Dans la boue
Il y a de ces sujets historiques comme le génocide juif ou l'esclavage dans le sud des Etats-Unis qui me fascinent tellement par leur absurdité que je me retrouve régulièrement, sans que cela soit un choix pleinement conscient, à voir un film ou lire un livre sur le sujet. Ici, rebelote même s'il ne s'agit plus d'esclavage mais de ségrégation raciale, et pas la moindre puisque l'intrigue se déroule dans les années 1940 à une époque où l'état du Mississippi n'est pas particulièrement reluisant en terme de droits de l'homme. Ceux des noirs américains arriveront réellement et progressivement près de vingt ans plus tard.
Quand Henry achète, sans lui demander son avis, une vieille ferme en pleine campagne pour devenir agriculteur, Laura n'a pas vraiment d'autre choix que de suivre son mari. Coincée dans une vieille ferme boueuse entre ses deux filles en bas âge et son beau-père oisif, méchant et profondément raciste, elle tente de faire bonne figure. Heureusement, elle est aidée par Florence, la femme de Hap, le métayer noir de son mari. Elle découvre un monde déshérité, laborieux, bourru et conservateur qui va être perturbé par le retour de la guerre en Europe de deux soldats. Un pitch romanesque et accrocheur.
Le récit se fait à plusieurs voix. Le narrateur change en effet à chaque chapitre, les points de vue s'entremêlent et donnent profondeur et richesse au roman. L'écriture est clairement maîtrisée et évocatrice et c'est passionnant de découvrir au fur et à mesure la perception de chacun des protagonistes sur leur vie, leur société et la tragédie qui se met petit à petit en place. L'enracinement des préjugés est sous-jacent à chaque page, y compris parmi les personnages les plus ouverts aux autres. Roman social, drame psychologique, chronique familiale, thriller ... 'Mississippi' propose de mon point de vue un mélange assez parfait de la lecture idéale.
Le seul défaut que je lui trouve est l'agaçant choix cinématographique de la romancière de "teaser" l'épilogue dès le début de son intrigue. Du coup, celui-ci perd en force quand il survient.
Le seul défaut que je lui trouve est l'agaçant choix cinématographique de la romancière de "teaser" l'épilogue dès le début de son intrigue. Du coup, celui-ci perd en force quand il survient.
Editions 10/18 - page 216
Chez Tricklebank, on ne parlait plus que de ces nouvelles machines à récolter que certaines grandes plantations utilisaient, mais même si j'avais eu les moyens d'en acheter une, je n'en aurais pas voulu. Pour moi rien ne vaut un cueilleur noir. Rien ni personne ne peut mieux récolter le coton. On a inculqué l'art de la cueillette du coton au noir du sud et maintenant il a ça dans le sang. Il suffit d'observer les enfants de couleur aux champs. Ils sont hauts comme trois pommes que leurs doigts savent déjà ce qu'il faut faire. Bien sûr la cueillette, c'est comme toutes les tâches qu'on peut leur confier : on a intérêt à les avoir à l'oeil, à s'assurer qu'ils prennent bien le coton à la base, et qu'ils ne détachent pas la capsule et le duvet en douce pour augmenter le poids de leur travail. Portez tous ces débris à l'égrenage , et votre récolte est dégradée illico. Tout cueilleur surpris à détacher la capsule avait sa paie réduite de moitié. Il ne leur a pas fallu longtemps pour cueillir proprement , vous pouvez me croire.
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