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Le ventre de Paris (Émile Zola)

 

Le centre de Paris, disparu

 
La lecture de L'oeuvre, il y a quelques années, m'en avait déjà donné l'envie mais la découverte du troisième volume des Rougon-Macquart, Le Ventre de Paris, m'a incontestablement conforté dans mon souhait de lire cet ensemble de vingt romans, écrit par Émile Zola, et au sous-titre parfaitement parlant : "Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire".

En attendant, Le Ventre de Paris a été un choix évident tant les anciennes Halles de Paris, détruites au début des années soixante-dix, m'ont toujours fasciné. Les rues du quartier me sont familières et mes grand-parents y ont habité dans les années trente (rue de la Grande Truanderie). J'aurais adoré connaitre la vie foisonnante qui régnait à l'époque à l'intérieur et à l'extérieur des majestueux pavillons Baltard. C'est  dommage qu'ils aient été démontés pour construire la gare RER en sous-sol et les magasins que nous connaissons. En dehors de toutes les considérations techniques et financières qui sont forcément entrées en ligne de compte et tout en transférant le grand marché alimentaire à Rungis, ces énormes halles rénovées et modernisées auraient pu constituer un splendide écrin à un centre commercial situé au dessus d'un noeud ferroviaire peut-être un peu moins colossal.


Que dire de ce roman qui retranscrit à merveille l'ambiance du quartier dans les années 1850 ? Le grand marché bien sûr, son organisation, ses rituels, son quotidien, ses bavardages et intrigues de tous genres et les montagnes de nourriture qui feraient presque oublier, si l'auteur ne le rappelait pas ici et là, qu'une partie de Paris a faim. Y sont décrits comme si on y était les différents pavillons, les caves, les toits, les magasins aux alentours, les vendeurs de rue, les gamins du pavé, les révolutionnaires tapis dans l'ombre, les vieilles demoiselles désoeuvrées, les observateurs familiarisés à ce riche microcosme : un peuple haut en couleurs habitant un monde complexe et bien organisé qui se réveille chaque matin avant l'aube et qui grouille jusqu'aux premières heures de l'après-midi au moment où une armée de balayeurs prend le relais.
 
Saveurs, odeurs, couleurs, textures, bruits : une véritable symphonie où les cinq sens sont mis à l'épreuve de la plume du grand auteur naturaliste pour faire vivre légumes, fruits, fromages, charcuterie, volaille, poissons, fleurs etc ... Monsieur Zola déploie son habituelle virtuosité en composant une peinture achevée grâce à l'insertion de longues descriptions réalistes, sublimées de poésie métaphorique, à l'intérieur d'une intrigue à la fois tragique et sympathique.
 
Florent Quenu, sorte d'idéaliste assez insouciant et mou du genou malgré ses audacieux desseins, s'est enfui de geôles de Guyane et vient se réfugier chez son frère, charcutier prospère de la rue Rambuteau. Florent est le principal protagoniste du roman mais le lecteur (donc moi) se désintéresse en partie assez vite de son destin tant celui-ci semble inéluctable. Il préfère s'attacher au véritable héros de l'histoire : le marché des Halles. Et avec lui, quelques personnages au profil complexe qui tiennent le haut du pavé. J'ai aimé l'habile commère Mademoiselle Saget, tellement retorse qu'elle en est fascinante, et les volontaires et complexes Lisa et la Normande dont la rivalité est divertissante au plus haut point (voir passage ci-après).

 

Le livre de Poche - page 177

La rivalité de la belle Lisa et de la belle Normande devint alors formidable. La belle Normande était persuadée qu'elle avait enlevé un amant à son ennemie, et la belle Lisa se sentait furieuse contre cette pas-grand-chose qui finirait pas les compromettre, en attirant ce sournois de Florent chez elle. Chacune apportait son tempérament dans leur hostilité ; l'une, tranquille, méprisante, avec des mines de femme qui relève ses jupes pour ne pas se crotter ; l'autre, plus effrontée, éclatant d'une gaieté insolente, prenant toute la largeur du trottoir, avec la crânerie d'une duelliste cherchant une affaire. Une de leurs rencontres occupait la poissonnerie pendant une journée. La belle Normande, quand elle voyait la belle Lisa sur le seuil de la charcuterie, faisait un détour pour passer devant elle, pour la frôler de son tablier ; alors, leurs regards noirs se croisaient comme des épées, avec l'éclair et la pointe rapides de l'acier. De son côté, lorsque la belle Lisa venait à la poissonnerie, elle affectait une grimace de dégoût, en approchant du banc de la belle Normande ; elle prenait quelque grosse pièce, un turbot, un saumon, à une poissonnière voisine, étalant son argent sur le marbre, ayant remarqué que cela touchait au coeur la "pas grand-chose", qui cessait de rire. D'ailleurs, les deux rivales, à les entendre, ne vendaient que du poisson pourri et de la charcuterie gâtée.


Commentaires

  1. Zola reste mon écrivain préféré ! Chacun des Rougon-Macquart. Le plus surprenant est "Le Rêve"

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  2. Que d'heures de lectures en perspective pour lire tout Rougon-Macquart :-)

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