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Affichage des articles du 2022

On était des loups (Sandrine Collette)

Chante avec les loups Sandrine Collette a de mon point de vue parfaitement réussi son coup. L'esprit et l'ambiance du récit de On était des loups est à l'image de Liam, le narrateur, un homme rugueux, peu éduqué et à l'enfance difficile qui s'isole tôt dans ses montagnes d'Amérique du Nord où il emmènera sa femme rencontré lors d'un de ses rares saut en ville. Un jour, au retour de la chasse, il la retrouve morte, tuée par un ours, protégeant de son corps leur fils. L'homme panique. Pas de se retrouver seul évidemment, ça il sait faire, mais d'avoir la seule responsabilité d'un gamin de 5 ans alors qu'il faut chaque jour arpenter la montagne pour y survivre. Il aura d'abord des réflexes d'auto-conservation, un peu comme un loup qui se débat car pris au piège. Le lecteur suit son périple à cheval et le fil de ses pensées désordonnées, pourtant gorgées de leur poésie et d'une grande justesse car splendidement incarnées par une écri

Là où chantent les écrevisses - Delia Owens

Jolie plume Parents, frères et soeurs sont partis sur les routes en laissant Kya grandir seule au milieu des marais. À l'écart de la population locale, la petite fille ne veut compter que sur elle-même et sur les oiseaux de la lagune pour (sur)vivre. Devenue adulte, deux hommes seront irrésistiblement attirés par elle ... pour le meilleur et pour le pire. Souffle romanesque, puissance des sentiments et intrigue pleine de mystère, le roman m'est apparu polymorphe : romance, historique, sociologique, écologique, d'apprentissage, thriller, policier, de procès. Un palpitant mélange de genres. Pourtant, la particularité la plus marquante de cette fiction riche à tous points de vue est évidemment son ode à la nature, à la liberté et à la solitude. À peine sorti de ses pages, le lecteur n'a qu'une envie : aller trainer là où chantent les écrevisses et nourrir les mouettes et les goëlands de la plage de Kya. Delia Owens raconte avec talent le sud des États-Unis des années 5

La joie de vivre (Émile Zola)

Bonne poire Pour son douzième Rougon-Macquart, Émile Zola ralentit le tempo de sa peinture naturaliste, à l'image d' Une page d'amour qui m'avait laissé un peu la même impression. Cette fois-ci, on est particulièrement loin du bruit et de la fureur du Second Empire, à part pour décrire l'atmosphère d'un coin reculé du pays et de la misère de ses campagnes. Pour La joie de vivre il y a unité de lieu dans la demeure de bourgeois de Bonneville, petite bourgade au pied des falaises grignotée petit à petit par la Manche et ses assauts incessants. Pauline, orpheline des charcutiers Quenu des Halles présents dans Le ventre de Paris, est recueillie par ses cousins de Normandie. Sa joie de vivre naturelle reçue au début avec bienveillance va être progressivement exploitée par les Chanteau, famille gentiment détraquée, rongée par l'égoïsme et l'inconstance. Les caractères difficiles et hauts en couleurs sont si bien campés qu'on s'attache à ses membres,

Le dernier enfant (Philippe Besson)

Rester femme Que peut-on ajouter quand on lit le énième roman, le quatorzième en l'occurrence, d'un auteur chouchou que l'on admire pour sa plume sensible, plutôt simple sans fioriture ce qui n’exclut pas le souci littéraire, qui va droit au coeur car elle sonde le coeur de ses protagonistes ? Évidemment on se répète. Je vais donc juste rappeler que Philippe Besson sait mieux que personne évoquer les tourments de l’âme et il a visé particulièrement juste cette fois-ci en racontant les tourments d'Anne-Marie, une femme qui voit son dernier enfant quitter le foyer après une trentaine d'années de bons et loyaux services. Quand les deux premiers sont partis, c'est passé comme une lettre à la poste car il restait encore Théo à couver, et lui, il n'était pas encore prêt pour bondir hors de sa coquille. Enfin, le pensait-elle car évidemment c'est elle qui n’était pas prête. Elle n’a pas vu le coup venir ou elle n’a pas voulu le voir, dans son cas c’est la même

Le soldat désaccordé (Gilles Marchand)

Je n'étais pas parti la fleur au fusil Ce roman sur la guerre n'est pas tout à fait comme les autres. Pour conter l'histoire du soldat « désaccordé » par l'horreur de la « der des der », il convoque le romantisme, la poésie et le rêve au milieu de la violence des combats. Blessé physiquement, c'est surtout la tête de ce poilu, narrateur du récit, qui n'est plus indemne. Son esprit ne quittera jamais le front, ni tout à fait la guerre après l'armistice. Enquêteur privé pour le compte des familles à la recherche de leurs chers disparus, il va devenir petit à petit obsédé par l'histoire d'amour fou entre Émile et Lucie, îlot de beauté dans toute cette laideur. Une bouée de sauvetage pour lui qui a tout perdu à cause du conflit, sauf le droit de vivre la vie des autres par procuration, de la rêver, de s'y confondre.  J'ai aimé la constante ambivalence de ce roman qui fait cohabiter l'abomination des tranchées et de ses conséquences avec le ré

Le combat des chefs (René Goscinny et Albert Uderzo)

  Lancer de menhir Dernière trouvaille des Romains de Babaorum : capturer Panoramix puis provoquer, selon la tradition gauloise, un "combat des chefs". Privé de la potion magique, Abraracourcix devrait se battre contre le chef survitaminé d'un village "gallo-romain" voisin et, en cas de défaite, lui céder le village d'irréductibles Gaulois. C’est bien sûr compter sans la maestria d’Astérix et Obélix qui vont éviter l'enlèvement du druide. La manie d'Obélix de lancer du menhir à tout-va les mettra quand même dans l'embarras. Cet album avait ma préférence quand j'étais enfant. Je me souviens que j'aimais bien quand Astérix ne partait pas en expédition dans des contrées lointaines, comme l'Égypte ou l'Hispanie, aux moeurs bien moins gauloises. Astérix et son ami Obélix vivaient de tout aussi excitantes aventures en restant au village et dans ses alentours. C'est une bien étrange chose que de parcourir trente ans après une BD lue,

Pastorale américaine (Philip Roth)

Une histoire américaine « Pastorale américaine » ou le portrait de l'Amérique du vingtième siècle par le biais autofictionnel habituel de Philip Roth, celui de la communauté juive de Newark, New Jersey.   Couple parfait sur le papier, à tous points de vue conforme au rêve américain, « Le Suédois », sportif plein d'allure au lycée et maintenant chef d'entreprise, et son épouse, ancienne reine de beauté en quête de sens, n’échapperont pas aux drames que la vie ne manque pas d'apporter à tout un chacun. Leur fille unique, prunelle de leurs yeux, n'est pas aussi douée qu'eux pour le bonheur. Cela va quelque peu noircir le tableau. Ce roman m'a en quelque sorte fasciné par sa structure. L'histoire qui nous est racontée est relativement simple mais elle est tissée de digressions incessantes qui se succèdent les unes aux autres dans un fourre-tout qui n'est évidemment qu'apparent. Quand l’écrivain s’empare d’un épiphénomène du récit, il le tord dans

Dessous les roses (Olivier Adam)

  Midi à sa porte Chacun sa vérité. Il n'y pas de plus grande vérité en ce bas monde. Il suffit de voir combien chacun campe en général sur les siennes, et moi le premier. Voilà à mon sens le grand thème du dernier roman en date d'Olivier Adam, auteur cher à mon coeur qui nous livre encore une fois un roman d'une très grande justesse. J'ai adoré, la vérité ! Claire, Paul et Antoine se retrouvent pour une fois réunis au domicile parental. Et pour cause, leur père vient de mourir. Ils entourent leur mère, ébahie de les voir tous ensemble dans sa cuisine malgré le fossé creusé par les années. Trois jours pour faire remonter l'enfant qu'on a été ou tout simplement régler ses comptes. Qui est coupable ? Y en a-t-il un d'ailleurs ? Chaque enfant de délivrer sa version de l'histoire familiale et chaque lecteur de se faire sa propre opinion de la situation, qui sera à coup sûr à l'opposé de celle son complice de club de lecture. CQFD Flammarion - page 118 Tu

L'angoisse du roi Salomon (Romain Gary / Émile Ajar)

Tournée générale d'amour Même pseudonyme, même phrasé : on retrouve dans ce roman d'Émile Ajar (Romain Gary) les inventives tournures de français oral déjà poussées à leur paroxysme dans La vie devant soi. Jean, alias Jeannot Lapin, alias Marcel Kermody est un jeune homme à la gueule de voyou, à l'attitude un peu naïve mais à l'intelligence émotionnelle très développée. Il affectionne les dictionnaires, dégoise avec talent et singularité et, plus que tout, sait s'occuper des gens "qui ont des besoins psychologiques". "Il aime en général" et jouera un rôle déterminant dans la très jolie histoire du roi Salomon et de Mademoiselle Cora. Bah oui, en tant que vieux ils sont "une espèce en voie de disparition". Je me suis régalé. Ce livre est un prodigieux concentré de perles, un petit miracle d'humanité brute qui fait plus que flirter avec l'absurde ou la comédie pure. Tournée générale d'amour ! Folio - page 318  - Je vous prévie

La famille Martin (David Foenkinos)

Splendide hasard La famille Martin fait partie de ces romans dont tout l'intérêt réside dans son idée de départ. Un écrivain, le narrateur, David Foenkinos lui-même, en manque d'inspiration pour son prochain roman, décide d'aborder la première personne qu'il rencontre dans la rue et de faire de sa vie un roman. Sans travestir la réalité dans la mesure du possible. Il tombe sur Madeleine, sympathique aïeule de la famille Martin. L'occasion pour l'auteur d'étudier le lien fiction/réel et écrivain/personnages. Il en découle les petites histoires personnelles de chaque membre de la famille, à la fois banales et tout à fait uniques qui rendent le livre charmant. Lire Foenkinos c'est être assuré de lire un récit tout en tendresse et simplicité, à l'image de son écriture limpide qui n'oublie pas le sens de la formule. Le seul bémol est que le fil de ces histoires n'est pas tiré jusqu'au bout. Le lecteur aurait aimé, peut-être, en savoir un peu

Michel Berger, l'inoubliable (Grégoire Colard et Alain Morel)

  Pour le comprendre Cette biographie écrite par deux proches de l'intéressé avec l'accord de France Gall, a été l'occasion pour moi d'en savoir davantage sur le parcours de vie de Michel Berger car c'est de sa musique dont j'étais jusque là surtout familier. Je l'ai découverte en 1990 à l'occasion de la sortie de son dernier album solo, celui qui comporte notamment  Le paradis blanc.  J'avais déjà eu le temps de me plonger largement dans son oeuvre lorsqu'il est décédé un jour d'août 1992. Je me rappelle parfaitement de l'endroit où je me trouvais et avoir presque immédiatement pensé à toutes ces magnifiques chansons qui ne seraient jamais écrites ... Quel plaisir de se plonger une nouvelle fois dans son répertoire poétique, mélancolique et souvent dansant avec le contexte artistique et personnel de l'époque expliqué. Son répertoire et celui de France Gall évidemment qui lui doit son éclatante deuxième partie de carrière. Quand un ti

L'art de perdre (Alice Zeniter)

Qu'elle était verte ma Kabylie Il est de ces romans pour lesquels on se dit qu'ils se devaient d'être écrits, parce que le sujet est important et que jusque maintenant personne ne l'avait encore fait sous une forme aussi complète et inspirée ... À tort ou à raison, c'est ce à quoi j'ai pensé en refermant L'art de perdre de Alice Zeniter. Trois générations : Harki, fils de Harki, petite-fille de Harki racontent le récit intime de leur vie d'homme kabyle ou de femme d'origine kabyle, arrivés en France en 1962 ou née ensuite. Ali, notable de son village, fait ce qui lui semble juste face au diktat français et à la violence du FLN avant de s'enfuir de l'autre côté de la Méditerranée. Il y perdra son âme, sa dignité et sa joie de vivre entre camps de "transit", usine et HLM. Son fils Hamid, né dans les collines de Kabylie, luttera pour trouver sa place entre un père refermé sur lui-même et une France qui ne veut pas vraiment de lui. Sa

Les années douces (Hiromi Kawakami)

Conter fleurette Tsukiko, célibataire trentenaire tokyoïte, travaille beaucoup et aime lever le coude le soir dans des bars à saké, seule ou accompagnée. Un étrange rituel va se mettre petit à petit en place lorsqu'au cours d'une soirée comme les autres, elle rencontre son ancien professeur de japonais au lycée. J'avoue ressentir un sentiment ambivalent concernant ce roman. Je l'ai aimé et il m'a déplu pour exactement la même raison : il est parfaitement japonais, presque davantage que ceux déjà lus (notamment ceux de Ito Ogawa). J'ai ressenti un dépaysement éminemment suave mais aussi reçu le gap culturel de plein fouet. Tout est japonais et si peu occidental chez Tsukiko et Matsumoto : les non-dits, la pudeur, la délicatesse, l'apparente absence d'affect mais aussi la maladresse, la brusquerie, l'excentricité ... Est-ce à cause de cela que j'ai ressenti assez peu d'empathie pour leur couple ? J'ai tout de même observé leur rapprochement

Des fleurs pour Algernon (Daniel Keyes)

Imbécile heureux "Il faut absolument que tu le lises, c'est un classique de la science-fiction" me dit-on en me tendant avec enthousiasme ce poche d'occasion. Je le saisis avec politesse et lis la quatrième de couverture. Vendu. Un doute s'immisce tout de même en moi : ce roman de 1966 pourrait-il avoir vieilli ? Au bout du compte, non car le thème et son traitement épistolaire rendent le récit intemporel et transposable partout, malgré la présence surannée de machines à écrire et autres bandes magnétiques. Quitte à reprocher à l'auteur de n'avoir pas su développer un univers propre au roman.  Je suis d'ailleurs (faussement) surpris de le voir labellisé science-fiction alors qu'il est surtout psychologique, voire sociologique, malgré son postulat imaginaire (visionnaire ?) : un jeune homme au handicap intellectuel devient un génie absolu par la grâce (en l'occurence la malédiction) d'une expérience scientifique, avant de retourner dans son

Alabama 1963 (Ludovic Manchette et Christian Niemec)

Alabama blues Sud des États-Unis au début des années soixante, JFK vit ses dernières semaines, Noirs et Blancs vivent côte à côte mais pas ensemble, le KKK rode alors que le mouvement des droits civiques progresse dans le pays ... Bud, un détective blanc et accessoirement alcoolique, va enquêter sur une série de meurtres de fillettes noires en lieu et place de la police locale défaillante. Il va, contre toute attente, être secondé par Adela, sa femme de ménage noire. J'espérais le simple délassement d'un polar sur fond d'Amérique ségrégationniste et finalement, il y a plus que ça dans ce roman. Étrangement, l'intrigue policière m'est apparue secondaire et j'ai le sentiment d'avoir vécu une expérience presque "feel good" malgré le sujet et le contexte tous les deux dramatiques. Déjà parce que l'humour est omniprésent et peut-être aussi parce que les auteurs ont eu à coeur d'illustrer le point de bascule dans la prise de conscience de certain

Broadway (Fabrice Caro)

Sans fondement Dans  Broadway , Fabrice Caro utilise les mêmes ficelles que dans  Le discours , son roman précédent, à ceci près que le narrateur, loser névrosé et handicapé social, est cette fois-ci à un stade plus avancé de sa vie. Il a 46 ans, une femme, deux enfants, est tenté par le démon de midi et galère dans les grandes largeurs dans ses interactions avec famille, amis, collègues et voisins. Pas de discours de mariage à assurer mais la nécessité de faire face à l'enveloppe de l'assurance maladie l'incitant à réaliser l'examen colorectal de rigueur. Dur à avaler quand on n'a pas encore 50 ans ... Et c'est reparti pour la gamberge, les angoisses existentielles et l'inadaptation sociale. On ne s'en lasse pas ! Avec Fabrice Caro c'est toujours drôle et perspicace. Son humour parle à un maximum de gens, je pense, dans tout ce que ça a d'absurde et d'exagéré et en même temps dans tout ce que ça interpelle chez eux. En tout cas, ça interpell

La boîte de Pandore (Bernard Werber)

L'homme de l'Atlantide Je viens de terminer  La boîte de Pandore de Bernard Werber. Les talents d'écriture de ce collectionneur de best-sellers ne m'ont pas époustouflé mais l'inventivité du scénario truffé de bonnes trouvailles oui ! L'idée de reconstituer le monde de l'Atlantide et de broder sur l'origine des mythologies antiques, avec comme point de départ une séance d'hypnose, est assez ébouriffante et indéniablement distrayante, même si, c'est le moins qu'on puisse dire, l'auteur ne fait pas dans la finesse ni dans l'approfondissement des situations qui s'enchaînent. Pas le temps. Ce qui m'a davantage gêné, c'est l'assertion continue tout le long de l'histoire (avec un petit h) des mensonges de l'Histoire (avec un grand H). On ne peut qu'être d'accord avec l'idée que l'Histoire du monde est au moins en partie celle qu'on a bien voulu nous raconter, notamment à travers le prisme subject

À un doigt de la vérité (Jean-François Schwaiger)

Quelques nouvelles Le format de la nouvelle m'est assez peu familier. A l'instar du court-métrage, je l'évite généralement car je peux le trouver frustrant. On a à peine le temps de s'approprier le décor et de s'habituer aux personnages, qu'on est déjà dans le vif du sujet et que l'épilogue pointe le bout de son nez. C'est particulièrement vrai avec les histoires courtes de Jean-François Schwaiger qui se savourent comme des bonbons qui fondent trop vite sur la langue. Elles sont charmantes, prennent souvent leur inspiration dans l'enfance ou du moins dans le grand enfant qui est en nous, à l'image de ce vélo de barbie qu'on a tous eu (ah bon, pas vous ? 😅). La dernière nouvelle du recueil est un peu une exception de ce point de vue avec le thème plus frontal de la sexualité. Un brin provoc' et osée, elle est ma préférée.

Washington Square (Henry James)

La traque Pour commencer à défricher ce grand écrivain classique américano-britannique, j'ai choisi à l'intuition un roman plutôt court qui paraissait offrir une intrigue peu ambitieuse, ce qui convient parfaitement à mon état d'esprit du moment. Mon choix s'est révélé, en la matière, parfaitement judicieux car Washington Square  est proche du huis clos. Ses quatre personnages principaux s'affrontent dans un drame familial qui s'engage dans le Manhattan des années 1880 lorsqu'un beau jeune homme désargenté demande la main d'une jeune fille riche mais dénuée de tout charme. En tout cas, c'est l'avis de son père, un éminent médecin qui a une bien piètre opinion de sa fille unique. C'est un détail important de l'intrigue qui laisse le lecteur perplexe et rend ce roman, plutôt lisse dans sa facture, plus intéressant que le simple drame intime de la jeune héritière courtisée par cupidité. La lecture est ultra-fluide à l'opposé de ce à quoi

Tout peut s'oublier (Olivier Adam)

Mind the gap Cela fait quelques mois que Nathan survit plus qu'il ne vit. Son ex-femme japonaise s'est enfui de France en emportant leur fils Léo sous le bras. Au Japon, il n'a aucun recours juridique, l'autorité parentale partagée n'existe pas, particulièrement avec un étranger. Il attend des nouvelles d'un détective privé engagé là-bas pour retrouver leur trace. En attendant il lèche ses plaies dans les bras de sa voisine qui, d'une autre manière, a aussi perdu son fils. Une situation dramatique et cruelle. Un homme blessé au coeur. La Bretagne et le Japon. Des références politiques, cinématographiques et musicales ... Pour mon plus grand plaisir Olivier Adam fait du Olivier Adam. Sans cliché ni pathos, on découvre une autre facette d'un pays qui fascine et qu'on ne peut pas s'empêcher de voir un peu autrement à la lumière de cette histoire forcément inspirée de faits réels. Le gap culturel entre Japon et occident sur ce sujet paraît infranchis

La femme gelée (Annie Ernaux)

Femme téfale (selon Zazie) L'émouvante rencontre avec Annie Ernaux en mars à la Maison de la Poésie a ravivé mon envie d'en découvrir plus sur sa littérature. Le choix de La femme gelée a été naturel puisque évoqué lors de cette soirée placée sous le signe de la femme. Dans ce livre autobiographique mais jusqu'à un certain point romancé, l'écrivaine ne se contente pas de raconter son passé d'épouse et de mère au foyer à la mode des années soixante mais elle développe aussi longuement son enfance normande dans un foyer aux codes moins figés, voire inversés par rapport aux stéréotypes traditionnels du couple, de la famille et plus largement de la société. Pour résumer de façon raccourcie : sa mère au caractère affirmé tenait les cordons de la bourse et son père, plutôt moelleux, cuisinait plus souvent qu'à son tour. Elevée dans la conscience qu'il ne fallait pas se laisser piégé par le mariage, par le statut de mère au foyer, agrémenté ou non de celui de secr

Mamie Luger (Benoît Philippon)

Respect Je rejoins avec enthousiasme un avis général très positif sur ce roman de Benoît Philippon, écrivain que je découvre pour l'occasion. Auteur de roman noir selon Wikipedia, auteur de roman truculent selon Sorel 😜, il a clairement le don pour écrire avec beaucoup d'esprit un récit au ton décalé qui sonne plus vrai que nature. De quoi ravir le lecteur. L'histoire de Berthe, 102 ans au compteur et fanatique de la gâchette, est clairement réjouissante. D'emblée, l'empathie pour elle est totale et a contrario proche de zéro pour ses victimes dont on a plaisir à voir le caquet rabattu en passant de vie à trépas. Même s'il est écrit sur le ton de l'humour par un homme, Mamie Luger m'est apparu comme un roman féministe. Le petit défaut du scénario est peut-être l'accumulation tout au long de la longue vie de Berthe de situations qui se ressemblent. Le point d'orgue est à mon avis le tête à tête de cette mamie sans petits-enfants face à Mouss, le

Einstein, le sexe et moi (Olivier Liron)

Encyclopédie En refermant Einstein, le sexe et moi  d'Olivier Liron, ma première pensée a été : dans notre monde aux attentes standardisées, ça vaut peut-être le coup de ne pas être dans la norme, la différence permettant de développer des qualités que l'on n'aurait pas sinon. Je ne parle évidemment que purement théoriquement puisque les inconvénients dépassent bien sûr les avantages et l'auteur nous le démontre en évoquant, de façon saisissante bien que succincte (le fait-il dans ses autres livres ?), des horribles brimades qu'il a subies une bonne partie de sa vie, principalement à l'école. La nature malveillante d'un certain nombre d'entre nous face à la différence fait froid dans le dos. Pourtant, ça m'aurait plu de tout connaître sur la botanique, le radeau Kon-Tiki ou les nombreuses variétés de mésanges, de gagner à Questions pour un champion , d'écrire de façon juste et simple, avec rythme et humour. Bref, d'être un être humain un peu

Demain est une autre nuit (Yann Queffélec)

Obscurité Autant le dire tout de go, je suis complètement passé à côté de ce roman de Yann Queffélec. Le pitch était alléchant, d'où mon craquage en librairie, mais je ne suis jamais parvenu à entrer dans le face-à-face de deux frangins qui se retrouvent dans une chambre d'hôpital plus de trente ans après s'être perdus de vue. Comment cela se fait-il alors qu'ils étaient cul et chemise dans leur jeunesse ?  Quelques centaines de pages plus tard, je ne le sais toujours pas car la narration déstructurée, les répliques entremêlées, les réflexions intérieures obscures m'ont demandé trop d'efforts et autant au début, je tenais le coup, autant ensuite je me suis clairement découragé. J'ai fini le livre sans piger l'épilogue, je crois que c'est la première fois que ça m'arrive. Cela ne présuppose évidemment en rien la valeur intrinsèque du roman. Le Livre de Poche Un homme ne vieillit pas à cinquante ans comme à, disons : soixante-neuf. A cinquante, il

Carrousel-des-anges (Benjamin Randow)

Balade parisienne Le style de Benjamin Randow m'a conquis. Son roman Carrousel-des-anges , dédicacé à mon attention, est le cadeau d'un ami cher. Je les remercie tous les deux. Au moyen de longues phrases bien roulées. la superposition de personnages parisiens sur plusieurs générations, leurs pérégrinations intimes, familiales et sociales dans les quartiers des 2ème, 9ème et 10ème arrondissements sont prétexte à toutes sortes de considérations sur la culture et sur les choses de la vie (cf. passage ci-après). L'ensemble m'évoque érudition, charme, élégance et un soupçon de fantaisie désuète. Cohen&Cohen - page 113 Mais Édouard, qui aimait pour la première fois, n'était ni aguerri ni lucide. Il brûlait ses vaisseaux en croyant les réarmer, et prenait pour de la passion les flammes qui dévoraient sa flotte. Plus il aimait Charles et plus sans le savoir il précipitait la fin de leur histoire. Les deux amis croyaient que l'amour est un brasier qui s'alimente

Isabelle, l'après-midi (Douglas Kennedy)

  French garçonnière Dans  Isabelle, l'après-midi ,  Douglas Kennedy utilise la même recette que pour sa précédente trilogie  La symphonie du hasar d , celle de la chronique au long cours. Cette fois-ci, il choisit de suivre entre les années 1970 et les années 2000, le destin intime d'un jeune Américain tombé fou amoureux d’une Française. Isabelle, Parisienne mariée et plus âgée, le reçoit certains après-midi de la semaine dans son appartement de la rive gauche. Quand les Françaises restent des Françaises mais que les conventions sociales sont plus fortes que tout le reste ... Avec son habituel talent pour les récits intimes, son sens aiguisé de la critique sociologique, française comme américaine, et juste ce qu'il faut de clichés, Kennedy raconte cette passion contrariée, faite de compromis et de faux-semblants. Pour le jeune homme, il faut pourtant bien la vivre jusqu'au bout, sa romance à Paris, plutôt que ne pas la vivre du tout. Un roman juste, incisif et vibrant

Au Bonheur des Dames (Émile Zola)

Le sens de l'Histoire Nous avons quitté Octave Mouret s'installant en ménage avec la patronne du Bonheur des Dames dans Pot-Bouille , nous le retrouvons veuf et triomphant quelques années plus tard. Il est à la tête du grand magasin pour lequel il a des ambitions démesurées mais à la mesure de l'époque, au moment où la population parisienne (Zola entend par là les femmes) découvre les temples de la consommation à bas prix. La jeune Denise débarque de Normandie avec ses frères et va en quelque sorte révolutionner l'endroit malgré elle. Ce tome des Rougon-Macquart fait du bien avec son ton plutôt positif, voire optimiste, malgré la critique ouverte des nouvelles habitudes de vie qui émergent à cette époque et l'effet désastreux qu'elles ont sur le petit commerce. Même Denise qui constate les dommages collatéraux dans son entourage semble se réjouir de l'évolution. Pour elle, c'est aussi le sens de l'Histoire. La peinture de l'établissement qui sem

Paris-Briançon (Philippe Besson)

Entre parenthèses Ce soir-là à Austerlitz, Alexis, Catherine, Hugo, Julia et les autres embarquent dans un train de nuit. Au petit matin, ils seront dans les Alpes. Une parenthèse nocturne pour se découvrir et s'apprécier ... Un "roman au suspense redoutable" affirme la 4ème de couverture. Sans aller jusque-là, l'auteur a la bonne idée d'introduire de la dramaturgie en annonçant tout de go que le lecteur va devoir s'accrocher à la rampe de sécurité car le train va partir, ça va secouer, tout le monde n'arrivera pas à destination. On a un peu l'impression de revivre un roman d'Agatha Christie, pourquoi pas  Le crime de l'Orient Express ? 😋 La comparaison s'arrête là car malgré l'aspect thriller et la suite des évènements, on restera dans un pur produit de Philippe Besson, avec ses thèmes de prédilection, des personnages bien écrits, la teneur de leurs échanges tout en psychologie, tact et émotion . C'est une bonne nouvelle, je dira

La fractale des raviolis (Pierre Raufast)

Le rapport avec la choucroute La fractale des raviolis est construit de façon bien particulière, à la manière des poupées gigognes : une histoire en amène une deuxième qui en inspire une troisième et ainsi de suite. Aucune de ces histoires prises à part, n'est déplaisante, elles sont même souvent agréablement insolites, mais à force de les voir défiler, j'en ai assez vite perdu mon latin. Quand la boucle s'est bouclée, c'est le fil du scénario global que j'avais perdu en chemin. Au moins en partie à cause d'un manque de concentration, que je n'ai pas eu envie de corriger. Pour ceux qui en ont marre du réalisme et des autofictions en vogue, il faut foncer. J'y ai surtout vu un exercice de style, intéressant en soi mais qui ne m'a pas convenu. Dans la veine absurde, j'ai préféré  Le jardin du bossu de Franz Bartelt, plus compréhensible et autrement plus drôle. Folio - page 19 Marc et moi étions mariés depuis plus de dix ans. À ma connaissance, pa

Les choses humaines (Karine Tuil)

  La chose humaine D'aucuns reprocheront à ce récit d'être trop dans l'air du temps. De mon côté, je suis reconnaissant à Karine Tuil de traiter le sujet des violences sexuelles faites au femmes de cette manière, c'est à dire sous la forme d'un roman aux accents documentaires, appuyés par son style plutôt journalistique et malgré tout empathique. J'aime son idée de réaliser une peinture sans jugement définitif sur un sujet brûlant de notre temps. L'auteure pénètre les pensées des protagonistes, fruits de leur éducation et de leur parcours, en privilégiant pourtant le point de vue de l'agresseur et de ses parents. Comme pour les confronter à leur culpabilité et à leurs contradictions. Comme si, par l'horreur de son calvaire, le désarroi palpable de la victime et ses témoignages à la barre étaient suffisamment éloquents et que sonder son âme fausserait l'objectivité du débat. Malgré ça, tous les points de vue sont exposés : victimes, bourreaux, tém