"L'odeur du peuple"
Gervaise Macquart, épouse Coupeau, est l'un des personnages emblématique de la littérature classique française, comme le sont aussi Jean Valjean et Julien Sorel. Elle est en tout cas devenue le membre le plus éminent de la famille Rougon-Macquart. Mon envie était grande de découvrir enfin son histoire.
Le retentissement de L'assommoir, le septième de la série, fut grand au moment de sa publication en feuilleton en 1876-1877. Tout autant que le scandale qu'il suscita puisque le portrait du milieu ouvrier parisien au cours du Second Empire, jugé "pornographique" par certains, est absolument sans concession. Les descriptions criantes de vérité qui inondent le roman sont responsables de cette indignation, l'écrivain n'y allant pas par quatre chemins pour dépeindre le quotidien des habitants du quartier de la Goutte d'Or, avec leurs drames, joies, excès et labeur, tout cela avec le verbe haut du Paris populaire. Les destins de Gervaise, de son entourage et de ses voisins sont restitués avec un naturalisme saisissant, en quelque sorte sans pudeur ni tabou. Que cela ait ébranlé les contemporains de l'écrivain se conçoit aisément.
L'abondance du marché des Halles (Le ventre de Paris) ou les flamboiements de l'Empire (La curée) ont montré qu'Émile Zola savait brosser n'importe quel microscosme et son atmosphère. Mais ce qui frappe dans L'assommoir, c'est sa grande force dramatique. On ne peut que passer par toutes les palettes des sentiments devant les nombreux passages marquants : le violent crêpage de chignons dans le lavoir, la représentation quasi lyrique des métiers de tous poils exercés dans le quartier (la ferronnerie par exemple), l'orgie de nourritures et de paroles lors la fête de Gervaise, et bien sûr la descente dans l'enfer de la misère et de l'alcoolisme, thèmes plutôt classiques chez Zola.
J'ai aimé suivre l'attachante Gervaise, éloignée de l'image de la mégère telle que je me la figurais jusqu'ici. Blanchisseuse de métier, travailleuse et d'un naturel plutôt tourné vers la compassion, la bonne volonté et les idéaux simples, elle relâche petit à petit sa vigilance au sein d'un milieu hostile où les mauvaises intentions sont légion. Elle est bien sûr victime en premier lieu de l'alcoolisme grandissant de son mari qui passera l'arme à gauche après une crise de delirium tremens, effroyable dernier tableau avant la misérable fin discrète de Gervaise au milieu de l'indifférence générale. Quel roman !
Folio classique - pages 464 et 465
Par malheur, si l'on s'accoutume à tout, on n'a pas encore pu prendre l'habitude de ne point manger. C'était uniquement là ce qui défrisait Gervaise. Elle se moquait d'être la dernière des dernières, au fin fond du ruisseau, et de voir les gens s'essuyer, quand elle passait près d'eux. Les mauvaises manières ne la gênaient plus, tandis que la faim lui tordait toujours les boyaux. Oh ! elle avait dit adieu aux petits plats, elle était descendue à dévorer tout ce qu'elle trouvait. Les jours de noce, maintenant, elle achetait chez le boucher des déchets de viande à quatre sous la livre, las de traîner et de noircir dans une assiette ; et elle mettait ça avec une potée de pommes de terre, qu'elle touillait au fond d'un poêlon.
Ce n'est pas mon préféré mais je l'avais aussi beaucoup aimé, dans mon top five Zolesque s'il devait y avoir un top five!
RépondreSupprimerQuel est donc ton préféré ? ;-)
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