Prendre le pouls ...
J'avais été assez enthousiasmé par 'Des vents contraires' d'Olivier Adam. Il était temps que je lise un deuxième roman de cet écrivain du deuil, du manque, du mystère, de l'errance ... qui malgré un style minimaliste, une écriture sèche sans fioritures ni métaphores parvient à créer une atmosphère poétique très mélancolique qui me touche beaucoup. Dans 'Le coeur régulier', on suit Sarah, une femme quarantenaire évoluant dans un milieu aisé, qui part se réfugier quelques temps dans un village côtier du Japon pour s'y reposer de sa vie, se retrouver et tenter de "retrouver" son frère quasi-jumeau qui vient de décéder dans un accident de voiture. Elle va à sa rencontre car il s'était reconstruit, l'espace de quelques mois, dans ce havre de paix où les suicidaires aiment se jeter des falaises ...
Il faut évidemment avoir suffisamment le moral quand on lit un tel livre, car il ne vous aidera pas obligatoirement, en tout cas d'un tout premier abord, à remonter la pente tant le ton y est déprimé et languissant. J'y vois personnellement de la beauté dans ce portrait psychologique d'une femme qui traine une grosse faille, et j'aperçois aussi une séduisante piste esquissée par l'auteur pour retrouver la sérénité intérieure : trouver un endroit qui vous convient, beau et calme, à l'écart de sa vie, de ses proches, y vivre lentement et suffisamment longtemps pour se laisser envahir progressivement par les éléments, par le "ici" et le "maintenant" ...
Le roman comprend deux narrations distinctes : la reconstruction de cette femme loin de siens au Japon et les incessants flashbacks sur sa vie à Paris. Elles permettent de donner vie à ce récit psychologique intérieur et de comprendre petit à petit le parcours et la présence de Sarah à l'autre bout du monde. Contrairement à 'Des vents contraires', le roman n'est pas très épais et c'est tant mieux car il dégage une poésie triste qui n'a ainsi pas eu le temps d'être pesante. Non dénuée d'espoir, elle m'a été droit au coeur.
Editions Points - pages 174 et 175
Je sais ce qu'il pense. Je connais ses théories. Tout est affaire de forces à reprendre. C'est cela qu'il nous permet de faire ici. Nous reposer. Reprendre des forces. Réfléchir. Retrouver la force de réfléchir et d'envisager les choses dans le calme, faire le tri, se délester, choisir. Et pour ça, la première chose, c'est de dormir. Ensuite, il faut manger, le plus simplement possible. Puis marcher, s'asseoir, et se laisser envahir. Par la lumière, les bruits, les parfums, sentir sa peau et tout ce qui la touche, l'effleure, la caresse. Respirer. Je connais sa chanson. Ses vieux trucs de moine bouddhiste. Et je sais qu'il a raison. Je sais que c'est ce dont j'ai besoin. Me délester, sentir. M'oublier, m'ouvrir. Recueillir. Laisser le soleil chauffer ma peau, l'air pénétrer mes poumons, l'eau me diluer. Sentir battre en moi un coeur régulier. C'est ce que je m'applique à faire ici. Même si je n'y parviens pas toujours. Trop souvent ça bourdonne, et le sang bout, je me sens frénétique et vibrer pour rien, une guêpe piégée par le verre à l'envers. Natsume me regarde en souriant tendrement, sans ironie, comme s'il était content de me voir, comme s'il m'aimait.
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