et la misère des Macquart
La fortune des Rougon est le premier du cycle des romans qu'Émile Zola dédia à la dynastie des Rougon-Macquart et le troisième que je lis ces derniers temps (mettons
de côté Germinal découvert au lycée). Une fois sa lecture achevée, il paraît évident qu'il est recommandé de commencer par ce tome pour espérer lire intelligemment, à terme, la célèbre saga en entier. L'auteur nous y présente une partie des trois premières générations que Zola fera progresser dans tous les décors possibles du Second Empire (1752-1770) avec des comportements et débordements de toutes natures qu'il explique, en bon écrivain naturaliste, par l'impact sur l'être humain du milieu social, de l'environnement familial et de l'hérédité. Tout
démarre avec Adélaïde Fouque, une pauvre femme à la faible volonté et aux nerfs fragiles, qui se verra dépouillée et piétinée par ses deux fils, les demi-frères
Antoine Macquart et Pierre Rougon. Le premier est paresseux, profiteur, cruel et sévèrement porté sur la boisson tandis que le second, en cela parfaitement secondé par son épouse, est un homme plus intelligent et pragmatique, mais non moins retors, qui en 1851 mettra tout en œuvre pour obtenir richesses et positions en comptant sur un coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte, actuel président de la République qui deviendra effectivement empereur un an plus tard.
L'écrivain parvient à réaliser une saisissante et féroce
peinture sociale de la petite ville provençale de Plassans, certes éloignée des grands centres du pouvoir, mais qui voit une poignée de ses bourgeois les plus en vue faire montre de bassesses, perfidies et autres lâchetés afin de se trouver du bon côté de la barrière quel que soit le devenir de la deuxième République. D'autres habitants, le plus souvent parmi les républicains chers à Zola, sont présentés sous un jour plus favorable, en hommes et femmes avec davantage de sincérité et de courage, voire de naïveté. Ils sont d'ailleurs littérairement moins intéressants, à l'image de Sylvère, le petit-fils de la vieille Adélaïde. Le récit de son amour pur et chaste avec la très jeune Miette m'a lassé à la longue après de charmants débuts autour du puits. Rien de tels que des personnages tordus pour nous scotcher à une intrigue et La fortune des Rougon inaugure parfaitement en ce sens un cycle de romans rudes sur l'homme et ses travers.
Le Livre de Poche - page 347
"Le coup part, j'entends siffler la balle à mon oreille, et, paf ! la balle va casser la glace de M.le maire."
Ce fut une consternation. Une si belle glace ! incroyable vraiment ! le malheur arrivé à la glace balança dans la sympathie de ces messieurs l'héroïsme de Rougon. Cette glace devenait une personne, et l'on parla d'elle pendant un quart d'heure avec des exclamations, des apitoiements, des effusions de regret, comme si elle eût été blessée au coeur. C'était le bouquet tel que Pierre l'avait ménagé, le dénouement de cette odyssée prodigieuse. Un grand murmure de voix remplit le salon jaune. On refaisait entre soi le récit qu'on venait d'entendre et, de temps à autre, un monsieur se détachait d'un groupe pour aller demander aux trois héros la version exacte de quelque fait contesté. Les héros rectifiaient le fait avec une minutie scrupuleuse ; ils sentaient qu'ils parlaient pour l'histoire.
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