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La puissance des vaincus - Wally Lamb



Double trouble


Début des années 90, Thomas et Dominick sont jumeaux. Le premier, schizophrène, vient de se sectionner une main en public pour protester contre l'opération "Tempête du désert" et se retrouve au centre de l'attention des médias. Il n'est pas aisé pour le second de garder la tête hors de l'eau car il doit gérer la situation et assurer pour deux. Comme toujours. Les sentiments de Dominick envers Thomas oscillent constamment entre amour-fusion et rejet-honte. Frère malade, père inconnu, beau-père abusif, mariage raté, enfant disparu, petite amie difficile à suivre ... La puissance des vaincus ou l'apprentissage du bonheur quand on a les épaules lestées d'un bagage écrasant.

C'est un roman "pavé" dont je me suis dit pendant le premier tiers qu'il allait peut-être être long à terminer si, malgré la densité du propos, un certain rythme tardait à s'installer. L'auteur prend en effet le temps de mettre en place son scénario et familiarise en douceur le lecteur au contexte et aux protagonistes en présence. Par des flashbacks à toutes les époques, le lecteur comprend petit à petit et de mieux en mieux les tenants et les aboutissants de la situation. Et au bout du compte, les longueurs, évidentes et assumées, font la force de l'histoire.

En revanche, j'ai immédiatement apprécié le ton du récit. Wally Lamb sait poser une atmosphère qui sonne juste et provoquer l'empathie du lecteur pour Dominick, sans qu'il puisse être accusé de complaisance à son encontre. Les péripéties familiales et les considérations psychanalytiques deviennent absorbantes à tel point que pendant le dernier tiers de la lecture j'avais du mal à reposer le livre une fois qu'il était ouvert.

Le Livre de Poche - page 66


Quand on a un frère jumeau schizophrène et qu'on est soi-même sain d'esprit, il est difficile de sauver sa peau sans garder des traces de sang sur les mains - un peu gênant d'avoir à ses pieds un cadavre à sa propre image. Et si l'on veut à la fois pratiquer la loi du plus fort  et veiller sur son frère - promesse que j'ai faite à notre mère mourante - eh bien ! on peut dire adieu au sommeil et s'apprêter à passer des nuits blanches. Empoigner un livre ou une bière. Essayer de s'habituer aux absurdités des émissions de télé tardives, au spectacle du plafond de sa chambre, à la désinvolture de la sélection naturelle. C'est un insomniaque non croyant qui vous parle, le non-cinglé des deux jumeaux, celui qui a échappé à la fatalité biochimique.

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