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Au bonheur des ogres - Daniel Pennac



 

Polar bizarre


Je n'avais entendu que du bien de la littérature de Daniel Pennac, j'avais même refusé d'aller voir l'adaptation cinématographique de 'Au bonheur des ogres' pour pouvoir croquer au préalable avec gourmandise le bouquin sans l'influence des images. Du coup, j'en attendais probablement un peu beaucoup. L'écrivain possède évidemment de grandes et indéniables qualités d'écriture puisqu'il sait conter avec le sens de la formule et pas mal d'humour et de légèreté, une histoire proche du glauque. Dans un grand magasin parisien où Benjamin Malaussène travaille comme "bouc-émissaire" (!), des bombes explosent et tuent quelques clients de passage. Mêlé à tout ça contre son gré, il va  mener son enquête, secondé en cela par son étonnante fratrie un chouilla envahissante, voire intrusive ...

L'écriture vivante et moderne de Daniel Pennac est, à mes yeux, à  la fois le point fort et le point faible de ce roman plutôt court. Elle est définitivement originale, pleine d'une fantaisie au service d'une histoire barrée qui met en scène des personnages excentriques, mais à force d'ellipses et formules spirituelles, la lecture perd en facilité et fluidité. Si on est pas au top de sa forme, on ne pige pas forcément du premier coup les circonstances rocambolesques de ce qu'on nous raconte. Heureusement, derrière ses portraits et ses situations un peu irréelles, se dégage une vraie tendresse entre les personnages de cette famille sans parents, dont le grand frère fait de son mieux. J'imagine qu'au fur et à mesure des épisodes d'une saga, dont ce roman est le premier jalon, le lecteur s'attache fortement à la famille Malaussène.

Collection Folio - page 258

Les horaires de la vie devraient prévoir un moment, un moment précis de la journée, où l'on pourrait s'apitoyer sur son sort. Un moment spécifique. Un moment qui ne soit occupé ni par le boulot, ni par la bouffe, ni par la digestion, un moment parfaitement libre, une plage déserte où l'on pourrait mesurer pénard l'étendue du désastre. Ces mesures dans l'oeil, la journée serait meilleure, l'illusion bannie, le paysage clairement balisé. Mais à penser à notre malheur entre deux coups de fourchette, l'horizon bouché par l'imminente reprise du boulot, on se gourre, on évalue mal, on s'imagine plus mal barré qu'on ne l'est. Quelquefois même, on se suppose heureux !

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