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L'art de perdre (Alice Zeniter)

L'art de perdre - Alice Zeniter

Qu'elle était verte ma Kabylie

Il est de ces romans pour lesquels on se dit qu'ils se devaient d'être écrits, parce que le sujet est important et que jusque maintenant personne ne l'avait encore fait sous une forme aussi complète et inspirée ... À tort ou à raison, c'est ce à quoi j'ai pensé en refermant L'art de perdre de Alice Zeniter.

Trois générations : Harki, fils de Harki, petite-fille de Harki racontent le récit intime de leur vie d'homme kabyle ou de femme d'origine kabyle, arrivés en France en 1962 ou née ensuite. Ali, notable de son village, fait ce qui lui semble juste face au diktat français et à la violence du FLN avant de s'enfuir de l'autre côté de la Méditerranée. Il y perdra son âme, sa dignité et sa joie de vivre entre camps de "transit", usine et HLM. Son fils Hamid, né dans les collines de Kabylie, luttera pour trouver sa place entre un père refermé sur lui-même et une France qui ne veut pas vraiment de lui. Sa fille Naïma, parfaitement "intégrée" partira de son côté à la recherche de son identité face au silence des générations précédentes.

Une fresque dense, captivante, poignante, éloquente, crédible, etc... D'une grande profondeur psychologique et  impressionnante de justesse et de finesse, je crois qu'il est impossible d'en dire du mal. 

J'ai lu - page 283

Tout en essuyant le miel qui lui empoisse les doigts sur un torchon, Yema avoue à sa voisine :
 - Je crois que j'en veux à tous ceux qui sont restés au bled.
 - Moi aussi, répond Mme Yahi comme si c'était une évidence.
Elle est un peu plus âgée et bien moins timide que Yema alors elle ajoute en rajustant son fichu :
 - J'en veux aussi à mon mari parce que si ce n'était que moi, je serais restée là-bas. C'est lui qui a voulu fuir. Nous, jamais on nous demande notre avis. on nous trimballe. Ils font des conneries entre hommes et après, c'est nous qui payons.
 - pauvres de nous ...
Et elles soupirent en broyant les amandes sur le pays perdu par la faute des hommes.

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