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Affichage des articles du 2024

Trois jours et une vie (Pierre Lemaitre)

1999 Trois jours et une vie n’est pas un polar à hémoglobine comme le sont Alex ou Robe de marié . Il s'agit davantage d'un thriller psychologique où le principal ennemi d’Antoine, jeune garçon qui tue accidentellement son petit voisin dans un accès de colère, c’est lui-même. Il n’y a aucun témoin et qui soupçonnerait un gentil gamin ordinaire de 12 ans d’avoir fait ça ? Le défi principal d'Antoine est d'apprendre à vivre et à grandir avec ce poids sur la conscience et avec la peur que la vérité n’éclate au grand jour. Pierre Lemaitre excelle avec sobriété, justesse et ce qu’il faut d’angoisse et de suspense. son roman raconte le parcours saccagé d’un adolescent puis d’un homme marqué au fer rouge par cette tragédie qui se déroule dans la communauté habituellement tranquille d’une petite ville partagée entre compassion, solidarité et querelles de voisinage. Surtout quand la tempête du siècle pointe le bout de son nez ... Parfois j’avais la sensation d’être dans un rom

Le roman de Jim (Pierric Bailly)

Le roman d'Aymeric Ayant lu ici et là que le film, qui me tentait beaucoup, n’était pas aussi bien que le livre, j’ai préféré ne pas le voir et ainsi ne pas tuer le suspense, ni polluer la lecture du roman de Pierric Bailly avec des images que j’aurais forcément gardées avec moi. Bien m’en a pris. J’ai été immédiatement happé par Le roman de Jim, par son récit très bien construit autour d’un homme en déshérence affective alors que Jim, son beau-fils de 7 ans qu’il a littéralement vu naître et grandir à ses côtés, lui est violemment enlevé. Une histoire assez cruelle pour tout lecteur empathique. Je qualifierais la plume de Pierric Bailly de très orale. il écrit comme Aymeric cogite, c’est à dire avec simplicité, humanité et sensibilité. Il embarque complètement le lecteur dans les états d’âme d’un anti-héros cabossé par la vie, et dans ses pensées et réflexions d’une justesse et d’une finesse assez remarquables. Son style minimaliste suscite l’émotion. J’ai lu ce livre très vite, a

Peau d'homme (Hubert et Zanzim)

  La recette de l’amour Peau d’homme … le titre de cette bande dessinée à la référence évidente et sa couverture évocatrice annoncent la couleur. Elle va aborder les brûlants sujets de l'orientation sexuelle, de la condition féminine, du sectarisme religieux ou encore des dérives totalitaires dans une fable médiévale qui met en scène Bianca, une noble jeune femme en passe de se marier. Quoi de mieux pour découvrir Giovanni, son futur époux, que de revêtir un habit de jeune homme qui se transmet dans la famille de mère en fille pour devenir Lorenzo le temps d'une nuit ou de quelques jours ? La morale de l'histoire et les dialogues sont bien sûr anachroniques mais on bien compris que tout est dans la métaphore et grâce aux dessins simples et expressifs, la parabole est réussie et le message génial.

Madelaine avant l'aube (Sandrine Collette)

  Il était une fois Le roman aurait pu commencer par "Il était une fois". Dans une région et à une époque indéterminées, une famille élargie vit dans leur hameau de trois maisons, une vie de perpétuel labeur en proie à l'arbitraire des seigneurs propriétaires et aux rigueurs et aléas des saisons. Ils courbent l'échine, espérant être oubliés, priant pour que la récolte soit bonne et que la famine les épargnera cette année encore. Ils n'ont pas d'autre choix que la résilience. Seule Madelaine, une gamine sauvage recueillie, développera une forme de refus de la fatalité.  Sandrine Collette, à mesure que je découvre ses romans, prend une place de choix parmi mes auteurs préférés. Elle a une habilité folle à raconter avec force et intensité des histoires pleines de noirceur et de violence en lui insufflant ce qu'il faut d'espoir, de poésie et d'humanité. Son écriture est admirable et son roman Madelaine avant l'aube sera l'une de mes plus belle

Pur sang (Franck Bouysse)

  Être né quelque part Elias a grandi à Eden Creek auprès de Mama et Papa Tulssa après que ses parents ont quitté la vallée pour une raison inconnue sans jamais revenir. Lorsqu’il apprend la vérité, il doit décider s’il part à la recherche de ses origines. Nul ne peut réduire ses origines au silence, sous peine de s'effondrer. Le roman commençait franchement bien en présageant le récit initiatique d’un jeune Amérindien, ou élevé en tant que tel, qui serait confronté à ses racines aux antipodes de son éducation. L’auteur a d’ailleurs la bonne idée d’évoquer les rituels et croyances d’un peuple plus en contact que nous avec les esprits et la nature. Il raconte aussi, en filigrane du parcours d’Elias, la fuite (véritable) de son peuple des Nez-Percés face au colonisateur blanc, il y a une centaine d’années, pour venir s’installer dans le Montana. Mais au bout du compte, la quête du jeune homme en France m’est apparue trop légère. Il semble naviguer sans encombre dans le pays de ses p

Ton absence n'est que ténèbres (Jón Kalman Stefánsson)

  L'amour et la mort Ce livre, c'est l'Islande immuable, profondément aimée par les Islandais, terre à la fois dure et généreuse, égarée sous l'assaut des éléments et des saisons, engloutie entre deux continents par le ciel et l’océan. Le labeur sans fin, l'amour qu'il faut savoir saisir, le temps qui passe, la finitude des choses et pourtant l'éternité du monde. Les générations se suivent, se répondent dans un dialogue permanent, fusionnent entre elles. Aux côtés de ses ancêtres, chacun marche vers son destin, « tissu des dieux » ou « flèche aveugle du hasard » ? Voilà ce que semble dire Ton absence n’est que ténèbres. une saga familiale ambitieuse, romanesque, nostalgique et magnétique. Elle contient l’âme islandaise et pourtant elle paraît universelle en touchant tout un chacun. Dis comme ça, ça a l'air parfait. mais c'est une lecture exigeante qui a failli me décourager. Surtout au début avec ses multiples personnages aux prénoms islandais dont i

La Terre (Émile Zola)

  C'est du Zola La Terre est un tome des Rougon-Macquart particulièrement marquant. On a coutume de dire que la terre agricole en est le personnage principal, souvent comparée à une femme aussi bien féconde et nourricière que cruelle et sans merci. Elle est en tout cas l'objet de toutes les convoitises dans ce coin de campagne beauceronne sous le Second Empire. Paysans, grands propriétaires, ouvriers agricoles, commerçants, curés, instituteur, notaire, rentiers, politiciens et autres parasites participent à ce roman choral particulièrement sordide aussi bien dans son épilogue que dans son récit. Ici tout le monde en prend pour son grade dans une impressionnante fresque réaliste et dramatique. Chaque lecteur en sort admiratif et/ou dégoûté mais il est peu probable qu'il en sorte indifférent. Il est frappant de voir combien Emile Zola prend le parti de décrire cette population rurale sans trop de filtres ni tabous : violence, sexualité exacerbée, jalousie, méchanceté, cupidi

Le nageur (Pierre Assouline)

  Quelqu'un de bien en somme Alfred Nakache, Français né en Algérie, multi médaillé en natation de 1933 à 1943 avant d'être déporté avec sa famille à Auschwitz car Juif et résistant. Sa femme et sa fille ne reviendront pas. Ce livre allie parfaitement abondance d'éléments biographiques et indéniables qualités littéraires. Au début, je dois bien l'avouer, certaines tournures de phrase dans leur souci du style, m'ont paru dépasser le simple cadre du portrait objectif du nageur de Constantine. Mais cette impression n'a été que passagère pour laisser place à l'émotion. On ne peut qu'admirer le parcours d'un homme à qui ténacité et humanité ont été inculquées, des valeurs qui feront de lui l'un des plus grands champions de la natation française et qui lui permettront de survivre à l'enfer des camps de concentration. Ses qualités, ainsi que sa constitution physique et probablement sa notoriété, les nazis glorifiant le sport, lui ont permis de trave

Mon coeur en cendres (Olivier Adam)

Vogue la galère  Antoine galère dans sa tête. Son meilleur ami s'est suicidé et il en avait fait le rêve prémonitoire. Léa, sa nouvelle petite amie, est heureusement là pour mettre un peu de couleur et d'espoir dans sa vie. En ce début d'été après les résultats du bac, il va la rejoindre dans sa résidence secondaire familiale en Bretagne ... Encore une oeuvre jeunesse pour Olivier Adam. Deviendrait-il le spécialiste du mal-être adolescent avec à ma connaissance un quatrième roman sur ce thème ? La frontière avec ses romans entre guillemets adultes demeure mince, à défaut d'être floue, mais ce roman, m’est apparu, peut-être plus que La tête sous l’eau ou Dans la nuit blanche, particulièrement adolescent. C’est sûrement dû aux nombreux échanges par textos et vocaux entre les protagonistes, une très bonne idée qui réussit à rendre compte tout aussi bien des ressorts psychologiques de Léa et Antoine que les dialogues classiques. Pour autant, même pour cette littérature, Oli

La vie secrète d'un cimetière (Benoît Gallot)

  Poumon vert Dans ce témoignage autour du Père-Lachaise, Benoît Gallot raconte le plus célèbre cimetière du monde par la lorgnette de son propre parcours qui l'a amené à en devenir son conservateur. Il explique notamment comment il y est entré pas tout à fait par hasard et pourquoi on peut être heureux de vivre et travailler dans un tel lieu. Lorsqu'il nous dit, alors que le cimetière ne chômait pourtant pas pendant les confinements sanitaires, que sa famille et lui disposaient des 43 hectares à leur disposition, on veut bien le croire. Il explique même qu'il est difficile de quitter la filière tant elle est humainement gratifiante. On y apprend aussi un tas de choses sur le fonctionnement, l'Histoire et les petites histoires d'un tel monument aux aspects autant touristiques que funéraires. Le plus passionnant étant les explications sur le retour progressif mais en force de la faune et la flore depuis l’abandon des produits phytosanitaires en 2015. Les photographie

Terrasses ou Notre baiser si longtemps retardé (Laurent Gaudé)

  Un jour au mauvais endroit C'est l'histoire du vendredi 13 novembre 2015, une journée indicible, celle du dieu maléfique qui distribue le hasard. « Toi, oui… Toi, pas... ». Ce livre est inclassable. C'est un roman, mais il a quelque chose du récit, du témoignage et même de la poésie alors que le sujet est atroce. C'est surtout un concentré d'émotions composé par un maestro de la belle langue française qui a "la conviction profonde que les mots consolent". Le narrateur, c'est elle, c'est lui ou alors c'en est un autre, ou encore c'est tout le monde à la fois. Toutes les proies sur les terrasses ou dans la salle de spectacle, ou celles et ceux que le hasard a placé tout près ou plus loin : témoins, policiers, personnel médical, familles des victimes, les Parisiens et les autres, tous atterrés. Tout le monde, sauf les bourreaux, messagers du hasard. Encore lui. J'ai fini le coeur écrasé et les larmes aux yeux. Par l'horreur mais auss

A prendre ou à laisser (Lionel Shriver)

  Should I stay or should I go ? Kay et Cyril, deux britanniques quinquagénaires se font une promesse : se suicider à 80 ans pour s'éviter la déchéance physique et/ou mentale de la dernière partie de leur vie et, par la même occasion, ne pas être un poids pour leurs enfants et la société. Lionel Shriver propose une douzaine de scénarios différents possibles pour l'épilogue d'une décision plus facile à énoncer qu'à appliquer. Le roman commençait bien car il promettait ce que j'espérais : l'analyse des différentes alternatives offertes aux gardiens d'un tel secret, la date fatidique arrivant à grand pas, y compris leurs dilemmes et scrupules. Un sujet difficile qui m'intéresse tout particulièrement et traité avec une dose bienvenue d'humour et d'ironie ainsi que l'irruption de circonstances inattendues, comme le Brexit ou la crise du Covid, qui ajoutent du piment au débat. A ma surprise, le roman change assez rapidement de direction. Bye bye la

Sur tes traces (Harlan Coben)

Mon fils, ma bataille Il y a cinq ans, David prenait perpétuité pour le meurtre de son enfant. Aujourd'hui, il apprend que son fils est vivant ... J'ai trouvé exactement ce que je cherchais dans ce thriller à l'intrigue qui rappelle beaucoup celles des quelques romans de Harlan Coben déjà lus dans le passé et dont je ne me souviens plus des noms. Et pour cause : on a parfois l'impression qu'ils sont interchangeables. Le coup du "mort qu'est pas mort" est un classique et il est en fait plutôt le bienvenu car il provoque l'émotion et l'identification chez le lecteur. Sur tes traces  n'est donc pas révolutionnaire mais force est de constater qu'il tient la route avec son scénario bien ficelé et ses quelques bonnes idées. Et puis, il a le mérite de la simplicité. Non seulement il n'est pas très long mais les pages se tournent toute seules. Mission accomplie. Belfond - page 89 Jamais elle n'oublierait son merveilleux petit garçon. O

Clara lit Proust (Stéphane Carlier)

  Sorel lit Proust Clara est coiffeuse dans le salon de Madame Habib à Chalon-sur-Saône. Un jour, un mystérieux client oublie (volontairement ?) un exemplaire de Du côté de chez Swann . Resté quelques temps sur une étagère, Clara en entreprendra la lecture. Pour le meilleur. Clara et moi  est un court roman absolument charmant, un petit conte de fée pour les accros de la lecture plaisir qui sont tombés dans la marmitte à un moment de leur vie et qui s'en souviennent. J'en fais non seulement partie mais j'appartiens à la catégorie de ceux qui ont l'impression que Marcel Proust représente le mont Everest de la littérature française quand bien même ils sont passés par bien d'autres auteurs classiques. Il y a de ces réputations ... Davantage que l'épilogue feel good, ce que j'ai trouvé particulièrement plaisant ici, ce sont les quelques incursions dans l'histoire de A la recherche du temps perdu auquel on a droit et qui donne envie d'en savoir plus sur l

Les enfants sont rois (Delphine de Vigan)

  Ego trip Delphine de Vigan explore ici les dérives de notre époque en abordant le thème des réseaux sociaux, vaste sujet dont nous connaissons ici les bienfaits et j'espère le moins possible les inconvénients.  Mélanie a toujours voulu être une héroïne de téléréalité. Son idole, c'est Loana dont elle a suivi le parcours dans Loft Story jusqu'à sa sortie triomphale. Elle a tenté sans succès de suivre ses pas. L'avènement de l’Internet participatif sera l'occasion pour elle de devenir une véritable célébrité de YouTube. Sa recette ? Mettre constamment en scène ses deux jeunes enfants dans leur vie quotidienne tout en promouvant des marques. Lorsque sa fille disparait soudain, son monde s'écroule ... Sans même traîner quotidiennement sur YouTube, on devine intuitivement en lisant ce roman, que la fiction rejoint ici sans difficulté la réalité. A ma grande satisfaction, De Vigan verse plus dans l’analyse sociologique que dans le thriller glauque et elle a décidéme

Les chutes (Joyce Carol Oates)

Attraction fatale Niagara Falls 1950. Le premier époux d'Ariah se jette dans les chutes le lendemain de leurs noces, et le second, un brillant avocat rencontré sur les lieux du drame, va prendre à bras le corps un scandale sanitaire majeur qui secouera durablement sa famille. Un héritage compliqué pour leurs enfants devenus adultes à la fin des années 1970. Et en filigrane, la présence hypnotisante des chutes ... Grand roman familial américain dont l'action se déroule sur trente ans, Les chutes  de Joyce Carol Oates dégage profondeur et vérité tout en possédant un grand souffle romanesque. Comme beaucoup d'auteurs américains, Oates réalise une peinture sans concession de son pays et une galerie très travaillée de personnages issus de toutes les couches de la société et qui prennent toute leur place dans l'histoire et son contexte. Celui d'Ariah, femme complexe à la fois attachante et désobligeante, est le plus abouti. Une oeuvre dense et intense. J'attendrai peu

L'origine des larmes (Jean-Paul Dubois)

L'eau et la mort Paul a tué son père. Au sens propre, ça se discute avec le juge. Au figuré, il aurait aimé. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Point de départ inhabituel pour le dernier roman en date de Jean-Paul Dubois, un auteur qui commence à m'être familier. J'aime son ton, son inventivité, son souci littéraire et son vocabulaire exigeant. Il y met juste ce qu'il faut de tout ça et aussi un subtil mélange de pessimisme, d'absurde, d'ironie voire de tragi-comique. Avec Jean-Paul Dubois, il y a souvent des personnages savoureux. Ici c'est celui du psy aux interventions rafraichissantes dont on se demande parfois si elle sont académiques. Avec lui, par ordre du juge, Paul devra remuer la boue de son passé, résultat d'une figure paternelle effroyable. Dans L'origine des larmes, on est en 2031. Le climat s'emballe et la pluie tombe à seaux. Et comme j'ai toujours aimé entendre la pluie abondante tomber alors que je suis à l'abri,

Ceci n'est pas un fait divers (Philippe Besson)

  Ceci est une infamie Le destin d’une famille de la région bordelaise en apparence comme les autres bascule lorsque Léa, 13 ans, assiste au pire. « Papa vient de tuer maman ». Son frère aîné, le narrateur, accourt de Paris, horrifié. Il n’a rien vu venir et pourtant tout était sous ses yeux. Mais comment imaginer l’inimaginable ? Le titre du dernier roman sorti en poche de Philippe Besson est remarquablement bien trouvé. Ceci n’est pas un fait divers mais bien un fait de société. Les féminicides sont certes autant de situations individuelles qui ont leur existence propre mais ils s’inscrivent au sein d’un phénomène de grande ampleur qui n’est pas totalement pris en considération en tant que tel par le droit pénal. Gorge serrée pendant une bonne partie du roman et les yeux au bord des larmes à la toute fin. Voilà comment j’ai vécu ce roman poignant. La plume est simple, le récit presque documentaire mais Besson n’a pas son pareil pour placer le lecteur sur un fil d’émotion sans le fair

Civilizations (Laurent Binet)

Colonisateur colonisé Autour de l'an mille, une poignée de Vikings quittent le Groenland et descendent jusqu'en Amérique centrale en apportant avec eux le fer et les chevaux. Lorsque Christophe Colomb débarque à la fin du 15ème siècle, ils se fait massacrer par un peuple armé contre l'adversité. Quelques décennies plus tard, l'empereur inca Atahualpa découvre la Santa Maria et prend la mer. Il débarquera bientôt à Lisbonne ... Quelle épopée ! La réécriture de l'Histoire avec l'idée de la colonisation inversée paraît vraisemblable. Le lecteur qui aime un tant soit peu l'Histoire va adorer découvrir l'avancée pas à pas de l'Inca et de sa suite dans l'Europe de Charles Quint et de François 1er. Laurent Binet a choisi pour son livre la chronique didactique qui prend la forme d'un carnet de bord inca en pleine découverte d'un nouveau monde barbare qui vénère un "dieu clouté". Ce format est à double tranchant. Il rappelle tellement l

Des diables et des saints (Jean-Baptiste Andrea)

  Beau comme un do mineur 2022, Joseph subjugue les passants en interprétant Beethoven sur les pianos publics des halls de gare ou d'aéroport. Que fait-il là alors qu'il joue si bien, lui demandent-ils ? Ce tout premier chapitre m'a subjugué. On entre alors dans le vif du sujet.  Flashback en 1969, Le jeune Joseph perd sa famille dans un accident d'avion, intègre un orphelinat aux confins du pays et nous raconte la maltraitance au quotidien par des hommes au coeur sec et le réconfort de l'entraide et de l'amitié avec ses camarades d'infortune. Ce roman m'a laissé une impression de conte à l'ancienne avec ses êtres orphelins, blessés et encombrés de rêves, mais aussi une princesse, un ogre et des mauvais génies. C'est dur et noir, sans mélodrame ni trop d'espoir mais aussi rythmé, musical, sensible, poétique et finalement ... lumineux. Collection Proche - page 248 Rose retint mes doigts sur le seuil, juste une seconde.  - Regarde, il pleut.

Un animal sauvage (Joël Dicker)

  Tout ce qui brille ... Joël Dicker ne sera jamais mon auteur préféré car son écriture est à mon goût bavarde, froide, assez désincarnée et un peu trop démonstrative. Ca c'est fait. Mais comme il maîtrise parfaitement la technique du roman "page turner", que le scénario de son intrigue est très bien écrit avec des rebondissements et des révélations distillés au fur et à mesure avec intelligence, j'ai évidemment passé un très bon moment de lecture divertissement. Pour résumer, tu te plains que le livre est trop long et tu le lis en dix secondes. J'ai apprécié l'intrigue circonscrite à cinq personnages principaux sans meurtre préalable (ouf !) mais avec un mystère qui plane dans la périphérie chic de Genève autour d'un couple à l'apparence idyllique qui fascine leurs tout nouveaux amis. On peut facilement imaginer que ce glamour est bien trop brillant pour ne pas cacher quelque chose de plus dark et qu'à force de les fréquenter, voire de les espionn

Tous les hommes sont des causes perdues (Mabrouck Rachedi)

Les femmes ... idem Adam et Sofia s'aiment d'un amour très banal et en même temps miraculeux puisqu'il s'agit du leur. Leur rencontre ne va pas de soi. On le sait car on est plongé dans leurs pensées au gré des chapitres, d'abord beaucoup lui et ensuite elle. Il peut y avoir un abîme entre ce qu’on pense être et ce qu’on paraît aux yeux de l’autre. Nos tourtereaux son pétris de doutes, enfin … surtout lui dont l'insécurité ressurgit soudainement à la suite d’une remarque anodine de sa compagne. Difficile de catégoriser ce roman de Mabrouck Rachedi, subtil mélange entre humour, satire sociale, regard aiguisé sur notre époque, drame sentimental et existentiel. Rire, émotion, tendresse, tristesse ... le lecteur traversent pas mal de sensations et sentiments. De mon côté, malgré un épilogue troublant, c'est la légèreté et l'érudition des réflexions et réparties des protagonistes qui dominent mon esprit quelques jours après avoir terminé la lecture. Tous les

Désenchantées (Marie Vareille)

  Nager dans les eaux troubles Dans un village côtier du Pas-de-Calais, Sarah, 16 ans, a disparu au tout début des années 2000. À l’époque, l’affaire a fait grand bruit et un homme a été  condamné. Plus de vingt ans après, Fanny retourne au pays pour l’enterrement de sa mère. Elle doit aussi enfin revoir sa sœur Angélique qui était la meilleure amie de Sarah … Je suis entré instantanément et facilement dans l’histoire de Sarah, Angélique, Fanny et les autres grâce à l'écriture fluide et tendre de Marie Vareille. À part quelques figures masculines secondaires peu glorieuses, les femmes sont à l’honneur et font preuve d'un remarquable sens de l'amitié et de la sororité. Une lecture vraiment très agréable. Je vais être hors sujet car la trame est construite autour d'une tragédie mais ce roman m’a personnellement ramené à l'enfance que j’ai eu la chance de connaître sans drame majeur. Elle est un temps où le temps n'existe pas complètement. Il s'étire à l'in

Le dernier rivage (Nevil Shute)

Extinction sans rébellion 1963. Une guerre nucléaire éclair a anéanti l'hémisphère nord. L'Australie est l'un des derniers rivages qui n'est pas encore atteint par le nuage radioactif qui s’étend inexorablement. Ce n'est plus qu'une question de temps. Un sous-marin américain, dorénavant basé à Melbourne, part en exploration vers le nord pour constater l'étendue des dégâts. Malgré le pitch, le roman n'est pas un roman de guerre ou un thriller, même si bien sûr le suspense n'est pas absent, puisque le lecteur comme la poignée de personnages du roman a l'espoir malgré lui qu'il y ait une porte de sortie. On est davantage dans un récit psychologique et intimiste. Ni héros ni salaud. Chacun face à sa propre fin. Au premier abord, ce livre est perturbant. Il m'a fallu du temps pour consentir à l'écriture simple, froide et sans style telle qu'elle m'apparaissait. J'ai cru au début que c'était parce que le roman date des année

Samouraï (Fabrice Caro)

  Soirée raclette Écrivain au premier livre quasiment invendu, Alan veut profiter du jardin avec piscine de ses voisins partis en vacances pour se mettre en mode guerrier samouraï et écrire un grand "roman sérieux".  Après "Le discours" et "Broadway", c'est le troisième roman de Fabrice Caro que je lis et j'aime toujours autant son humour, basé sur son sens de l'observation de notre société et de la génération des quadras/quinquas. Lire l'un de ses romans c'est un peu se regarder dans une glace. Ca nous parle, c'est gentiment absurde et décalé et étonnamment perspicace.  L'inconvénient de sa littérature, c'est qu'il applique toujours la même recette. L'auteur choisit un anti-héros, on peut dire un looser même si je n'adhère pas à un tel mot, et raconte avec tendresse et cynisme ses doutes et névroses de gars en pleine crise existentielle. Seul l'angle d'attaque change ; ici c'est celui de l'écriva

Le château des rentiers (Agnès Desarthe)

  Encore là Ceci n'est pas vraiment un roman mais un recueil de réflexions sur les thèmes de la vieillesse, de la mort et de la mémoire. Pour cela, Agnès Desarthe choisit l'angle autobiographique de ses grands-parents qui avaient recréé, dans leur tour de la rue du Château des Rentiers, un chaleureux "phalanstère" avec les membres de leur famille et avec leurs amis. Parce que dans la communauté juive dans laquelle l'auteure a grandi, "vieux" ne signifiait pas "bientôt mort" mais surtout "encore là". Être joyeux, à défaut d'être heureux, c'est presque de l'ordre de la moindre des politesses à l'encontre des absents. J'avoue avoir été un peu perturbé pendant la lecture par le côté foutraque du livre. Il est construit de toutes sortes de choses : d'imagination, de rêves, d'anecdotes souvent savoureuses, de flashbacks, de dialogues outre-tombe ou avec soi-même et autres micros-trottoirs qui donnent au récit une

Les faux-fuyants (Françoise Sagan)

  La débâcle Juin 1940. Alors que les Allemands envahissent le pays, quatre Parisiens de la haute-société se retrouvent bloqués, en exil forcé, dans une ferme de la Beauce. En entamant le roman, je n'avais pas conscience que sa lecture me détendrait autant. La quatrième de couverture annonçait pourtant la couleur en évoquant une "imprévisible et cocasse partie de campagne" et laissait présager une satire mordante sur le thème des différences de classe. Ce n'était pourtant pas gagné d'avance, on est en pleine débâcle et la mort s'abat sur le petit groupe à côté de la plaque car habitués à la vie facile. Mais c'était, j'imagine, mal connaître Françoise Sagan car la légèreté apparaît dès les premiers mots et on rit malgré le dramatique de la situation. Elle joue clairement sur le décalage à la fois réel et pas toujours abyssal entre paysans et snobinards. Le ton est badin et moqueur et on pourrait s'attacher à au moins trois personnages sur quatre. To

Le prof qui a sauvé sa vie (Albert Algoud et Florence Cestac)

  Collège blues Les bandes dessinées, ce n'est pas trop mon truc mais j'ai fait l'acquisition de celle-ci car je fais partie des élèves de 3ème à qui Albert Algoud a enseigné le français dans un collège de région parisienne dans les années 80 après son expérience de professeur en Haute-Savoie. À nous aussi, il nous a fait regarder Elephant man de David Lynch qui m'a énormément impressionné, pour ne pas dire traumatisé. C'était clairement un professeur moins académique que les autres, avec une liberté de paroles qui, à coup sûr, a marqué la plupart de ses élèves. Le récit de sa vie de prof avant d'être "sauvé" par la télévision est plein de drôlerie. Les dessins expressifs de Florence Cestac y sont aussi pour beaucoup. Je suis tout content d'avoir cet exemplaire en ma possession.

Les hommes ont peur de la lumière (Douglas Kennedy)

  L’ombre et la lumière Avant de commencer la lecture de l’avant-dernier livre de Douglas Kennedy, on m'avait prévenu : l'auteur tourne autour du pot, l'histoire met du temps à démarrer et dans le genre roman noir, on repassera. Je ne m’en suis pas soucié car j’aime ses romans justement pour ces raisons et j'ai évidemment aimé celui-ci aussi. Nous ne sommes pas ici pas dans un thriller de fou, c’est certain mais il y a une montée progressive de l’intrigue avec une explication de texte bienvenue autour du sujet de l’avortement. L’auteur installe le contexte et palabre à bon escient sur le quotidien du personnage principal, conducteur pris en otage économique par Uber. Il dresse surtout, comme à son habitude, un portrait amer de son pays aux idées de plus en plus polarisées et raconte l'affrontement ouvert entre pro-lifes et pro-choices, une démonstration qui peut sembler caricaturale mais qui ne l'est pas. Et puis, ce qui me plaît aussi, c’est qu’il nous laisse l

L'oeuvre (Émile Zola)

Période noire L'Oeuvre est probablement le roman le plus personnel d'Émile Zola, tant on le reconnait presque sans fard dans le personnage de Sandoz, l'ami le plus cher et le plus fidèle de Claude Lantier, lui-même largement inspiré de Paul Cézanne avec lequel il a grandi à Plassans. Euh ... pardon, à Aix-en-Provence. Claude, accessoirement fils de Gervaise, est un peintre au talent avorté et au destin tragique quand bien même il inspire toute une génération grâce à son tableau nommé "Plein air", moqué au salon des refusés quelques années auparavant. Ça vous rappelle quelque chose ? Il s'agit évidemment d'un récit largement inspiré de ce qu'Émile Zola a vécu presque de l'intérieur aux côtés de ses camarades artistes à cette période charnière de l'histoire de l'art lorsque les Impressionnistes butaient contre l'école officielle. Les passages du roman qui se déroulent au salon officiel et au salon des refusés sont admirables comme à chaq