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Et c’est ainsi que nous vivrons (Douglas Kennedy)

 Et c'est ainsi que nous vivrons - Douglas Kennedy

Guerre froide

À la librairie La bicyclette bleue, Douglas Kennedy précisait que son nouveau roman ne sortirait aux États-Unis qu'en 2024. Après les primaires de l'élection présidentielle ? Le sujet de ce roman d'anticipation ou de dystopie, je ne sais pas quel terme convient, est en effet "touchy".

Nous sommes en 2045, la sécession des États-Unis a eu lieu une dizaine d'années auparavant. Les états anciennement démocrates forment un pays progressiste dont la liberté est pourtant limitée par une surveillance immodérée, tandis qu'une théocratie inflexible règne sur les "flyover states", ces états au centre du pays acquis aux idées du parti républicain. Vous l'avez compris, Douglas Kennedy nous décrit ce que pourrait devenir son pays, et par extension notre monde, si l'actuelle accentuation de la polarisation des idées prenait un tour ... définitif.

Comme à son habitude, Kennedy est le meilleur quand il décrit, dissèque et analyse les ressorts psychologiques et sociologiques de ses personnages en tant qu'individus et en tant qu'Américains dans le monde. Sa vision des choses est toujours juste et ce roman ne fait pas exception malgré son format polar/thriller. Le décor est parfaitement planté. Tout est très bien senti et cet aspect surpasse à mes yeux l'intrigue elle-même, fluide et très plaisante à lire malgré un suspense plutôt limité tant on voit la fin venir avec ses gros sabots. Le titre français du roman témoigne d'ailleurs du fait que la maison d'édition mise davantage sur l'originalité du thème que sur le thriller. 

Belfond - page 260

À voir Stearns empocher les pastilles, et la manière aimable dont il me traite soudain, je me rends compte des connotations qui sous-tendent chacun de nos échanges : ce sentiment d'un destin et d'un patriotisme autrefois communs, d'une hostilité imposée à tous et qu'il est maintenant de leur devoir d'incarner - tout comme moi quand je ne suis pas Edna. Mais ce qui sourd derrière toute cette farce lugubre n'est que la tristesse d'un couple divorcé, de deux personnes auparavant très proches qui ont tout gâché dans un ouragan de conflits juridiques et observent maintenant la terre dévastée entre eux, habités d'un profond chagrin qu'aucun ne saurait exprimer. Parce qu'une telle confession serait non seulement un aveu de faiblesse, mais aussi la reconnaissance de tout ce qu'ils ont perdu.

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