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Et toujours les forêts (Sandrine Collette)

Ravage

Je sais bien que ce n'est pas une chose à faire mais à la lecture de Et toujours les forêts, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Ravage pendant une bonne partie du roman, en tout cas ce dont je me souviens du roman de René Barjavel : une histoire de fuite et de survie dans un monde anéanti par la main de l'homme, avec sur les épaules des miraculés le poids accablant du souvenir d'un paradis perdu.

L'écriture de Sandrine Collette n'est pas moins lyrique et évocatrice mais dans un style plus rugueux. Les phrases sont courtes, sèches et hachées et le lecteur doit parfois décoder pour saisir pleinement le récit. La nature nourricière et plantureuse a disparu, le monde est à genou, sans lumière, sans couleurs, ni bruits. L'auteure a le talent de nous le faire ressentir. C'est sombre, c'est désespéré, c'est angoissant mais les phrases sont belles. Le roman est magistral.

Evidemment, ce qui participe au malaise et à la fascination morbide que le récit suscite, c'est l'aspect prémonitoire, la probabilité non négligeable que ça puisse nous arriver. On y pense forcément en accompagnant Corentin, l'instinct de survie chevillé au corps et l'espoir au coeur. Malgré tout.

Le Livre de Poche - page 68

Ce fut la fin du monde et ils n'en surent rien.
Engloutis dans la terre, engloutis dans l'alcool et les rêves. Ils avaient tant bu, tant absorbé, tant bataillé pour les pensées à dire et à défendre. Ils étaient descendus sous le macadam et sous les voitures, les bras chargés de provisions, la migraine tapant déjà aux tempes et ils s'en réjouissaient à l'avance. Perdre leurs repères, s'enfoncer, se laisser couler. Ils reviendraient pleins d'hallucinations et pleins de poésie.
Pleins de mélancolie.
Ou ils ne reviendraient pas.

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