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Son excellence Eugène Rougon (Émile Zola)


Cahier de doléances


Après La faute de l'abbé Mouret, il a été un peu difficile de me remettre à la série des Rougon-Macquart tant sa lecture avait été longue et, à certains moments, presque pénible. Avec le sixième « épisode » que je viens de terminer, je me suis davantage diverti même si Son excellence Eugène Rougon n'atteint pas les sommets des quatre premiers volets. Ici, pas de littérature descriptive à outrance mais juste ce qu’il faut pour faire le récit du parcours d’un animal politique sous les ors du Second Empire. Le roman est en effet plutôt sobre de ce point de vue, Zola utilisant énormément le dialogue pour dresser un portrait au vitriol de la société politique de l’époque, une sorte de régime parlementaire servile à l'Empereur. Le récit tourne autour de la figure imposante d'Eugène Rougon,  le fils aîné des Rougon de Plassans. Il a le goût du pouvoir dans son ADN et est devenu ministre. Il réunit autour de lui une petite foule d’amis qui le mettent, certes, en valeur mais qui surtout le courtisent sans relâche pour profiter de son influence et ainsi faire avancer leurs positions et leurs affaires. Manœuvres, flatteries, médisances, revirements. La peinture est édifiante.

Le point faible du roman, à mes yeux, découle de ça. A part le bruit du cirage et des retournements de veste, il ne se passe finalement pas grand chose. Le roman m’est parfois apparu lassant car répétitif dans la thématique. Le souffle romanesque n'est pas au rendez-vous. Ce qui, en revanche, est au menu et est passionnant, c'est la possibilité pour le lecteur d'aller au plus près de l'Empire, de ses évènements (attentat contre l'Empereur, baptême de son fils, débat sur sa politique libérale) et de son élite. Le dîner au château de Compiègne avec le couple impérial m'a absorbé par sa mise en scène, sa splendeur bourgeoise, sa morgue et son bal des dupes.
   

Le Livre de Poche - page 426

M. Kahn et M. Bejuin, le colonel, toute la bande se jeta dans les bras du nouveau ministre. La nomination devait paraître le lendemain seulement au Moniteur, à la suite de la démission de Rougon ; mais le décret était signé, on pouvait triompher. Ils lui allongeaient de vigoureuses poignées de main avec des ricanements, des paroles chuchotées, un élan d'enthousiasme que contenaient à grand-peine les regards de toute la salle. C'était la lente prise de possession des familiers, qui baisent les pieds, qui baisent les mains, avant de s'emparer des quatre membres. Et il leur appartenait déjà : un le tenait par le bras droit, un autre par le bras gauche ; un troisième avait saisi un bouton de sa redingote, tandis qu'un quatrième, derrière son dos, se haussait, glissait des mots dans sa nuque. Lui, dressant sa belle tête, avec une dignité affable, une de ces imposantes mines, correctes, imbéciles, de souverain en voyage, auquel les dames de sous-préfectures offrent des bouquets, comme on en voit sur les images officielles. En face du groupe, Rougon, très pâle, saignant de cette apothéose de la médiocrité, ne put pourtant retenir un sourire. Il se souvenait.

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