Le mieux est l'ennemi du bien
Ce roman est un très bel objet impressionniste. Par petites touches mélancoliques, y sont projetés quelques instantanés de la paisible vie conjugale de Nedra et Viri, un couple en apparence parfait en tout point, mais pas véritablement heureux. A tort ou à raison, chacun d'eux se sent empêtré dans le confort de l'ennui et dans la vanité du confort, avec à leurs côtés leurs deux petites filles modèles et leurs quelques couples d'amis, ceux qui viennent régulièrement, sur la terrasse donnant sur le fleuve, boire du vin français dans de grands verres ... Nedra et Viri ont secrètement d'autres aspirations et ils finiront par retrouver leur liberté. Seront-ils plus heureux pour autant ?
Je suis très sensible à l'écriture habitée de James Salter. L'écrivain américain sait déverser de courtes phrases saturées de sensations sans s'investir particulièrement dans un scénario à rebondissements. Ainsi, il est agréable, mais aussi finalement exigeant, pour le lecteur de succomber à l'indéfinissable spleen du thème de la vacuité des relations humains ou de la vie qui nous échappe. Fuite inexorable du temps et évanescence flottent parmi les pages de cette histoire désenchantée. Une caractéristique de la narration m'a marqué : dans un même chapitre, le point de vue
peut parfois changer de personne ou même de lieu sans que l'auteur nous le
signale. C'est à nous de le deviner.
Malgré ces qualités évidentes, j'avoue avoir eu hâte, au bout d'un moment, d'atteindre les toutes dernières pages. L'ennui s'installait peu à peu. Si l'intrigue avait été un peu moins ténue, le roman n'y aurait en rien perdu.
Points - page 50
Il n'existe pas de vie complète, seulement des fragments. Nous sommes nés pour ne rien avoir, pour que tout file entre nos doigts. Pourtant, cette fuite, ce flot de rencontres, ces luttes, ces rêves... Il faut être une créature non pensante, comme la tortue. Etre résolu et aveugle. Car, tout ce que nous entreprenons, et même ce que nous ne faisons pas, nous empêche d'agir à l'opposé. Les actes détruisent leurs alternatives, c'est cela, le paradoxe. De sorte que la vie est une question de choix - chacun est définitif et sans grandes conséquences, comme le geste de jeter des galets dans la mer. Nous avons eu des enfants, pensa-t-il ; nous ne pourrons jamais être un couple sans enfants. Nous avons été modérés, nous ne saurons jamais ce que c'est que de brûler la chandelle pas les deux bouts...
Commentaires
Enregistrer un commentaire