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Articles

Affichage des articles du 2018

Histoire de Paris (Yvan Combeau)

Deux millénaires Cette vieille édition de Histoire de Paris  était sur mes étagères depuis un sacré bout de temps. Elle date d'avant les découvertes des années 2000 lorsque l'hypothèse d'une implantation principale des Gaulois Parisii à Nanterre plutôt que sur l'île de la Cité a fait jour. Si ce "Que sais-je ?" n'en fait pas mention, en revanche il ne se trompe pas en rappelant que c'est sur l'île de la Cité et sur la rive gauche de la Seine que Lutèce a pris son essor avant de devenir Paris au 4ème siècle. L'évolution de Paris, de son implantation, de sa structure et de son architecture : voilà ce que j'espérais trouver dans cette célèbre collection réputée instructive. Je suis particulièrement intrigué par les différentes strates de remparts qu'a connues la ville à travers les siècles. Beaucoup de Parisiens ignorent que le Paris d'aujourd'hui leur doit beaucoup. Grandes places, boulevards circulaires, rues des ancie

Canicule (Jane Harper)

Meurtre au soleil Je n'arrête pas de dire que je ne suis pas très thriller et polar mais au bout du compte, j'en lis quand même régulièrement, de préférence dans le genre plutôt soft, le moins noir ou gore possible. Une atmosphère bien posée et une finesse dans les relations entre les protagonistes sont à mes yeux autrement plus importantes qu'une intrigue meurtrière haletante. Canicule  se révèle être au final une bonne pioche. En terme d'atmosphère, tout y est. Une famille est presque entièrement décimée dans une petite ville du bush australien. La chaleur est suffocante et une sécheresse fait rage depuis trop longtemps. La population est à cran. Lorsque Aaron Falk, enfant du pays, revient assister, vingt ans après sa fuite précipitée, aux obsèques de son ami d'enfance assassiné, il n'est pas spécialement le bienvenu ... Jane Harper, pour son premier roman, a l'intelligence de ne pas en faire trop. Elle ne se précipite pas et ne bourre pas s

La vie devant soi (Romain Gary / Émile Ajar)

Et les deux pieds dedans Mohammed, dit Momo, est fils de pute. Entendez par là enfant de travailleuse du sexe, et accessoirement victime de "la loi des grands nombres" (Il a en effet tellement de pères potentiels). Depuis toujours et donc depuis environ dix ans, il vit à Belleville en pension chez Madame Rosa, une vieille femme juive haute en couleurs, qui a connu un temps son heure de gloire autour de la rue Saint-Denis. La vieille dame est très malade. Avec l'aide de Madame Lola, ancien boxeur sénégalais, et de ses autres voisins de tout bord (et de tous bords), le jeune Arabe va s'occuper d'elle. Car ces deux-là représentent tout l'un pour l'autre, ils s'aiment d'un amour de toujours. Je suis heureux de plonger enfin dans la prose de Romain Gary, auteur majeur de la littérature française du vingtième siècle. La vie devant soi , publié sous le pseudonyme d'Émile Ajar et lauréat du prix Goncourt 1975, est un roman brillant que je

L'absente (Lionel Duroy)

Écrire, c'est comme le vélo Si on s'arrête, on tombe. Il y a longtemps que je lorgnais sur Lionel Duroy. Il fait indéniablement partie de ces écrivains qui mettent leur vécu au service de leur plume en se spécialisant dans le roman autobiographique. Qualifiés par certains de nombrilistes, ils projettent beaucoup d'eux-mêmes dans des histoires d'hommes et femmes fictifs (sup)portant les mêmes bagages psychologiques, familiaux et sociologiques qu'eux. A défaut d'être techniquement divertissants car ce n'est pas leur objectif premier, ces récits racontent la vraie vie, les joies et souffrances que tout un chacun porte en lui qu'il soit écrivain célèbre ou citoyen anonyme. Quand ces histoires sont écrites  avec un maximum de justesse et de vérité, ils possèdent à mes yeux un supplément d'âme qui les rend précieux. L'absente  a tout cela. En plus de toucher au cœur et de sonner vrai, l'écriture de l'auteur m'a aussi enchanté. E

Chanson douce (Leïla Slimani)

Une nounou d'enfer Le prix Goncourt 2016, omniprésent en ce moment sur les étalages des libraires, me souriait avec sa couverture bleu pastel et son titre apaisant. A l'intérieur, c'est une tout autre chanson ... nettement moins douce. Dès le début, heureusement je dirais, on nous annonce la couleur : ça va mal se finir pour le couple Massé, jeunes parisiens bourgeois bohême qui embauche Louise pour s'occuper de leurs deux enfants en bas âge. Louise est la nounou parfaite. Tellement parfaite et indispensable qu'elle devrait inquiéter ces jeunes parents, trop contents pourtant de fermer les yeux sur sa disponibilité excessivement maniaque. Car pourquoi s'en plaindre quand on peut ainsi poursuivre sa brillante carrière et retrouver le soir venu ses enfants et la cuisine torchés ? Chanson douce n'est pourtant pas un thriller psychologique dans le genre de La main sur le berceau . Il n'y a pas de suspense en tant que tel puisque l'épilogue est

C'est le coeur qui lâche en dernier (Margaret Atwood)

Vaudeville Lire le roman dont est tirée La servante écarlate (ou The handmaid's tale ), la série qui cartonne actuellement, était une option. Pour découvrir Margaret Atwood, j'ai préféré choisir une autre fiction de l'écrivaine canadienne, en l'occurrence la dernière en date. Mauvaise pioche, j'ai envie de dire, puisque le roman, qui partait pourtant sur de bons rails, a à mes yeux rapidement fait une sortie de route. Stan et Charmaine ont perdu leur job à la suite d'une crise économique sans précédent. Comme des millions d'autres Américains, ils zonent sans domicile fixe en luttant quotidiennement contre la faim et l'insécurité. Lorsqu'on leur propose d'intégrer un programme très spécial pour quitter la rue, ils sautent sur l'occasion malgré d'idylliques promesses dont ils se méfient confusément. Ils n'ont pas tort car serait-on dans une dystopie si le bonheur absolu était effectivement à la clé ? Les premièr

L'arrière-saison (Philippe Besson)

Nighthawks Quatre personnes dans un café désert de la petite ville côtière de Chatham à Cape Cod, Massachusetts. La nuit tombe en ce jour de fin septembre, le vent se lève alors qu'à l'intérieur, l'ambiance est feutrée, familière autour d'un martini. Les propos échangés sont clairsemés, pudiques, comme inutiles. Une soirée comme une autre pour Louise, auteur à succès habituée des lieux, et Benjamin, barman. Sauf qu'elle ne va pas se dérouler exactement comme prévue. Le passé va débouler. L'avenir va-t-il se jouer en quelques minutes cruciales ? L'arrière-saison est un court roman, petite perle de sensibilité comme Philippe Besson, de son écriture précise, sait les fabriquer. Les poses, les gestes, les regards et surtout les dialogues, au bout du compte peu nombreux, sont étudiés et disséqués un à un par l'auteur via l'angle des protagonistes du huis clos. J'ai aimé ça,  le silence, l'introspection, l'observation avant de f

L'assommoir (Émile Zola)

"L'odeur du peuple" Gervaise Macquart, épouse Coupeau, est l'un des personnages emblématique de la littérature classique française, comme le sont aussi Jean Valjean et Julien Sorel. Elle est en tout cas devenue le membre le plus éminent de la famille Rougon-Macquart. Mon envie était grande de découvrir enfin son histoire. Le retentissement de L'assommoir, le septième de la série, fut grand au moment de sa publication en feuilleton en 1876-1877. Tout autant que le scandale qu'il suscita puisque le portrait du milieu ouvrier parisien au cours du Second Empire, jugé "pornographique" par certains, est absolument sans concession. Les descriptions criantes de vérité qui inondent le roman sont responsables de cette indignation, l'écrivain n'y allant pas par quatre chemins pour dépeindre le quotidien des habitants du quartier de la Goutte d'Or, avec leurs drames, joies, excès et labeur, tout cela avec le verbe haut du Paris populaire.

Mémé dans les orties (Aurélie Valognes)

Ne pas casser trois pattes à un canard Depuis le temps que je voyais un peu partout ces petits livres au titre amusant et au look frais, j'avais envie d'en picorer au moins un, histoire de voir ce que cela donnait. Je suis maintenant fixé : la littérature d'Aurélie Valognes n'est pas faite pour moi. Mémé dans les orties  a pour lui la sympathique idée de mettre en avant des proverbes et autres expressions populaires. Chacun d'eux illustre un des courts chapitres qui narre avec légèreté les (més)aventures de Ferdinand, un vieux monsieur qui a un peu tout raté dans sa vie, sauf sa misanthropie. Seule sa chienne Daisy trouve grâce à ses yeux. Alors quand celle-ci est écrasée par une voiture … On s'en doute, la jeune écrivaine va faire en sorte que Ferdinand trouve son salut avant de passer l'arme à gauche. Le scénario qu'elle construit pour ça n'en est à mon avis pas vraiment un mais ressemble plutôt à une série de saynètes sans profondeu

Dans la forêt (Jean Hegland)

Kit de survie Eva et Nell, deux sœurs de dix-sept et dix-huit ans, habitent à l'écart en pleine forêt en Californie du Nord. Leurs parents sont décédés et le reste du monde semble avoir succombé à une panne générale entraînant la mort d'une grande partie de la population. Après le deuil, il va falloir vivre .. et survivre. Il est difficile de savoir, en commençant sa lecture, à quoi s'attendre avec cette histoire. La quatrième de couverture laisse planer le doute. Est-on dans une dystopie, un drame familial, un thriller psychologique, un récit écologique ? Je dirais que c'est un peu de tout cela, ce qui place le bouquin dans une case bien à part. J'ai aimé lire sa première partie dans l'attente des retournements de situation que Jean Hegland sait distiller pour favoriser une forme de suspense tant il apparaît vraiment qu'elle ne veut pas nous dévoiler trop vite où elle souhaite finalement nous emmener. Et puis, soudain, on comprend, plus ou moins

En finir avec Eddy Bellegueule (Édouard Louis)

Stigmates Cela faisait déjà quelques temps que ce premier "roman autobiographique" d'Édouard Louis était dans mon viseur et, en commençant à lire le récit de son enfance, c'est le mot "autobiographique" qui, dans mon esprit, l'a d'abord emporté sur le mot "roman". Comme beaucoup j'imagine, j'ai cru au début qu'Eddy Bellegueule était un surnom puisque Édouard n'est pas trop laid de sa personne. Mais en réfléchissant, cette version n'était pas raccord avec l'esprit du bouquin. Né dans une bourgade déshéritée de Picardie où un tel nom de famille n'est pas rare, le petit Eddy Bellegueule a reçu de ses parents un prénom américain comme un aveu de leur origine ouvrière modeste. A l'aide d'une structure de chapitres par thématique et une écriture à mon avis en devenir, il réalise un récit d'une grande violence psychologique. Il enfonce le clou et entérine la fuite de son village, de son milieu et 

L'affaire Jane Eyre (Jasper Fforde)

Tout un roman L’idée de départ de L'affaire Jane Eyre est vraiment très bonne. L’héroïne Thursday Next, au nom qui est déjà tout un programme, fait partie des opérations spéciales en charge de protéger la littérature (OpSpecs 12), un art porté aux nues dans une Angleterre sous l'influence d'une multinationale et en guerre contre la Russie impériale. Pour encore mieux poser l'ambiance : le Pays de Galles voisin est un état socialiste indépendant et la France n'a pas tout à fait terminé sa Révolution ... Simplifions une intrigue touffue et rythmée : lorsqu'un méchant aux pouvoirs maléfiques parvient à pénétrer dans le manuscrit original de Jane Eyre , c'est pour en modifier significativement l'intrigue. A moins qu'une rançon ne lui soit versée séance tenante. Thursday va faire tout son possible pour remettre de l'ordre dans le chef d'oeuvre de Charlotte Brontë. Quel roman original ! Il est vrai que mes lectures habitue

Un été (Vincent Almendros)

Love boat C’est le plan des vacances. Pierre débarque avec sa petite amie à Naples pour passer des vacances sur le voilier de son frère Jean. Est-ce que ces quelques jours le long des côtes italiennes sont une bonne idée ? Il n’en est pas sûr ... le confort est spartiate, les deux frangins n’ont jamais été très intimes et surtout, Jeanne, la compagne de Jean, fait aussi partie du voyage. Vincent Almendros a indéniablement su installer le climat adéquat pour un huis clos psychologique, version minimaliste et subliminale. Par des phrases courtes sans ornements et des dialogues frugaux et justes, ce roman possède un pouvoir d’évocation qui a fonctionné sur moi. La visualisation des quatre protagonistes à bord de l’exigu voilier m’a été facile. Du point de vue du narrateur, il y règne surtout moiteur, inconfort, gêne et promiscuité. Le lecteur perçoit aussi les gestes simples, les regards bienveillants, les attentions particulières, la fraicheur d’une baignade, l’érotisme conten

Frappe-toi le coeur (Amélie Nothomb)

Coeur gros Que dire du vingt-sixième roman d'Amélie Nothomb ? La même chose que d'habitude en fait. Plutôt assez sobre dans la forme cette fois-ci, il est fluide et se lit évidemment comme on boit un Champagne rosé frais et finement pétillant. Comme d'habitude aussi, on rêverait d'une intrigue davantage développée autour de la bonne idée de départ largement sous-exploitée. Mais au bout du compte, le mieux n'est-il pas de se faire une raison et d'accepter la signature Amélie Nothomb telle qu'elle est ? Sans cette empreinte caractéristique, sans son apparente désinvolture, peut-être s'arracherait-on moins l'édition annuelle de notre écrivaine belge gentiment barrée. Le cru 2017 n'est d'ailleurs pas son plus mauvais. Il aborde, avec le sens de la formule, des thèmes comme l'envie, l'apparence, la parentalité, l'ambition, l'admiration ...  en nous racontant Diane, jeune enfant puis jeune femme qui tente de se construir

06H41 (Jean-Philippe Blondel)

Lundi matin dans le train Je ne connaissais pas Jean-Philippe Blondel avant de lire 06h41, dont le titre m'a plu d'emblée. Une intrigue intime qui se déroule dans un train tôt le matin n'est-elle pas a priori digne d'intérêt ? Un homme et une femme ayant entretenu une courte, malheureuse et presque anecdotique relation il y a 27 ans, se retrouvent par hasard assis l'un en face de l'autre dans le train Troyes-Paris de 06h41 en ce lundi compliqué pour tous les deux. Les souvenirs affluent violemment, ils font semblant de ne pas se reconnaître. Je relirai cet auteur car j'ai retrouvé dans ce roman les ingrédients qui, je pense, me plaisent le plus dans la littérature : des personnages à la psychologie fouillée, non cliché et qui sonnent juste. Il y a du désenchantement dans leur histoire mais contrairement à du Olivier Adam (que j'aime pourtant énormément lire), elle est suffisamment courte pour ne pas en devenir pesante. Ca se lit comme un roman

La tresse (Laetitia Colombani)

De mèche En voilà un joli livre. Le premier roman de Laetitia Colombani, avec ses thèmes qui sont loin d'être anodins, dégage paradoxalement un charme gracile qui va droit au coeur. Pour commencer, l'idée de départ est parfaite : réunir trois histoires, trois femmes, trois lieux différents du large monde. Smirta, Giulia et Sarah n'ont a priori aucun rapport entre elles sauf à tisser leur destin chacune de leur côté, ce qui formera à terme, on le devine, une tresse unique à partir de leur propre mèche. Le propos est largement féminin et féministe. Des trois histoires, la plus marquante est bien sûr la jeune femme indienne née dans la caste des Intouchables. Pour elle, davantage que pour les autres, il ne s'agit même pas encore de féminisme, mais bien d'émancipation, de résilience et de courage face aux traditions ancestrales érigées en vérité. Pour les autres, il s'agit de lutter contre le machisme, la maladie ou contre soi-même. Ce n'est pas non pl

2710 jours (Lucien Violleau)

  "Enfin vivre" Lucien Violleau, jeune cultivateur vendéen, part "sous les drapeaux" à la fin de 1937. Juste avant la quille (terme qu'il n'utilise pourtant pas), la seconde guerre mondiale éclate. Il restera prisonnier des Allemands jusqu'en 1945, soit 2710 jours loin de sa famille (à part quelques permissions jusqu'en 1940) à ronger son frein, désespérant de retrouver une vie normale, de pouvoir "enfin vivre". Il tiendra un journal de ces années si particulières dans une vie, un écrit a priori fidèlement reproduit à partir des trois carnets qu'il laisse à  sa mort en 2003. Plutôt qu'un journal quotidien, routinier, Lucien Violleau réalise un récit construit, étonnamment scénarisé par le hasard de son histoire, qui laisse transparaître mal-être, espoir et émotions. Pourtant globalement, ses états d'âme sont pudiques et on en apprend peu sur sa vie laissée au pays ou sur les liens créés avec ses "copains"

La vérité sur l'affaire Harry Quebert (Joël Dicker)

La recette du roman à succès     Marcus Goldman a écrit un premier livre au succès fulgurant. L'adrénaline des honneurs retombée, il se retrouve face à l'insurmontable mur que représente l'écriture d'un deuxième roman. Il recontacte le grand écrivain Harry Quebert, ami et mentor délaissé depuis quelques mois. Marcus a l'espoir que celui-ci l'aidera à surmonter l'épreuve de la page blanche. Malheureusement, dans la foulée, le corps de Nora Kellergan, disparue il y a 33 ans, est retrouvée enterré dans le jardin de Harry Quebert à Aurora, New Hampshire. Nora est l'inspiratrice de son chef d'œuvre écrit au cours de l'été 1975, celui de leur grand amour. C'est bien sûr l'impressionnant succès de Joël Dicker qui m'a donné envie d'avoir une opinion sur ce roman que presque tout le monde a aimé. A sa lecture, on comprend aisément l'engouement qu'il suscite car ses qualités de page-turner sont indéniables : des chapitr

Le coeur d'une autre (Tatiana de Rosnay)

Le coeur, le nouveau cerveau ? Bon an, mal an, je continue mon tour d'horizon des auteurs à succès. A ce titre, Tatiana de Rosnay tient bien sa place depuis une dizaine d'années. Sur le papier, son image de romancière grand public qui fait pleurer dans les chaumières, justifiée ou non, ne m'attirait pas spécialement. j'ai voulu tenter avec peut-être, d'entrée, un mauvais choix de roman. Bruce Boutard n'a pas seulement son nom comme repoussoir. C'est un ours mal léché qui a beaucoup de mal à communiquer avec qui que ce soit, à part peut-être son fils et son meilleur ami. Lorsque, suite à un diagnostic et une attente pénible, il est greffé d'un nouveau coeur, sa vie va changer du tout au tout. Un transfert d'âme va comme s'effectuer entre le donneur et le receveur. Une seconde vie d'esthète commence-t-elle pour l'ami Bruce ? L'idée est sympathique et la lecture en soi pas désagréable mais malheureusement la narration abon

Chlorophylle, intégrale tome 1 (Raymond Macherot)

Quel lérot ! Récemment, tandis que je flânais dans un magasin de bandes dessinées, je suis littéralement tombé en arrêt, comme choqué, devant un album de Chlorophylle. On peut dire sans se tromper, alors que j'avais tant aimé à l'époque emprunter ses albums à la bibliothèque municipale, que j'avais complètement oublié ce petit lérot de mes lectures d'enfant avec sa bouille sympathique affublé d'un œil au beurre noir. Il n'en fallait pas plus pour que je fasse l'acquisition de ses premières aventures que Le Lombard a eu la bonne idée de regrouper dans un beau libre relié avec du papier de qualité tout en conservant le visuel vintage de l'époque. Le tome 1 de l'intégrale présente aussi l'auteur Raymond Macherot et le contexte des cinq premières histoires de Chlorophylle créées dès 1954 dans l'édition belge du journal de Tintin. Avec Chloro, pas de dialogues infantilisants mais des énigmes à résoudre et un certain souffle épique. Le text

En attendant Bojangles (Olivier Bourdeaut)

D'une folie à l'autre Précédé de sa réputation de premier roman au succès retentissant, En attendant Bojangles a brûlé les étapes de ma PAL pour se retrouver sur ma table de nuit bien avant certains qui attendent leur tour depuis plus longtemps. Cette courte fiction a conquis bien des cœurs mais seulement en partie le mien. Le très jeune narrateur a des parents fantasques, résolument optimistes qui ont pris le parti de mordre la vie à pleines dents en faisant de chaque jour une nouveauté, une fête, un émerveillement.  Soit dit en passant, la plupart des lecteurs qui souscrivent à cette idée séduisante sont probablement les mêmes qui ne verraient pas d'un excellent œil leurs voisins en charge d'un gamin se comporter de manière aussi excentrique. En attendant, l'écriture étant légère et pleine d'esprit, chacun est  évidemment charmé par la fantaisie d'une telle famille, par la poésie absurde teintée d'humour présente à chaque paragraphe. Le pass

Les heures (Michael Cunningham)

Concordance des temps Les heures semble être le roman phare de l'oeuvre de l'auteur de La maison du bout du monde , lu il y a déjà plus de quatre ans. Virginia, Clarissa et Laura sont trois femmes à trois époques différentes. La première, l'écrivain Virginia Woolf, se noie volontairement dans une rivière dès les premières pages du roman. Les deux autres ont un lien avec elle que le lecteur découvre petit à petit, une connexion à la fois évidente et pas tant que ça car ce sont des femmes comme il en existe des millions sur Terre. Elles cherchent leur place dans un monde où elles se sentent ni libres ni heureuses. A quelques décennies d'intervalle, les heures s'étirent pour chacune d'elles au cours d'une journée, compliquée comme tant d'autres, de leur existence. C'est l'occasion pour Michael Cunningham de déployer sa plume sensible en esquissant le portrait de ses héroïnes ordinaires, personnages désenchantés et submergés par un ma

La place (Annie Ernaux)

"La grippe, moi, je la fais en marchant" Trouver sa place. La place dans la société pour une jeune fille quittant le modeste cocon familial pour étudier les lettres modernes dans une grande ville ? Ou la place de son père, homme à la fois humble et fier, le complexe de ses origines ouvrières chevillé au corps, tout autant terrifié à l'idée d'être méprisé pour sa condition par les gens instruits que de laisser ses propres pairs s'imaginer qu'il la renie. "Il ne faut pas péter plus haut qu'on l'a" comme on dit chez lui en Normandie. Je connais à peine Annie Ernaux, mais j'ai la sensation qu'à travers ce récit, elle parle autant d'elle que de son paternel auquel elle consacre pourtant un livre. Par une tournure épurée qui peut même laisser croire à une absence de style, elle fait le portrait d'un honnête homme comme il y en a probablement des milliers en France. Des faits, des anecdotes, des souvenirs, des impressions

D'après une histoire vraie (Delphine de Vigan)

Serpent à plume J'avoue être bon client de la littérature "autobiographique" que propose Delphine de Vigan avec Rien ne s'oppose à la nuit et D'après une histoire vraie . L'auteur se met elle-même en scène en tant que personnage principal de ses romans et encore plus pour celui-ci que pour le précédent lorsqu'il était d'abord question de sa mère. Dans D'après une histoire vraie , elle est la victime de manipulations de la part d'une jeune femme qui va s'inviter insidieusement dans sa vie et vouloir influer sur son écriture. On ne saura probablement jamais la part de vérité dans cette fiction soit-disant inspirée de faits réels. Delphine de Vigan a-t-elle vécu une histoire similaire de près ou de loin ? Je suis tenté de croire que c'est plutôt de loin. A partir de ce constat, est-ce si important de le savoir ? Je me satisfais complètement de ce qui est dit dans le passage reproduit ci-après, issu d'un dialogue entre Delph

Ils vont tuer Robert Kennedy (Marc Dugain)

Coup d'état permanent Ils vont tuer Robert Kennedy est un roman ambitieux sur les assassinats de John et Robert Kennedy en 1963 et 1968. Pour l'étude de cette décennie compliquée de la vie politique américaine, Marc Dugain, que je découvre ici pour la première fois, a sans nul doute fait un gros travail de recherche. La lecture m'a paru plutôt ardue, non pas parce que la plume ne serait pas vivante et fluide ou les explications insuffisantes ou peu claires, mais parce que les évènements racontés sont opaques puisqu'ils dissimulent enjeux et actions qui échappent à l'immense majorité d'entre nous. L'auteur prend le parti de narrer ces épisodes comme si conspiration et réalité historique ne faisaient qu'un. En tout cas, c'est ainsi que je l'ai ressenti. Les Russes, Fidel Castro, la mafia, le complexe militaro-industriel, les producteurs texans de pétrole, les concurrents républicains et démocrates des frères Kennedy ... tous ont un rô