Guerre et philosophie
Frédéric le Grand régna sur la Prusse de 1740 à 1786 et fit de cette
puissance secondaire un acteur respecté en Europe aux côtés des grands
(France, Autriche, Angleterre et
Russie). Elle sortit renforcée de la guerre de sept ans et jouera
dorénavant un rôle important sur la scène européenne jusqu'à la chute
des Hohenzollern en 1918.
La première partie de cette biographie est la plus agréable à
lire car Pierre Gaxotte (de l'Académie Française) fait le récit de la
jeunesse tumultueuse du prince héritier de manière
quasi-romanesque, avec suspense et émotion. D'un caractère
indépendant et têtu, le jeune Frédéric était incompris par son père
Frédéric-Guillaume, un homme rigide et colérique, qui
pensait son fils aîné inapte à diriger le pays. Maltraité par
celui-ci, le prince tenta une fuite mal organisée qui dégénéra en fiasco
total. Il sera emprisonné, obligé d'assister à l'exécution
de son favori et redressé à la dure. Après cela, il tentera de faire
bonne figure avec un certain art de la dissimulation.
Finalement, Frédéric II, tout aussi travailleur que son
père, prendra la digne succession des affaires intérieures de ses Etats.
En revanche, il sera autrement plus hardi en terme de
diplomatie internationale puisqu'il mènera une politique
expansionniste en Europe aux dépens de ses voisins, notamment de
l'Autriche. La longue chronologie des tractations diplomatiques
et des batailles sont plus fastidieuses à lire. J'ai, de loin,
préféré son portrait de roi francophile et amoureux des pensées
philosophiques de son siècle. Il entretint notamment,
presque toute sa vie, une amitié faite de hauts et de bas avec
Voltaire. Considéré "despote éclairé" ouvertement non croyant quoique
tolérant vis à vis des religions, il se voyait comme le
premier serviteur de l'Etat et non comme un souverain de droit
divin.
Le livre est riche d'anecdotes amusantes à lire sur tous les sujets.
Mon seul regret est l'absence d'informations sur sa vie privée. Le
biographe dit volontiers qu'il vécut toute sa vie
séparé de son épouse et qu'il ne souhaitait aucunement un héritier
direct mais il fait silence radio sur le reste, ou alors à l'aide de
sous-entendus opaques qu'il faut savoir saisir au
vol. Il est maintenant admis que Frédéric II entretenait des
relations plus ou moins durables avec ses favoris. Pierre Gaxotte
explique à demi-mots l'importance de l'amitié pour ce roi qui
ne connut jamais de favorites. Malgré cette lacune - rappelons que
le livre a été écrit dans les années trente - cette biographie est
extrêmement documentée et très bien écrite.
Editions Fayard - page 434
Tout est morne, écrivait Mirabeau, rien n'est triste ; tout est occupé, rien n'est affligé. Pas un visage qui n'annonce de délassement et l'espoir, pas un regret, pas un soupir, pas un éloge. C'est donc à cela qu'aboutissent tant de batailles gagnées, tant de gloire, un règne de près d'un demi-siècle, rempli de tant de hauts faits ? Tout le monde en désirait la fin. Tout le monde s'en félicite.
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