Qu'est ce qu'on dit ?
C'est toujours mieux en le disant : n'oublions pas de dire "merci" à ceux qu'on aime. Si on les aime, c'est qu'il y a une raison.
Michka, elle, voudrait remercier ceux qui l'ont sauvée lorsqu'elle était petite fille pendant la guerre. Et le temps commence à lui manquer puisque aujourd'hui elle entre en maison de retraite. Elle est de moins en moins autonome et souffre d'aphasie, un trouble du langage qui fait que les mots se mélangent entre eux et ne sortent pas comme il le faudrait de sa bouche. Une poésie burlesque jalonnent ainsi les dialogues avec Marie, sa fille de coeur et Jérôme, son charmant orthophoniste, et elle est la bienvenue car le propos est grave, par nature.
Au premier abord, Les gratitudes peut apparaître succinct. L'auteure va à l'essentiel et se concentre notamment sur le présent de la vieille dame, sans s'attarder sur sa longue vie, mis à part quelques détails clés de son enfance et de sa rencontre avec Marie. Ce n'est finalement pas un mauvais choix car cette retenue, ressemblant à de la pudeur, apporte justesse et tact et rend le récit pas moins poignant tout en évitant l'écueil du misérabilisme ou de la larme facile.
Merci à Delphine de Vigan.
Le Livre de poche - page 43
Quand je les rencontre pour la première fois, c'est toujours la même image que je recherche, celle de l'Avant. Derrière leur regard flou, leurs gestes incertains, leur silhouette courbée ou pliée en deux, comme on tenterait de deviner sous un dessin au vilain feutre une esquisse originelle, je cherche le jeune homme ou la jeune femme qu'ils ont été. Je les observe et je me dis : elle aussi, lui aussi a aimé, crié, joui, plongé, couru à en perdre haleine, monté des escaliers quatre à quatre, dansé toute la nuit. Elle aussi, lui aussi a pris des trains, des métros, marché dans la campagne, bu du vin, fait la grasse matinée, discuté à bâtons rompus. Cela m'émeut de penser à ça. Je ne peux pas m'empêcher de traquer cette image, de tenter de la ressusciter.
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