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Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon (Jean-Paul Dubois)

 Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon - Jean-Paul Dubois

Chacun sa route

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon est un titre à rallonge mais bien trouvé car il colle parfaitement au prix Goncourt 2019 qui, sans réelle intrigue, m'apparaît surtout comme une galerie de portraits d'hommes et de femmes qui traversent leur vie avec leur force, leur boulet au pied ou tout simplement leur vision du monde bien souvent différente de celle de leur voisin.

Paul est un Français qui purge une peine de deux ans dans une prison de Montréal. Comment en est-il arrivé là ? C'est tout le propos du récit de son parcours, constellé de flashbacks, entre une mère libertaire et gérante de cinéma, un père danois et pasteur, une femme amérindienne et pilote d'hydravion, un voisin président de copropriété insupportable et un compagnon de cellule brut de pomme et fan de Harley Davidson. Tout un programme.

Ce dernier est à mes yeux le personnage le plus réjouissant et attachant du roman avec son franc parler dénué de filtre. Presque étonnamment, le quotidien carcéral m'a davantage captivé que le reste du roman qui au bout du compte explique surtout comment un homme ordinaire va être amené à péter un plomb et finir en prison. Malgré cette forme de suspense bienvenu, il y avait un risque bien réel que l'ennui pointe son nez au détour de certaines pages, mais c'est finalement plutôt l'émotion, l'humour, l'intelligence et l'érudition de la langue qui ont tout supplanté.

Points - pages 196 et 197

"Je viens de regarder un truc incroyable à la télé. Un documentaire sur "l'Âge sombre". Tu connaissais ça, toi ? Ça fout une angoisse du diable. Ils disent qu'au tout début du machin, il y a 300 ou 400 mille années après le Big Bang, je ne suis plus sûr des chiffres, je m'y perds, c'est comme avec les zéros des subprimes, mais en fait ça change pas grand chose. En tout cas, après la fameuse explosion qui a tout fait péter dans l'univers, le ciel a refroidi et tout a été plongé dans le noir complet. Mais noir-noir. Tu imagines l'ambiance ? Zéro vie, zéro rien. Putain, quand tu vois çà, tu fais pas le malin et tu te dis qu'on revient de loin. T'as déjà pigé le truc de l'infini, toi ? Moi, jamais. Un truc qui finit pas ça rentre pas dans ma tête. C'est obligé qu'il y ait une fin quelque part. Simplement, on y est pas encore allé. Sauf que si tu y arrives, au bout, c'est obligé, tu te poses la question : y a quoi après le bout ? Un bout sans fin ? Et c'est reparti."

 


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