La misère encore plus pénible sous terre
J'ai lu qu'à sa première édition, Germinal n'avait pas été un aussi gros succès de librairie que certains autres volumes des Rougon-Macquart. En revanche, il est incontestablement devenu avec le temps son tome le plus célèbre et le plus vendu. Et on comprend bien pourquoi tant le récit est spectaculaire et le drame à son climax. Toute la beauté de la saga et toute sa force pourraient être résumées dans cet épisode exemplaire, celui d'Étienne Lantier, fils de Gervaise, qui, se retrouvant presque par hasard embauché dans l'une des nombreuses mines de houille du nord de la France, deviendra l'un des instigateurs d'une grève aux conséquences effroyables.
Tout est parfait dans Germinal. Je ne vois pas ce qu'un lecteur pourrait lui reprocher à part à avoir en soi l'éxécration de la violence, le dégoût de la misère, le refus de l'impudeur du désespoir ou encore l'écoeurement de l'injustice. 😂 C'est certain qu'il y a de quoi mais cela ne rend évidemment pas hommage au roman qui s'ingénie, au contraire, à condamner en bonne et due forme la société du Second Empire dont les couches supérieures courent après l'argent sous couvert d'un droit du travail famélique. Et cela en toute bonne foi à l'image des bourgeois dépeints dans le roman, dont l'inoffensive famille Grégoire qui m'a, de ce point de vue, fasciné. Mais point de manichéisme excessif chez Zola, la méchanceté et le vice ne sont pas l'apanage des gens gâtés par la vie et le peuple des corons n'est pas non plus épargné. Ils ont tout de même pour eux l'excuse du dénuement.
"Jamais vous ne serez dignes du bonheur tant que vous aurez quelque chose à vous, et que votre haine des bourgeois viendra uniquement de votre besoin enragé d'être des bourgeois à leur place."
Le rejet par certains lecteurs des romans classiques est probablement aussi dû au souvenir de leur lecture obligatoire au lycée. À celui ou celle qui se souvient de Germinal comme d'un roman assommant à 16 ans, doit absolument le lire plus tard, sans limite d'âge. Il découvrira un véritable trésor, à la fois épopée héroïque et tragédie totale.
Le Livre de Poche - page 103
Étienne alla jusqu'à la porte, remerciant le mineur qui partait ; mais celui-ci hochait la tôt, sans ajouter un mot, et le jeune homme le regarda monter péniblement le chemin du coron. Mme Rasseneur, en train de servir des clients, venait de le prier d'attendre une minute, pour qu'elle le conduisit à sa chambre où il se débarbouillerait.Devait-il rester ? Une hésitation l'avait repris, un malaise qui lui faisait regretter la liberté des grandes routes, la faim au soleil, soufferte avec la joie d'être son maître. Il lui semblait qu'il avait vécu là des années, depuis son arrivée sur le terri, au milieu des bourrasques, jusqu'aux heures passées sous la terre, à plat ventre dans les galeries noires. Et il lui répugnait de recommencer, c'était injuste et trop dur, son orgueil d'homme se révoltait, à l'idée d'être une bête qu'on aveugle et qu'on écrase.
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