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Les cerfs-volants (Romain Gary)

Les cerfs-volants - Romain Gary

A la poursuite du bleu

Chez les Fleury on a de la mémoire. Don ou malédiction, Ludovic a hérité de cette caractéristique familiale et n'est pas près d'oublier Lila, une jeune aristocrate polonaise qu'il croise par hasard au détour de l'enfance … Les cerfs-volants ou le sort tumultueux d'un gamin au caractère intègre et entier, à l'image de celui de son oncle qui fabrique des cerfs-volants, symboles de liberté, d'espoir et de rêve, pour amuser les enfants et pour les faire voler très haut "à la poursuite du bleu". 

Je serais bien en peine de donner un avis compétent sur le dernier roman de Romain Gary devenu un classique. Le point d'orgue de cette oeuvre est pour moi la brillante orchestration qu'il fait de l'occupation allemande, de l'arrivée de l'ennemi à la libération. Pour la captivante esquisse de la résistance dans le village normand de Cléry, avec ses rebondissements dramatiques. Et pour l'humanité, au sens le plus large, de la galerie de personnages composée aussi bien de résistants à l'action et au timing divers que d'Allemands plus ou moins "humains dans leur inhumanité". Il y a Ambroise le facteur pacifique et généreux, Julie la maquerelle tenace et caméléone, Marcellin le grand chef cuisinier fidèle à lui-même jusqu'à l'égoïsme, Lila qui ne cessera de "rêver d'elle-même" malgré sa déchéance, Hans le rival allemand plein de classe et puis bien sûr le magnifique jeune Ludo, un peu fou, largement idéaliste et définitivement amoureux. Ce livre restera marquant parmi mes lectures de ces dernières années. 

Folio - page 156

Je courus m'engager. Mon pouls battait à cent vingt et je fus déclaré inapte au service. Je tentai d'expliquer qu'il ne s'agissait d'aucun trouble organique mais d'amour et de malheur, mais cela ne fit que rendre plus sévère le regard du médecin militaire. J'errais à travers la campagne, indigné par la sérénité des champs et des bois, et jamais la nature ne me parut plus éloignée de celle de l'homme. Les seules nouvelles qui me parvenaient de Lila étaient celles qui annonçait l'écrasement de tout un peuple. Il se dégageait du corps de la Pologne martyrisée je ne sais quelle bouleversante féminité.


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