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D'un trait de fusain (Cathy Ytak)


Tu veux que je te fasse un dessin ?


C'est en mettant en ligne la photo ci-dessus que je m'aperçois de la signification de la couverture de ce roman pour la jeunesse qui vise juste. Le triangle rose, la trace des morts à la craie ... elle annonce la couleur.

De la couleur, Marie-Ange en voit dans chaque mot et en jette quotidiennement sur les pages de son carnet de croquis. Elle a dix-sept ans et compte les jours jusqu'à sa majorité, lorsqu'elle pourra prendre le large, loin de parents réactionnaires qui sont à mille lieues de l'attitude cool de ses amis d'école d'arts graphiques, son grand copain Sami en tête. Son chemin va croiser aussi celui d'un garçon séropositif qui milite à Act Up et son monde va en rester bouleversé ...

Ce roman est précieux car il parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, lorsque le SIDA était, davantage que maintenant, la maladie honteuse des homos, qu'on n'avait pas les moyens d'information et de prévention d'aujourd'hui et, surtout, qu'on en mourrait presque à coup sûr. En la considérant comme chronique, certains jeunes et moins jeunes semblent maintenant ne plus réaliser ce qu'elle implique encore, comme s'il était inutile de s'inquiéter outre mesure puisqu'on peut vivre avec. A donc faire lire d'urgence aux adolescents à partir de 15 ans malgré quelques dialogues sexuellement explicites, décomplexés et parfois crus. Mais comment sensibiliser les jeunes si on ne parle pas de sexe comme ils en parlent entre eux ?

Heureusement, la lecture n'est pas qu'instructive, c'est aussi une divertissante et émouvante histoire d'amitié et un parcours initiatique salutaire pour Marie-Ange qui, à la fin du roman, est une jeune fille métamorphosée et préparée pour l'avenir.
 

Talents Hauts - page 79

C'est le signal.
En quelques secondes, une cinquantaine de manifestants semblent subitement pris de malaise et s'écroulent au milieu de la chaussée. Les badauds s'arrêtent pour regarder ce qui se passe, interloqués.
Corps vêtus de noir, parfois enchevêtrés. Bras en croix, bras serrés comme si la mort venait de les surprendre et de les terrasser en un clin d'œil.
La corne de brume se tait.
Mary s'est allongée sur la chaussée avec les autres. Elle a encore le bruit dans les oreilles.
Et soudain, c'est le silence.
Mary ouvre les yeux, voit le ciel au-dessus de sa tête, les nuages qui défilent. On n'entend plus rien. Elle est là, immobile, allongée sur le bitume, en plein Paris. Il n'y a plus aucun bruit. Pas de sifflet, pas de musique, pas de cri, pas de klaxon, pas de voiture, pas de parole...
Rien que le silence.
Un silence assourdissant.


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