Je n'étais pas parti la fleur au fusil
Ce roman sur la guerre n'est pas tout à fait comme les autres. Pour conter l'histoire du soldat « désaccordé » par l'horreur de la « der des der », il convoque le romantisme, la poésie et le rêve au milieu de la violence des combats.
Blessé physiquement, c'est surtout la tête de ce poilu, narrateur du récit, qui n'est plus indemne. Son esprit ne quittera jamais le front, ni tout à fait la guerre après l'armistice. Enquêteur privé pour le compte des familles à la recherche de leurs chers disparus, il va devenir petit à petit obsédé par l'histoire d'amour fou entre Émile et Lucie, îlot de beauté dans toute cette laideur. Une bouée de sauvetage pour lui qui a tout perdu à cause du conflit, sauf le droit de vivre la vie des autres par procuration, de la rêver, de s'y confondre.
J'ai aimé la constante ambivalence de ce roman qui fait cohabiter l'abomination des tranchées et de ses conséquences avec le récit onirique de la vie qui tente de frayer son chemin vers la lumière. La « petite musique »de l'écriture de Gilles Marchand fonctionne à merveille. Je m'en rends compte d'autant plus que j'ai eu la chance de l'écouter réciter un passage de son livre.
Cette fiction très documentée résonne plus vraie que nature tout en transportant en elle une belle dose d'irréel et de poésie, plus que bienvenue dans mes lectures actuelles. Un très joli moment de littérature.
Aux forges de Vulcain - page 26
La terre, c'est pas pareil, c'est plus complexe, c'est vivant. Là, elle est gorgée de ferraille, de poudre, elle a respiré les gaz, elle a bu trop de sang, elle a touché la mort. Tellement de corps qu'on a jamais retrouvés. Se sont pas envolés. Sont toujours là. En dessous. Et on veut planter par-dessus ? Ce sera sans moi. C'est un cimetière géant, brûlé. Quand on est revenu, on a traversé des villages sans même sans s'en rendre compte. Partout le chaos, des murs abattus, des clochers arrachés, des écoles envolées, des charpentes calcinées.
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