Je viens de terminer la biographie du jeune Louis XVII, fils de Louis XVI, qui ne régna jamais car il mourût, selon la thèse officielle, lors de la Révolution française à la prison du Temple le 8 juin 1795 à l'âge de 10 ans. J'avais déjà lu un certain nombre des biographies des rois de France (dont Louis XIV, Charles VII et Saint-Louis ...) écrites par cet écrivain-historien disparu en 2007. Ses oeuvres, dont j'ignore la rigueur historique, sont faciles d'accès au grand public tout en étant complètes et bien documentées. Elles sont vraiment prenantes si l'on s'intéresse un minimum à l'histoire. Dans ce récit du destin particulier et tragique de Louis XVII, victime d'une révolution qui décapita la monarchie en France, je me suis rendu compte pour la première fois du parti-pris de l'écrivain pour la dynastie capétienne. Cela ne m'a pas gêné du tout, d'ailleurs, car c'est toujours intéressant de découvrir un point de vue que j'ai peu rencontré en tant qu'enfant de la République élevé dans un souvenir assez flatteur de la Révolution française. Ce fut aussi un drame humain.
Le jeune Louis-Charles devint Dauphin de France à la mort de son aîné à la veille de la Révolution. Rapatriée dès 1789 à Paris, la famille royale fut emprisonnée d'abord aux Tuileries puis au Temple avec des mesures de sécurité et de sévérité grandissantes avec le temps. Séparé de sa famille (dont les membres, à part sa soeur, furent guillotinés les uns après les autres) en 1793 et éduqué alors à la "révolutionnaire" pour lui faire oublier son rang, il fut petit à petit mis à l'isolement et quasiment laissé sans soins jusqu'à sa mort. Toute cette partie du livre sur la vie au Temple est passionnante car on apprend, dans la mesure où les archives le permettent, la vie quotidienne, de plus en plus difficile, de cette famille qui semble des plus simples et des plus aimantes sous la plume partisane de Bordonove.
L'écrivain nous présente alors les trois versions du destin de Louis XVII. Certains pensent que le jeune orphelin du Temple mort en juin 1795 était réellement le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Pour les survivantistes, il aurait survécu en s'échappant à l'aide de royalistes et cette hypothèse a généré de nombreux faux Louis XVII, dont Bordonove nous raconte les péripéties des plus célèbres d'entre eux. Enfin, la thèse que défend Bordonove est celle d'un décès en janvier 1794 au moment du départ précipité de Simon, le "précepteur" du prince. Sa soeur et sa tante entendirent un remue-ménage puis un silence de quelques jours à l'étage du prince. L'enfant, mort de maladie ou de mauvais traitements, aurait été inhumé, d'après certaines vraisemblances (notamment la découverte d'un corps d'enfant dans de la chaux vive) dans la cour de la prison, et reposerait donc toujours sous les immeubles du Marais. Pour des raisons d'ordre politique, on lui aurait substitué un autre enfant, malade et visiblement un peu plus âgé. De plus, le corps exhumé du cimetière de l'église Sainte-Marguerite, où le jeune garçon "officiel" du Temple a été enterré, ressemblerait au squelette d'un adolescent rachitique de plus grande taille qu'un enfant de 10 ans. Les rares révolutionnaires ayant aperçu l'orphelin laissé quasi à l'abandon en avaient fait une description anormalement similaire. Fait troublant : malgré l'importance de l'enjeu, le corps du prince n'a jamais été reconnu par sa propre soeur pourtant à disposition dans la même prison.
Ce livre a été écrit en 1995, soit quelques années avant que des analyses ADN aient été faites sur le coeur prélevé sur le jeune orphelin mort en juin 1795. Ces tests prouvent avec une quasi-certitude qu'il s'agit du coeur d'un enfant de Marie-Antoinette. Certains "survivantistes", qui croient à la thèse de l'évasion, se rattachent à l'idée qu'il puisse s'agir du coeur de son frère aîné. Mais même cette hypothèse ne tiendrait pas la route puisque le coeur de l'orphelin du Temple, prélevé lors de l'autopsie, a été conservé dans un bocal d'eau et d'alcool qui a conduit à sa pétrification, tandis que celui de son frère aîné, dont on a perdu la trace, a été embaumé selon les rites capétiens, et ne peut donc être confondu. Peut-être que cette fois-ci, la version officielle rejoint la véritable histoire ...
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