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L'affaire Jane Eyre (Jasper Fforde)


Tout un roman


L’idée de départ de L'affaire Jane Eyre est vraiment très bonne. L’héroïne Thursday Next, au nom qui est déjà tout un programme, fait partie des opérations spéciales en charge de protéger la littérature (OpSpecs 12), un art porté aux nues dans une Angleterre sous l'influence d'une multinationale et en guerre contre la Russie impériale. Pour encore mieux poser l'ambiance : le Pays de Galles voisin est un état socialiste indépendant et la France n'a pas tout à fait terminé sa Révolution ...

Simplifions une intrigue touffue et rythmée : lorsqu'un méchant aux pouvoirs maléfiques parvient à pénétrer dans le manuscrit original de Jane Eyre, c'est pour en modifier significativement l'intrigue. A moins qu'une rançon ne lui soit versée séance tenante. Thursday va faire tout son possible pour remettre de l'ordre dans le chef d'oeuvre de Charlotte Brontë.

Quel roman original ! Il est vrai que mes lectures habituelles ne sont pas spécialement audacieuses mais je ne me souviens pas en avoir lu un qui bouleverse à ce point les codes de la littérature classique. Le premier volume de la série "Thursday Next" est une savante, étrange, exaltante et remarquablement construite combinaison de différents genres : policier, mystère, fantastique, uchronie, humour, jeunesse, romance.

L'affaire Jane Eyre m'a enthousiasmé intellectuellement, un peu moins émotionnellement. A mes yeux, son gros défaut est celui de ses nombreuses qualités : il manque de beaucoup de simplicité ; il est même exagérément dense. Les personnages sont plutôt nombreux et  les évènements s'enchaînent alors que la rupture espace/temps et celle réalité/fiction se déchaînent. Il m'en faut moins pour parfois décrocher. Heureusement, l’auteur parvient à bon escient à distiller de la fantaisie, de la caricature assumée et de l’humour second degré comme pour réduire la pression dans une histoire racontée au premier degré. J'avais parfois l'impression d'être dans un roman jeunesse ... mais pour adultes.
  

10/18 – page 83

Je fermai les yeux, et l’atmosphère parut soudain se rafraîchir. La voix de la Japonaise sonnait maintenant comme si nous avions été en plein air, et, lorsque je rouvris les yeux, le musée avait disparu. A sa place, il y avait un chemin de campagne dans un lieu parfaitement inconnu. C’était une belle soirée d’hiver, et le soleil était en train de descendre sur l’horizon. L’air était totalement immobile ; les couleurs semblaient délavées. Hormis quelques oiseaux qui bruissaient ça et là dans la haie, rien ne bougeait dans ce paysage à la beauté désolée.

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