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La renverse (Olivier Adam)

La renverse - Olivier Adam

L'étale

La renverse, on nous le précise en préambule du roman, est le laps de temps plus ou moins long entre deux marées, la montante et la descendante. Comme si l'océan se reposait avant de repartir de plus belle dans l'autre sens. L'auteur a choisi cette image poétique pour illustrer la parenthèse qui survient dans une existence lorsqu'une forme d'équilibre, qu'on imagine au plus bas comme au plus haut, s'installe en attendant que la vie ne se charge de faire bouger les lignes, que ce soit de son propre chef ou non.

Antoine est dans ce cas. Dans une petite ville côtière, il travaille dans une librairie, boit des bières sur les terrasses, marche longuement sur la plage, coupé du monde et de ses émotions. Il digère ce qui lui est arrivé à la fin de son adolescence quand son frère et lui se sont pris en pleine figure les conséquences des frasques du sénateur-maire de sa ville de banlieue parisienne. Le scandale éclaboussa durement la famille et Antoine est en convalescence. Le temps s'est en quelque sorte arrêté pour lui, il vit au jour le jour, évite de penser au passé, le temps d'avaler la pilule, de lécher ses blessures, avant de penser à envisager l'après. Il attend le déclic qui fera qu'il poussera le fond avec ses pieds pour remonter à la surface. Peut-être le moment est-il venu quand, un matin, une nouvelle tombe à la radio ?

Olivier Adam utilise ses bonnes vieilles recettes qui lui sont naturelles. On reconnaît bien la plupart de ses thèmes de prédilection : la Bretagne, la banlieue, la perte, le manque, la fuite,  la non-communication familiale, l'idée d'une France en marge de l'autre, etc ... Les personnages sont travaillés, les rouages du scandale sont réalistes, glaçants et bien expliqués au lecteur même s'ils sont perçus d'un point de vue indirect qui ne connaîtra jamais le fin mot de l'histoire. On a compris que là n'était pas le plus important. Tourments, dégoût, désillusion, mélancolie ... l'écriture dépressive, presque caricature d'elle-même, fait toujours mouche chez moi. C'est un vrai plaisir de lire du Olivier Adam au chaud chez soi derrière ses rideaux tirés. Maso moi ? Peut-être.

J'ai lu - page 51

Nous avons bu notre café en silence. En fond jouait un vieux Dylan. J'observais Jacques parmi le bois des bibliothèques et des tables couvertes de livres. Être à ses côtés m'apaisait. Dans cet endroit où l'on se sentait toujours protégé de tout, de la bêtise en particulier, comme si les millions de mots enfouis dans ces pages faisaient écran, même quand parfois elle faisait irruption dans la bouche d'un client, croyant bon de donner son opinion sur tel ou tel sujet de société, telle péripétie de la vie politique, important l'emporte-pièce dans cette boutique consacrée au temps long, aux mots qu'on tourne sept fois dans sa bouche avant de les coucher sur la page.


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