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Articles

Affichage des articles du 2024

Ceci n'est pas un fait divers (Philippe Besson)

  Ceci est une infamie Le destin d’une famille de la région bordelaise en apparence comme les autres bascule lorsque Léa, 13 ans, assiste au pire. « Papa vient de tuer maman ». Son frère aîné, le narrateur, accourt de Paris, horrifié. Il n’a rien vu venir et pourtant tout était sous ses yeux. Mais comment imaginer l’inimaginable ? Le titre du dernier roman sorti en poche de Philippe Besson est remarquablement bien trouvé. Ceci n’est pas un fait divers mais bien un fait de société. Les féminicides sont certes autant de situations individuelles qui ont leur existence propre mais ils s’inscrivent au sein d’un phénomène de grande ampleur qui n’est pas totalement pris en considération en tant que tel par le droit pénal. Gorge serrée pendant une bonne partie du roman et les yeux au bord des larmes à la toute fin. Voilà comment j’ai vécu ce roman poignant. La plume est simple, le récit presque documentaire mais Besson n’a pas son pareil pour placer le lecteur sur un fil d’émotion sans le fair

Civilizations (Laurent Binet)

Colonisateur colonisé Autour de l'an mille, une poignée de Vikings quittent le Groenland et descendent jusqu'en Amérique centrale en apportant avec eux le fer et les chevaux. Lorsque Christophe Colomb débarque à la fin du 15ème siècle, ils se fait massacrer par un peuple armé contre l'adversité. Quelques décennies plus tard, l'empereur inca Atahualpa découvre la Santa Maria et prend la mer. Il débarquera bientôt à Lisbonne ... Quelle épopée ! La réécriture de l'Histoire avec l'idée de la colonisation inversée paraît vraisemblable. Le lecteur qui aime un tant soit peu l'Histoire va adorer découvrir l'avancée pas à pas de l'Inca et de sa suite dans l'Europe de Charles Quint et de François 1er. Laurent Binet a choisi pour son livre la chronique didactique qui prend la forme d'un carnet de bord inca en pleine découverte d'un nouveau monde barbare qui vénère un "dieu clouté". Ce format est à double tranchant. Il rappelle tellement l

Des diables et des saints (Jean-Baptiste Andrea)

  Beau comme un do mineur 2022, Joseph subjugue les passants en interprétant Beethoven sur les pianos publics des halls de gare ou d'aéroport. Que fait-il là alors qu'il joue si bien, lui demandent-ils ? Ce tout premier chapitre m'a subjugué. On entre alors dans le vif du sujet.  Flashback en 1969, Le jeune Joseph perd sa famille dans un accident d'avion, intègre un orphelinat aux confins du pays et nous raconte la maltraitance au quotidien par des hommes au coeur sec et le réconfort de l'entraide et de l'amitié avec ses camarades d'infortune. Ce roman m'a laissé une impression de conte à l'ancienne avec ses êtres orphelins, blessés et encombrés de rêves, mais aussi une princesse, un ogre et des mauvais génies. C'est dur et noir, sans mélodrame ni trop d'espoir mais aussi rythmé, musical, sensible, poétique et finalement ... lumineux. Collection Proche - page 248 Rose retint mes doigts sur le seuil, juste une seconde.  - Regarde, il pleut.

Un animal sauvage (Joël Dicker)

  Tout ce qui brille ... Joël Dicker ne sera jamais mon auteur préféré car son écriture est à mon goût bavarde, froide, assez désincarnée et un peu trop démonstrative. Ca c'est fait. Mais comme il maîtrise parfaitement la technique du roman "page turner", que le scénario de son intrigue est très bien écrit avec des rebondissements et des révélations distillés au fur et à mesure avec intelligence, j'ai évidemment passé un très bon moment de lecture divertissement. Pour résumer, tu te plains que le livre est trop long et tu le lis en dix secondes. J'ai apprécié l'intrigue circonscrite à cinq personnages principaux sans meurtre préalable (ouf !) mais avec un mystère qui plane dans la périphérie chic de Genève autour d'un couple à l'apparence idyllique qui fascine leurs tout nouveaux amis. On peut facilement imaginer que ce glamour est bien trop brillant pour ne pas cacher quelque chose de plus dark et qu'à force de les fréquenter, voire de les espionn

Tous les hommes sont des causes perdues (Mabrouck Rachedi)

Les femmes ... idem Adam et Sofia s'aiment d'un amour très banal et en même temps miraculeux puisqu'il s'agit du leur. Leur rencontre ne va pas de soi. On le sait car on est plongé dans leurs pensées au gré des chapitres, d'abord beaucoup lui et ensuite elle. Il peut y avoir un abîme entre ce qu’on pense être et ce qu’on paraît aux yeux de l’autre. Nos tourtereaux son pétris de doutes, enfin … surtout lui dont l'insécurité ressurgit soudainement à la suite d’une remarque anodine de sa compagne. Difficile de catégoriser ce roman de Mabrouck Rachedi, subtil mélange entre humour, satire sociale, regard aiguisé sur notre époque, drame sentimental et existentiel. Rire, émotion, tendresse, tristesse ... le lecteur traversent pas mal de sensations et sentiments. De mon côté, malgré un épilogue troublant, c'est la légèreté et l'érudition des réflexions et réparties des protagonistes qui dominent mon esprit quelques jours après avoir terminé la lecture. Tous les

Désenchantées (Marie Vareille)

  Nager dans les eaux troubles Dans un village côtier du Pas-de-Calais, Sarah, 16 ans, a disparu au tout début des années 2000. À l’époque, l’affaire a fait grand bruit et un homme a été  condamné. Plus de vingt ans après, Fanny retourne au pays pour l’enterrement de sa mère. Elle doit aussi enfin revoir sa sœur Angélique qui était la meilleure amie de Sarah … Je suis entré instantanément et facilement dans l’histoire de Sarah, Angélique, Fanny et les autres grâce à l'écriture fluide et tendre de Marie Vareille. À part quelques figures masculines secondaires peu glorieuses, les femmes sont à l’honneur et font preuve d'un remarquable sens de l'amitié et de la sororité. Une lecture vraiment très agréable. Je vais être hors sujet car la trame est construite autour d'une tragédie mais ce roman m’a personnellement ramené à l'enfance que j’ai eu la chance de connaître sans drame majeur. Elle est un temps où le temps n'existe pas complètement. Il s'étire à l'in

Le dernier rivage (Nevil Shute)

Extinction sans rébellion 1963. Une guerre nucléaire éclair a anéanti l'hémisphère nord. L'Australie est l'un des derniers rivages qui n'est pas encore atteint par le nuage radioactif qui s’étend inexorablement. Ce n'est plus qu'une question de temps. Un sous-marin américain, dorénavant basé à Melbourne, part en exploration vers le nord pour constater l'étendue des dégâts. Malgré le pitch, le roman n'est pas un roman de guerre ou un thriller, même si bien sûr le suspense n'est pas absent, puisque le lecteur comme la poignée de personnages du roman a l'espoir malgré lui qu'il y ait une porte de sortie. On est davantage dans un récit psychologique et intimiste. Ni héros ni salaud. Chacun face à sa propre fin. Au premier abord, ce livre est perturbant. Il m'a fallu du temps pour consentir à l'écriture simple, froide et sans style telle qu'elle m'apparaissait. J'ai cru au début que c'était parce que le roman date des année

Samouraï (Fabrice Caro)

  Soirée raclette Écrivain au premier livre quasiment invendu, Alan veut profiter du jardin avec piscine de ses voisins partis en vacances pour se mettre en mode guerrier samouraï et écrire un grand "roman sérieux".  Après "Le discours" et "Broadway", c'est le troisième roman de Fabrice Caro que je lis et j'aime toujours autant son humour, basé sur son sens de l'observation de notre société et de la génération des quadras/quinquas. Lire l'un de ses romans c'est un peu se regarder dans une glace. Ca nous parle, c'est gentiment absurde et décalé et étonnamment perspicace.  L'inconvénient de sa littérature, c'est qu'il applique toujours la même recette. L'auteur choisit un anti-héros, on peut dire un looser même si je n'adhère pas à un tel mot, et raconte avec tendresse et cynisme ses doutes et névroses de gars en pleine crise existentielle. Seul l'angle d'attaque change ; ici c'est celui de l'écriva

Le château des rentiers (Agnès Desarthe)

  Encore là Ceci n'est pas vraiment un roman mais un recueil de réflexions sur les thèmes de la vieillesse, de la mort et de la mémoire. Pour cela, Agnès Desarthe choisit l'angle autobiographique de ses grands-parents qui avaient recréé, dans leur tour de la rue du Château des Rentiers, un chaleureux "phalanstère" avec les membres de leur famille et avec leurs amis. Parce que dans la communauté juive dans laquelle l'auteure a grandi, "vieux" ne signifiait pas "bientôt mort" mais surtout "encore là". Être joyeux, à défaut d'être heureux, c'est presque de l'ordre de la moindre des politesses à l'encontre des absents. J'avoue avoir été un peu perturbé pendant la lecture par le côté foutraque du livre. Il est construit de toutes sortes de choses : d'imagination, de rêves, d'anecdotes souvent savoureuses, de flashbacks, de dialogues outre-tombe ou avec soi-même et autres micros-trottoirs qui donnent au récit une

Les faux-fuyants (Françoise Sagan)

  La débâcle Juin 1940. Alors que les Allemands envahissent le pays, quatre Parisiens de la haute-société se retrouvent bloqués, en exil forcé, dans une ferme de la Beauce. En entamant le roman, je n'avais pas conscience que sa lecture me détendrait autant. La quatrième de couverture annonçait pourtant la couleur en évoquant une "imprévisible et cocasse partie de campagne" et laissait présager une satire mordante sur le thème des différences de classe. Ce n'était pourtant pas gagné d'avance, on est en pleine débâcle et la mort s'abat sur le petit groupe à côté de la plaque car habitués à la vie facile. Mais c'était, j'imagine, mal connaître Françoise Sagan car la légèreté apparaît dès les premiers mots et on rit malgré le dramatique de la situation. Elle joue clairement sur le décalage à la fois réel et pas toujours abyssal entre paysans et snobinards. Le ton est badin et moqueur et on pourrait s'attacher à au moins trois personnages sur quatre. To

Le prof qui a sauvé sa vie (Albert Algoud et Florence Cestac)

  Collège blues Les bandes dessinées, ce n'est pas trop mon truc mais j'ai fait l'acquisition de celle-ci car je fais partie des élèves de 3ème à qui Albert Algoud a enseigné le français dans un collège de région parisienne dans les années 80 après son expérience de professeur en Haute-Savoie. À nous aussi, il nous a fait regarder Elephant man de David Lynch qui m'a énormément impressionné, pour ne pas dire traumatisé. C'était clairement un professeur moins académique que les autres, avec une liberté de paroles qui, à coup sûr, a marqué la plupart de ses élèves. Le récit de sa vie de prof avant d'être "sauvé" par la télévision est plein de drôlerie. Les dessins expressifs de Florence Cestac y sont aussi pour beaucoup. Je suis tout content d'avoir cet exemplaire en ma possession.

Les hommes ont peur de la lumière (Douglas Kennedy)

  L’ombre et la lumière Avant de commencer la lecture de l’avant-dernier livre de Douglas Kennedy, on m'avait prévenu : l'auteur tourne autour du pot, l'histoire met du temps à démarrer et dans le genre roman noir, on repassera. Je ne m’en suis pas soucié car j’aime ses romans justement pour ces raisons et j'ai évidemment aimé celui-ci aussi. Nous ne sommes pas ici pas dans un thriller de fou, c’est certain mais il y a une montée progressive de l’intrigue avec une explication de texte bienvenue autour du sujet de l’avortement. L’auteur installe le contexte et palabre à bon escient sur le quotidien du personnage principal, conducteur pris en otage économique par Uber. Il dresse surtout, comme à son habitude, un portrait amer de son pays aux idées de plus en plus polarisées et raconte l'affrontement ouvert entre pro-lifes et pro-choices, une démonstration qui peut sembler caricaturale mais qui ne l'est pas. Et puis, ce qui me plaît aussi, c’est qu’il nous laisse l

L'oeuvre (Émile Zola)

Période noire L'Oeuvre est probablement le roman le plus personnel d'Émile Zola, tant on le reconnait presque sans fard dans le personnage de Sandoz, l'ami le plus cher et le plus fidèle de Claude Lantier, lui-même largement inspiré de Paul Cézanne avec lequel il a grandi à Plassans. Euh ... pardon, à Aix-en-Provence. Claude, accessoirement fils de Gervaise, est un peintre au talent avorté et au destin tragique quand bien même il inspire toute une génération grâce à son tableau nommé "Plein air", moqué au salon des refusés quelques années auparavant. Ça vous rappelle quelque chose ? Il s'agit évidemment d'un récit largement inspiré de ce qu'Émile Zola a vécu presque de l'intérieur aux côtés de ses camarades artistes à cette période charnière de l'histoire de l'art lorsque les Impressionnistes butaient contre l'école officielle. Les passages du roman qui se déroulent au salon officiel et au salon des refusés sont admirables comme à chaq