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Articles

Affichage des articles du 2019

My absolute darling (Gabriel Tallent)

Kit de survie Je me souviens parfaitement de cette libraire qui conseillait si chaleureusement ce nouveau roman américain de la maison d'édition Gallmeister à la ligne éditoriale si alléchante ( Dans la forêt m'a beaucoup marqué). J'ai patiemment attendu sa version poche pour me faire un avis sur un bouquin suffisamment particulier pour avoir suscité pas mal d'enthousiasme. Un emballement  à peine contrebalancé par quelques avis écoeurés par l'âpreté et la violence du sujet. A trop espérer, on peut être déçu. C'est mon cas, même s'il est facile de discerner les grandes qualités d'un habile premier roman. Dans une Californie du nord à la nature foisonnante, Turtle est une adolescente bousillée par l'emprise abusive d'un père survivialiste qui soit-disant l'adore. Elle fait ce qu'elle peut pour elle-même survivre en milieu hostile. Elle surnage en fourbissant ses armes, y compris ses armes à feu qu'elle manie au quotidien. Une ce

Ce qui reste de nos vies (Zeruya Shalev)

Aujourd'hui est le premier jour … De ce roman, j'aime déjà beaucoup le titre. Ce qui subsiste des ruines de nos vies ou ce qui nous reste à vivre … Il illustre avec ambivalence et élégance l'esprit de cette longue narration intérieure à trois voix. La mère, la fille et le fils ... trois êtres liés par le sang mais que blessures et malentendus ont séparés. Hemda vit ses dernières heures, elle ressasse la rudesse de son père et le lac de sa jeunesse en bordure du désert, aujourd'hui disparu. Elle a toujours préféré son fils Avner à sa sœur Dina, qui en a toujours souffert alors que lui cherchait le regard de son père. Quand le manque nous construit davantage que tout ce qu'on nous a donné ... Les choix et les hasards nous drainent à leur suite faute de résistance et on se réveille à quarante ans passés comme englués dans une vie qui ne nous correspond plus. Il est déjà trop tard pour Hemda, sauf peut-être à encourager ses enfants dans leur voie vers le bonheur .

Chez les heureux du monde (Edith Wharton)

La roue de la fortune Étrangement, j'ai beaucoup pensé à Jane Austen en lisant ce roman. Avant ça, je croyais d'ailleurs qu'Edith Wharton était britannique. Elle est en fait américaine et semble avoir consacré une bonne partie de sa vie littéraire à dresser le portrait de la société mondaine new-yorkaise de la première partie du vingtième siècle, comme sa consoeur déjà citée l'avait fait avec la belle société anglaise du siècle précédent. A ceci près que le regard de Wharton est acéré, critique, moderne, voire féministe alors que celui de Jane Austen est davantage conventionnel et prude, à son image. Chez les heureux du monde  ( The house of mirth ) a un gros point fort : son personnage principal, Miss Lily Bart, une héroïne marquante que le lecteur a du mal à oublier une fois le livre refermé. Le roman est suffisamment dense pour qu'en l'espace de plus de 400 pages d'un livre de poche, on ait le temps de s'attacher à la personnalité complexe de ce

L'opium des imbéciles (Rudy Reichstadt)

Orgueil et préjugés Ne vous est-il jamais arrivé, lors d'une soirée un peu arrosée, d'être taxé de naïf ou de candide, avec en prime un petit sourire condescendant, car vous mettiez en doute une théorie fumeuse servie sans complexe du genre : les gouvernements du monde profitent des avions de ligne pour diffuser dans l'atmosphère des substances chimiques qui nous rendent malades ? En effet quel autre meilleur moyen pourrait-il y avoir pour lutter contre la surpopulation ? Moi oui, et c'est agaçant ... C'est pourquoi, il y a quelques semaines, en rendant visite à ma librairie de quartier, je suis tombé en arrêt devant cet essai sur le thème du conspirationnisme. Davantage que le sujet lui-même, c'est l'angle de vue qui m'a harponné. A l'instar des première et quatrième de couverture, l'auteur tire à boulets rouges sur les complotistes de tous bords en critiquant, au passage, la complaisance avec laquelle le sujet est parfois appréhendé da

Le bonheur n'a pas de rides (Anne-Gaëlle Huon)

L'auberge de Monsieur Yvon J'ai impression qu'il est dans l'air du temps, en ce moment, de publier des romans "feel good" mettant en scène des personnes âgées aigries par le temps qui passe ou par leur vie en général. Elles croisent le chemin de gens suffisamment fantastiques pour passer outre leurs désobligeances continuelles qu'elles dressent devant eux comme autant de boucliers. A chaque fois, c'est la loi du genre, elles retrouvent la joie de vivre et tout est bien qui finit bien, sauf quand la mort, certes presque inévitable à leur âge avancé, les cueille à peine ont-elles touché du doigt la félicité.  Le bonheur n'a pas de rides (au secours le titre) répond, à n'en pas douter, à ce cahier des charges. Paulette veut échapper à un fils démissionnaire, à une belle-fille insupportable et à des petits-enfants insignifiants. Elle n'a qu'une idée en tête : se débarrasser de tout ce petit monde et partir vivre, aux frais de la pri

La symphonie du hasard - livre 3 (Douglas Kennedy)

On ne choisit pas sa famille Me voilà arrivé au terme de la trilogie La symphonie du hasard . Le doute n'est plus possible : Douglas Kennedy a voulu réaliser, de la fin des contestataires années soixante jusqu'au milieu des années quatre-vingt et son contre-pied reaganien, une sorte de peinture impressionniste des États-Unis. Il le fait à travers le prisme du clan Burns, famille dysfonctionnelle au possible, chacun de ses membres épousant les époques à sa manière et à son rythme. Comme presque toujours, l'auteur américain en profite pour faire une subtile, mais non moins acérée, critique de l'Amérique et ça lui va bien tant il sait brillamment mêler la petite histoire à la grande Histoire. Alice Burns est de retour au pays après sa dramatique expérience irlandaise. Elle tente de revivre, se protège du monde, termine ses études, entre dans la vie active, fait des rencontres etc ... Ici, comme pour les deux premiers livres, l'auteur raconte beaucoup de choses,

Le sumo qui ne pouvait pas grossir (Éric-Emmanuel Schmitt)

Le roman qui ne pouvait pas grossir Je vais faire court comme a fait court Éric-Emmanuel Schmitt avec ce roman à mi-chemin entre la fiction spirituelle à la Amélie Nothomb et le livre de développement personnel à la Laurent Gounelle. La lecture n'est bien sûr pas désagréable, l'écrivain sait écrire avec simplicité et parfois poésie mais son histoire est à mes yeux simpliste et enfonce des portes ouvertes. Ce ne serait pas si grave si le scénario possédait une relative consistance. Mais comment, en l'espace de si peu de lignes, peut-on parvenir à s'attacher à Jun, jeune garçon vivant dans la rue qui, grâce à une rencontre (non) fortuite, va devenir un jeune sumotori prometteur et, par la même occasion, un être humain heureux ? Mystère. Albin Michel - page 73 - Tu progresses, Jun. Tu rates tes combats, mais tu échoues avec style.  - Merci, maître. Je savais qu'il m'adressait là un compliment sincère car j'avais découvert que, malgré sa fierté de f

Néfertiti dans un champ de canne à sucre (Philippe Jaenada)

Baiser comme des lapins Mon avis n'est pas complètement tranché à propos de ce livre dont je ne sais s'il est représentatif de l'œuvre de Philippe Jaenada, un auteur que l'on m'a présenté comme le roi de la parenthèse digressive. Néfertiti dans un champ de canne à sucre n'est ni plus ni moins que l'histoire d'une rencontre ("C'est con, ces histoires de coup de foudre") avec tout ce que ça comporte de banal malgré des personnages hauts en couleurs. Et quitte à être banale, autant qu'elle sonne juste et/ou que le lecteur puisse s'y identifier. Or, le roman est un peu trop extravagant pour que l'un et l'autre puissent être complètement possibles et donc pour qu'il emporte pleinement mon adhésion et qu'il me touche. Comme je ne suis pas à une contradiction près, j'ai aimé l'audace du roman et l'incongruité de son propos. Je n'ai pas boudé mon plaisir face à ce chapelet de scènes irrévérencieuses e

L'enchanteur (René Barjavel)

Enchanteur et lassant Dès la première page, reproduite ci-après, comment ne pas être enchanté par le charme des mots de René Barjavel ? Ils augurent en toute logique d'un délicieux moment de lecture à venir. Le lecteur est immergé illico dans la légende arthurienne, sa table ronde, ses personnages mythiques, quasi-mythologiques, gonflés de bravoure et épris de sentiments courtois. Dans une Bretagne (la grande, la petite et l'irlandaise) où la magie émerveille tout le monde mais ne surprend personne, Arthur, Perceval, Lancelot, Guenièvre, Morgane, la dame du lac et d'autres sont propulsés (c'est le mot) dans des aventures largement fantastiques. Merlin l'enchanteur est au commande, tel un chef d'orchestre. Il forme, les uns après les autres, de preux et purs chevaliers en espérant les guider jusqu'au Graal. A son grand dam, de magnifiques princesses ou d'irrésistibles paysannes les détourneront du droit chemin. Il se trouve que je me suis assez vit

Une page d'amour (Émile Zola)

Le ciel de Paris Une page d'amour  m'apparaît comme une pause dans la progression de l'œuvre des Rougon-Macquart. J'imagine aisément Émile Zola l'appréhender un peu comme une récréation après le dense et dramatique L'assommoir qui a dû lui prendre beaucoup d'énergie à écrire et ensuite à assumer. Ce huitième volet contient beaucoup moins de scènes descriptives et/ou spectaculaires que son prédécesseur. Le lecteur y trouve tout de même de jolis moments marquants, comme la crise d'épilepsie ou tétanie de Jeanne en début de roman ou encore la charmante fête organisée en l'honneur du petit Lucien. Le roman prend la forme d'une sorte de huis clos avec quelques personnages récurrents, les autres apparaissant ici et là pour donner un peu de profondeur à l'histoire et de couleurs au quartier de Passy. Zola y plante le décor de son scénario bâti autour de la passion amoureuse et de la maladie. On est loin du tumulte de certains autres épisodes

Churchill - Sophie Doudet

Pilier de war Le jeu de mot est osé mais colle parfaitement, je trouve, à l'esprit de cette biographie de Winston Churchill (1874-1965). Il est totalement raccord avec l'angle choisi par Sophie Doudet pour démontrer le rôle majeur qu'a tenu ce grand homme d'État du vingtième siècle dans la seconde guerre mondiale et, de manière plus générale, pour présenter sa singulière personnalité fascinée par la guerre. Durant sa longue et riche carrière militaire et politique, Churchill s'impliqua en effet incomparablement plus dans les conflits européens et ceux de l'empire britannique que dans les affaires intérieures de son île. Au début, les autres pays tombant les uns après les autres dans l'escarcelle d'Hitler, la Grande-Bretagne a porté presque seule sur ses épaules le poids de la résistance en Europe contre l'Allemagne nazie. Churchill, par son travail, sa ténacité et son patriotisme et avec l'aide du parlement et de tous les Britanniques, tint

La symphonie du hasard - livre 2 (Douglas Kennedy)

Alice au pays de la Guinness Le livre 1 de La symphonie du hasard scellait mes retrouvailles avec l'écriture prenante de l'auteur américain que j'ai tant lu par le passé. Parallèlement à ce plaisir non dissimulé, un soupçon de perplexité sur l'intérêt du sujet même de sa nouvelle œuvre m'avait gagné. Qu'a donc cette jeune Américaine de particulièrement intéressant pour qu'on suive son parcours personnel tout au long des années soixante-dix ? Avec le livre 2, le lecteur poursuit sa découverte des tribulations d'Alice Burns au cours de la décennie, à ceci près que l'étudiante en littérature a quitté le Maine pour intégrer Trinity College à Dublin. La principale valeur ajoutée des premières pages réside dans le portrait sans concession que l'auteur parvient à faire d'un pays et de ses habitants. Les Irlandais sont bruts de décoffrage (quand ils ne sont pas bigots), résultat d'une histoire nationale complexe dont les problèmes ne sont

Un certain Paul Darrigrand - Philippe Besson

La maladie d'amour Arrête avec tes mensonges a connu le succès que l'on connaît, très mérité à mes yeux tant chacun a été cueilli par le récit d'un premier amour à l'épilogue ô combien émouvant. L'auteur tente de réitérer l'expérience avec son deuxième amour également clandestin, un certain Paul Darrigrand, qu'il a rencontré quelques années plus tard à la fin de ses études à Bordeaux. On reconnaît le style sec et lyrique, reconnu par tous, de Philippe Besson, même s'il y met cette fois un soin littéraire moindre. C'est logique, je dirais, puisqu'il s'est engagé à nous livrer un témoignage réputé sincère et donc plus spontané dans la forme. Le terme d'autofiction est pourtant plus approprié car le livre, estampillé roman, contient forcément une certaine proportion d'ornements imaginaires. L'écrivain nous trompe sur les coutures, pour autant il semble se confier dans les grandes largeurs au risque de friser l'égocentrisme

Couleurs de l'incendie (Pierre Lemaitre)

Plus rude sera la chute Pierre Lemaitre a souhaité transformer son essai après le gros succès critique et commercial de Au revoir là-haut et bien lui en a pris puisque le lecteur que je suis est ravi de connaitre la suite du destin de la famille Péricourt, et en l'occurrence celui de Madeleine, la soeur d'Édouard. Retrouvera-t-on Albert dans le dernier tome de la trilogie  Les enfants du désastre que l'écrivain semble vouloir compléter ? Couleurs de l'incendie est un excellent roman que j'ai personnellement aimé, voire peut-être préféré à son prédécesseur, prix Goncourt 2013, mais il frappera sûrement moins les esprits à cause de sa facture beaucoup plus classique. Sans, encore une fois, atteindre les sommets du champ de bataille de Au revoir là-haut , le roman commence par une scène forte. S'ensuit une descente aux enfers pour Madeleine qui, après avoir perdu son frère et son père, n'est pas au bout de ses peines. Comment va-t-elle surmonter tout

La symphonie du hasard - livre 1 (Douglas Kennedy)

Le cortège des choix Malgré mon impatience à lire tout roman de Monsieur Douglas Kennedy, j'ai pris mon temps pour commencer sa trilogie La symphonie du hasard sortie il y a déjà deux ans. Quel plaisir d'ouvrir l'un de ses romans à la première page pour s'immerger à nouveau dans une littérature sachant, de mon point de vue, mêler pur divertissement et réflexion. Tout début des années soixante-dix, Alice s'apprête à entrer à l'université de Bowdoin dans le Maine. Elle est heureuse de fuir ses années lycée et de s'éloigner d'une famille dysfonctionnelle où chacun traîne casseroles et névroses derrière lui. Volontaire et intelligente, elle va apparemment traverser, au moins en partie, les décennies sous nos yeux. En effet, le roman débute avec un chapitre temporellement déconnecté du reste du livre 1 puisqu'il se déroule bien plus tard. Pendant un bon moment, je me suis demandé où l'écrivain voulait en venir car avec lui l'intrigue pr

Le restaurant de l'amour retrouvé (Ito Ogawa)

Sur mesure Après Les délices de Tokyo , il y a déjà presque deux ans, je me suis laissé tenter par une nouvelle douceur nippone sur un thème identique : la cuisine. En parcourant ces deux romans, on se rend compte de l'importance de la gastronomie au Japon. Nulle part ailleurs elle semble davantage pratiquée avec plus de sérieux, de concentration et de religiosité. On se met au fourneau comme on s'abîme en prière, pour rendre heureux ses invités et se donner à soi-même tout autant de bonheur. En tout cas, c'est le cas de Rinco, tellement choquée par le départ de son petit ami qu'elle en perd la voix et rentre dans son village natal pour ouvrir le restaurant de ses rêves. Chaque soir, grâce à l'aide de son ami Kuma, elle dresse une seule table et prépare le repas de ses convives du jour de manière personnalisée comme le ferait un artisan. Un véritable travail d'orfèvre qu'on découvre avec enchantement tant elle met du coeur à l'ouvrage, d'autan

Les heures souterraines (Delphine de Vigan)

Blind date Mathilde et Thibault vivent à Paris et ne se sont jamais rencontrés. Ils s'efforcent, au prix d'un effort grandissant, à respecter leurs obligations respectives alors qu'ils ont le sentiment que la vie les enfoncent chaque jour un peu plus dans le marasme. Mathilde, cadre dans une grande entreprise, est victime de harcèlement moral par son supérieur tandis que Thibault, médecin au bout du rouleau et amoureux malheureux, se déplace chez ses patients eux-mêmes mal-en-point. Seuls et désemparés, et pourtant arbitrairement réunis par l'auteure, on les imagine avoir besoin l'un de l'autre pour se reconstruire. Vont-ils se croiser dans cette ville où chacun s'avère être si facilement transparent pour l'autre et où, plus qu'ailleurs, l'organisation de la société écrase l'individu au nom de l'efficacité et du pragmatisme ? Ce roman m'a immédiatement rappelé Une bonne raison de se tuer de Philippe Besson, encore plus noir e

Mila Hunt (Eli Anderson)

 Girl power   Mila Hunt est une jeune fille en colère. Contrairement aux apparences, cette adolescente privilégiée du "Centre" n'est pas comme les autres. Elle porte en elle, non seulement l'intuition de ne pas être aimée par ses parents, mais aussi, depuis l'enfance, le poids d'un lourd secret : elle détient, sans savoir pourquoi, un mystérieux pouvoir dont le principal effet secondaire, malheureusement, est de la mettre à l'écart des autres. Un soir en boîte de nuit avec ses deux seuls amis, son destin va basculer. Contrainte de partir dans la "Périphérie", cette zone où le gouvernement a parqué les plus déshérités du pays pour lesquels elle ressent une empathie naturelle, Mila va découvrir tout un univers dont elle n'imaginait pas l'existence.   Dès les premières phrases, j'ai été happé par l'écriture pleine de nerfs de l'auteur. Il s'agit de littérature adolescente, rédigée au présent, ce qui rend la

Ces rêves qu'on piétine (Sébastien Spitzer)

Devoir de mémoire(s) Avril 1945, dans la campagne allemande, une effroyable colonne de prisonniers juifs avance vers une mort quasi-certaine. À l'approche des alliés, hommes, femmes et enfants ont été évacués des camps d'extermination et jetés sur les routes. L'un d'eux transporte un rouleau de cuir contenant des lettres témoignant des horreurs de la Solution finale. Assise sur un tabouret au bord du chemin, une vieille comtesse les regarde passer, satisfaite. Elle sait ce qui les attend dans quelques minutes ... De son côté, Magda Goebbels, femme la plus révérée du troisième Reich, broie du noir au fond du Führerbunker alors que les Soviétiques investissent la ville. Elle a connu les plus belles heures de l'Allemagne nazie et sait maintenant que la guerre est perdue, qu'Hitler ne se rendra pas. Son mari, ses enfants et elle non plus … Deux récits ... mais en réalité bien plus d'histoires que ça puisque le rouleau de lettres passe de main en main, s

Le soleil des Scorta (Laurent Gaudé)

Ils sont venus, ils sont tous là Je l'ai parfois dit, c'est l'émotion et la justesse du récit que je recherche principalement dans la fiction. Probablement davantage que le divertissement pur ou même l'opportunité d'apprendre quelque chose. Il y a forcément des contre-exemples dans mes lectures passées mais j'ai vraiment la sensation que lorsque les circonstances sont éloignées de moi, que je ne peux  pas m'identifier aux situations ou aux personnages, le plaisir en est limité. A contrario, plus l'empathie est possible, plus l'émotion survient. En ce sens, la famille italienne soit-disant maudite du roman de Laurent Gaudé, dont le lecteur suit les hauts et les bas sur une centaine d'années, m'est apparue excessivement peu tangible. Le cadre irréel des Pouilles rurales, les liens du sang, l'honneur, les hommes implacables, la religion superstitieuse, le poids des racines et des traditions la font davantage ressembler à un conte qu

Prince bleu de Montmartre (Michou)

Haut en couleur(s) Lors d'une mémorable soirée de décembre au cabaret Michou, avant d'assister à son célèbre et réjouissant diner-spectacle transformiste, nous avons été accueillis avec chaleur par son équipe et été pris en photo avec le maître des lieux. Il nous a aussi dédicacé son autobiographie, rédigée à la première personne du singulier par François Soustre et Sylvain Dufour à la suite de longs entretiens avec lui en 2017. Le retour sur soi d'une figure des nuits parisiennes m'intéressait pour ce que je pourrais apprendre de celles-ci. En définitive, j'ai surtout découvert un personnage sympathique et attachant dont, on le devine, les défauts sont soigneusement mis sous silence. C'est de bonne guerre. Avec une saisissante simplicité, Michou revient sur l'histoire de sa famille et nous raconte la sienne de sa plus tendre enfance jusqu'à aujourd'hui. Sans s'épancher plus que ça sur ses nombreux amis du showbiz, il rend largement homma

La renverse (Olivier Adam)

L'étale La renverse, on nous le précise en préambule du roman, est le laps de temps plus ou moins long entre deux marées, la montante et la descendante. Comme si l'océan se reposait avant de repartir de plus belle dans l'autre sens. L'auteur a choisi cette image poétique pour illustrer la parenthèse qui survient dans une existence lorsqu'une forme d'équilibre, qu'on imagine au plus bas comme au plus haut, s'installe en attendant que la vie ne se charge de faire bouger les lignes, que ce soit de son propre chef ou non. Antoine est dans ce cas. Dans une petite ville côtière, il travaille dans une librairie, boit des bières sur les terrasses, marche longuement sur la plage, coupé du monde et de ses émotions. Il digère ce qui lui est arrivé à la fin de son adolescence quand son frère et lui se sont pris en pleine figure les conséquences des frasques du sénateur-maire de sa ville de banlieue parisienne. Le scandale éclaboussa durement la famille

Portnoy et son complexe (Philip Roth)

Complexe et confus Alexander Portnoy, un jeune Juif du New Jersey, complexé par sa judéité et submergé par son appétit sexuel, deux thèmes a priori sans aucun lien entre eux sauf à avoir loupé le propos, se confie sous forme d'un monologue ininterrompu à son psychanalyste. Voilà en quelques mots l'esprit de ce roman de Philip Roth, écrivain contemporain majeur malheureusement décédé récemment.   Complètement séduit par deux de ses bouquins, je crois qu'avant même l'avoir commencé, Portnoy et son complexe m'avait conquis d'avance . C'était une erreur puisque force est de constater que j'ai plutôt souffert à sa lecture. A part quelques moments de pur régal lorsque le narrateur s'en prend sans détour à ses parents et à sa religion avec un ton et des mots qui m'ont ravi par leur irrévérence, le reste m'a laissé un arrière-goût indigeste.   Soyons clairs, n'est pas en cause le fond du récit, c'est à dire les névroses de c