Le père prodigue
Gaëtan est le "premier fils" de Bernard, et lui le dernier des petits escrocs qui, grâce à son charme effronté, emprunte de l'argent, sans jamais rembourser, à des femmes fragiles et à de vieux messieurs influençables. Gaëtan est aussi le prolongement fictif de Grégoire Thoby qui s'inspire apparemment de son propre paternel dans un premier roman largement autobiographique sans que l'on sache vraiment à quel point.
Le récit adopte d'abord l'angle de vue de Gaëtan, en vadrouille dans le désert espagnol comme pour tenter d'échapper à un père encombrant. On s'attend instinctivement à voir cette histoire de famille se poursuivre au travers du regard d'un fils en quête d'une forme d'équilibre mais complètement impuissant à changer la personnalité du père qu'il aime malgré tout. Pourtant, assez vite, par le biais d'une scène fantasmée par Gaëtan qui imagine Bernard en train d'entamer un processus de remise en question chez le psy, la narration bascule (mais pas complètement) sur le point de vue de Bernard, le père, qui semble effectivement sortir d'une séance de psy, détonateur d'une prise de conscience et, qui sait, d'une rédemption. Le rêve deviendrait-il réalité ? Ce passage, mon préféré, est non seulement distrayant mais aussi très habile.
J'ai ressenti chez l'auteur la volonté d'introduire dans l'écriture une certaine légèreté, notamment à l'occasion du portrait d'une personnalité marginale à rebrousse-poil de la société mais au bout du compte attachante. Le récit est d'autant plus agréable qu'il est également parsemé de traits d'humour et d'allusions grivoises. Ça se lit tout seul.
Les Presses Littéraires - page 81
L'intérieur d'Elliot est immuable mais l'extérieur varie d'un jour à l'autre, ou d'une semaine à l'autre en fonction de combien de temps nous prenons racine. Un vrai bonheur, un remède contre la lassitude. Je suis au même endroit, mais ailleurs. Chez moi, mais en terrain étranger. L'air ambiant diffère, l'environnement sonore module en intensité. Nara adapte sa position sur le coussin en fonction de l'orientation du soleil et les deux vitres latérales d'Elliot me gratifient d'un spectacle en perpétuelle transformation. Lorsque nous roulons, je prends souvent plaisir à tourner la tête vers les fenêtres panoramiques, et cela me donne l'impression d'une vidéo diffusée sur un écran plasma. Vivant dans un espace réduit, je n'ai donc jamais la sensation d'être enfermé. Le luxe ultime : il suffit de tourner Elliot d'un quart ou demi-tour pour bouleverser tous nos repères visuels.
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