En bas des marches
Le titre complètement tarte mis à part (le titre original est Below stairs, en référence aux domestiques qui travaillaient en sous-sol), ce témoignage est une pure friandise dont je me suis régalé sans même m'y attendre. Margaret Powell, née Langley, y fait le récit a priori véridique de sa vie de cuisinière anglaise au service de familles riches. Mais pas uniquement puisqu'elle fut d'abord une enfant pauvre mais heureuse dans une petite ville de la côte anglaise, puis, une fois entrée "en condition", fille de cuisine exploitée jusqu'à la moelle.
Ce livre est une bonne surprise à deux égards. Tout d'abord, il a le talent de plonger le lecteur dans le milieu dépaysant, déconcertant et plus vrai que nature de la société britannique du début du vingtième siècle, c'est à dire à une époque où les classes sociales avaient encore une importance primordiale et où il était de mise pour une famille bourgeoise ou aristocrate d'avoir une flopée de domestiques à son service. Le minimum était d'entretenir une femme de chambre, une femme de service et une cuisinière. A cela s'ajoutaient souvent une fille de cuisine, un valet, un chauffeur, un homme à tout faire, etc ... Il est étonnant de voir à quel point cela semblait répandu et combien les codes étaient à peu près les mêmes d'une famille à l'autre. Les conditions de travail (et de vie !) dépendaient uniquement de la personnalité, des habitudes et du bon vouloir des employeurs (et surtout de la maîtresse de maison) qui regardaient leur personnel de maison très souvent avec hauteur et un manque total d'empathie.
L'autre aspect enthousiasmant de ce récit est la fraicheur et l'humour de Margaret Powell, dont on sent bien qu'elle n'est pas un auteur professionnel et qu'elle s'exprime à l'écrit comme elle s'exprimerait à l'oral. Avec beaucoup d'esprit, de perspicacité et un sens pointu de la justice (et de l'injustice), elle cite un nombre incalculable d'anecdotes truculentes qui laissent le lecteur totalement ravi. Les dernières pages sont un peu moins intéressantes car elle arrête de travailler pour se marier, élever ses enfants et s'instruire (enfant, elle voulait devenir institutrice). L'instruction lui aura permis de livrer ce témoignage éloquent sur une société et une époque révolues. Il aura inspiré, il paraît, Downton Abbey à son créateur.
Payot - page 241
Une des dames pour qui je travaillais s'appelait Mrs Rutherford-Smith. Un jour elle m'a dit :
"Margaret, vous travaillez très bien et je vous apprécie, mais tout de même vous avez un défaut. J'espère que vous ne serez pas vexée que je vous le dise. Vous ne m'appelez jamais Madame".
Et elle a ajouté :
"Vous savez, Margaret, si je m'adressais à la reine je lui dirais Madame."
J'aurais bien voulu lui répondre : "Oui, mais il n'y en a qu'une, de reine, alors que des Mrs Smith, il y en a à tous les coins de rue !"
Bonjour Sorel, je l'ai noté parce que j'ai été "fan" dans ma jeunesse d'une série anglaise des années 70 qui s'appelait "Upstairs, downstairs" (Maître et valets en VF). Un régal. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerBonjour Dasola, oui je te le conseille. Ce n'est pas de la grande littérature mais ça se lit comme une friandise. Je ne connaissais pas cette série, mais le titre laisse penser qu'on parle de la même chose :)
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