des États-Unis en 1917.
La valeur ajoutée ici est donc principalement artistique, au travers de la peinture de la vie théâtrale et de l'atmosphère créative et mondaine du Second Empire et de la Belle Époque. Sarah Bernhardt y évolue en femme libre et tapageuse qui sait tenir tête à ses contemporains, même les plus illustres, et vivre avec éclat et excentricité sans être snob pour un sou. C'est en tout cas comme ça que je l'ai perçue dans le livre de Sophie-Aude Picon.
Après une enfance compliquée, elle sera entre autres, courtisane, comédienne et patronne de théâtre, menant sa barque avec énergie et ténacité. Sa biographie raconte sa longue carrière à coup de pièces de théâtre et de tournées à l'étranger, ce qui au bout d'un moment pourrait être rébarbatif à lire (j'avoue que ça m'a traversé l'esprit à certains moments) mais qui, une fois tout additionné, impressionne et donne envie de voir l'exposition qui lui est consacrée à Paris au Petit Palais jusqu'à fin août. A suivre donc.
Folio Biographies
Cependant, le monde théâtral parisien ne parle que de la présence à Paris de Victor Hugo, après vingt ans d'exil. Dès l'annonce de la chute de l'empire, l'écrivain est rentré dans la capitale. Les directeurs de l'Odéon profitent de la nouvelle situation politique et du retour du grand homme pour reprendre leur projet de 1868 : ils programment Ruy Blas. Sarah Bernhardt, après quelques intrigues efficaces, est choisie par "l'Illustre Maître" pour jouer la reine d'Espagne. Mais cet intérêt subit pour le théâtre de Victor Hugo est d'abord un goût de circonstance : Sarah pressent que la pièce va être l’événement de l'année et qu'il faut en être. Elle a d'ailleurs beaucoup de préjugés contre le dramaturge, entretenus par sa petite cour. Convoquée chez Hugo pour une première lecture avec les autres acteurs, le 6 décembre 1871, elle décide de ne pas s'y rendre : "J'étais tellement gâtée, adulée, encensée, que je me sentis blessée par ce sans-gêne d'un homme qui ne daignait pas se déranger, et invitait les femmes à venir chez lui, alors qu'il avait un terrain neutre : le théâtre, fait pour l'audition des pièces." Soutenue par son petit cénacle d’admirateurs, elle lui envoie une lettre un peu cavalière, s’identifiant déjà au personnage qu'elle va jouer : "Monsieur, la reine a pris froid. Et sa Camerata Mayor lui interdit de sortir. Vous connaissez mieux que personne l’étiquette de cette cour d'Espagne. Plaignez votre reine, Monsieur !"
Commentaires
Enregistrer un commentaire