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Son frère - Philippe Besson


Frat-éternel


Thomas se meurt. Son frère Lucas, le narrateur, se tient à ses côtés au cours des derniers mois de sa maladie du sang. D'abord à l'hôpital puis dans la maison familiale de l'île de Ré, Thomas ne souhaite que la compagnie de Lucas pour l'accompagner dans sa lente déchéance qui lui paraît inéluctable. Le titre de ce court et intense roman est plein de justesse puisqu'il illustre de façon froide, extérieure, un peu désincarnée, la place des deux frères au centre du roman, les liant à jamais l'un à l'autre malgré le mal implacable qui les séparera physiquement.

C'est fou comme j'aime les mots de Philippe Besson. J'aime leur poésie rude, empreinte de tristesse et de douleur. Ils tergiversent peu, vont droit au but, ne cachent rien de l'indicible. Les examens médicaux humiliants et douloureux, la déchéance physique due à la médication, l'attente interminable dans l'ignorance, l'indélicatesse du corps médical et de la famille ... rien n'est épargné à Thomas et, par ricochet, à Lucas et donc au lecteur. Pourtant, est-ce une mélancolie morbide de ma part qui en est la cause ?, il y a quelque chose de confortable dans la manière de l'écrivain d'exprimer toute l'horreur de la situation, en l'enveloppant d'une douillette mélancolie, d'un drap de langueur à l'image des toutes premières phrases du roman (citation ci-dessous).

Le tout relatif rebondissement du vieux monsieur bavard sur le banc, "déchiré de rides, et lui aussi d'une maigreur effrayante", donne un supplément d'âme, s'il en fallait, au récit et donc au petit bijou de littérature qu'est Son frère.
  

10/18 - page 11

Thomas meurt.
Thomas accepte de mourir. C'est ici, dans la maison de Saint-Clément, la maison de l'enfance, qu'il choisit d'attendre de mourir. Je suis auprès de lui. C'est encore l'été. J'ignorais qu'on pouvait mourir en été.
Je croyais que la mort survenait toujours en hiver, qu'il lui fallait le froid, la grisaille, une sorte de désolation, que c'est seulement ainsi qu'elle pouvait se sentir sur son terrain. Je découvre qu'elle peut tout aussi bien exercer sa besogne en plein soleil, en pleine lumière. Je songe que Thomas l'accueillera en pleine lumière.  
Je croyais que cela commencerait par un engourdissement des membres, une contraction et qu'il y aurait soudain une urgence, une précipitation, une violence. Mais non : c'est la nonchalance, une sorte de vacance, une lenteur, un renoncement dans la chaleur. Une chaleur jaune et vibrante.



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