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La moustache (Emmanuel Carrère)

  Sur le fil du rasoir J'avais gardé un bon souvenir du film d'Emmanuel Carrère, adaptation de son propre roman La moustache . En rencontrant l'écrivain il y a quelques semaines, c'est celui-ci dont j'ai souhaité la dédicace. Pour le lire dans la foulée. La mémoire est sélective car j'avais en tête une histoire beaucoup plus légère qu'elle ne l'est au bout du compte, surtout au regard de l'idée de départ. Marc se rase la moustache pour surprendre sa femme Agnès et ses amis. Personne ne le remarque ou, pire, chacun feint de ne pas l'avoir remarqué. Blague, complot, faille temporelle, folie ? Chacun se fera, ou pas, son idée. Dès les premières page, on est happé par un scénario incongru et surréaliste. On suit le cheminement de la pensée du (anti)héros et le raisonnement d'un homme déboussolé qui ne sait plus à quel saint se vouer. Le lecteur n'est pas plus avancé. Le roman est vraiment très bien écrit et il nous emmène vers des horizons as...
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La déroute (Emma Pattee)

  Contrecoup Annie, une jeune américaine de la côte ouest des États-Unis, est enceinte de neuf mois. Alors qu'elle fait des achats dans un magasin de la périphérie, un énorme tremblement de terre terrasse sa ville de Portland, Oregon. Et très probablement une zone beaucoup plus large mais les protagonistes comme le lecteur sont dans l'ignorance puisque l'auteure focalise uniquement sur le point de vue d'Annie et celui indirect des quelques personnes désemparées qui croisent son chemin. Sans moyen de communication, dans une ville dévastée, elle n'a qu'une idée en tête : retrouver son mari et mettre son bébé à naître en sécurité. La déroute est une très belle surprise qui m'a un peu pris à contre-pied. À la place du livre escompté proche de la dystopie avec une dose certaine d'action pure, on est en réalité plutôt dans le roman intime. À l'occasion d'un contexte particulièrement dramatique, les angoisses existentielles sur le couple, la maternité,...

L'ombre du vent (Carlos Ruiz Zafón)

  Pas d'amour sans mystère Rien que pour la poésie de son titre, on a envie de se plonger dans L'ombre du vent ... C'est aussi ainsi que s'appelle l'une des œuvres d'un certain Julián Carax que Daniel, jeune garçon barcelonais au milieu du 20ème siècle, déniche dans le "cimetière des livres oubliés", une bibliothèque secrète qu'il tient de son père qui le tient de son père ... Commence alors pour lui une quête obsessionnelle pour découvrir ce qu'il est advenu de l'auteur. Pourquoi un homme terrifiant et insaisissable souhaite-t-il se procurer tous les exemplaires des romans de Carax pour ensuite les détruire ? Au carrefour du policier, de la fresque historique, du mystère à l'ambiance gothique ou encore de la romance, ce grand récit romanesque foisonne de personnages et de rebondissements dans une Barcelone sombre et fantasmée. Il est d'une grande poésie un peu dark et torturée malgré l'omniprésence de sentiments positifs comme ...

Les corps conjugaux (Sophie de Baere)

  Alchimie fatale Quand l’expression « Il vaut mieux ne rien savoir » prend tout son sens ... Le second roman de Sophie de Baere aborde un sujet on ne peut plus épineux qui met tout le monde mal à l’aise et pour cause. Face au sort d’Alice, Jean et Charlotte, nous sommes tous bien en peine de deviner comment nous réagirions à leur place. Et de fait, à la lecture du roman, les réactions des personnages face à l’adversité me sont parfois apparues excessives. Sans compter certaines ficelles un peu invraisemblables.  Pourtant, en y réfléchissant après coup, elles s’avèrent plutôt réalistes tant il est dans la nature humaine de naviguer, parfois avec difficulté et rudesse, dans l’ambivalence et d’un extrême à l’autre, chacun à sa manière. L’écriture de toute beauté m’a bien sûr rappelé « Les ailes collées » de la même auteure, l’un des très grands coups de cœur de ces dernières années. Le Livre de poche On peut polir les mots mais pas les silences. Ils nous échappent et nous révèle...

La psy/Never lie (Freida McFadden)

La femme déménage Tricia et Ethan, jeunes mariés en pleine recherche d’un futur foyer, sont bloqués par la tempête dans une grande maison isolée, propriété d’une célèbre psychiatre mystérieusement disparue. Alors qu’Ethan gère la situation avec philosophie, Tricia a la désagréable sensation que le lieu n’est pas aussi vide qu’il n’y paraît. Je souhaitais me remettre à lire en anglais et j’ai volontairement choisi « La psy » (« Never lie » dans sa version anglaise), un thriller soft a priori facile à lire. Le choix a été le bon avec Freida McFadden puisqu’elle écrit plutôt simplement. On en rend d’autant mieux compte en la lisant en version originale. La force de cette auteure est de savoir surprendre en ménageant un rebondissement dans la dernière partie de l’histoire pour frapper fort, quitte à demander à ses lecteurs d’être raisonnablement peu regardants sur la vraisemblance globale de l’intrigue (en l’occurrence ici, il faudrait relire le roman une seconde fois pour savoir s’il tien...

Un garçon d'Italie (Philippe Besson)

  Triptyque amoureux Luca, un jeune Florentin retrouvé mort dans l'Arno, assiste à sa manière, c'est à dire de l'au-delà, au désarroi d'Anna l'officielle et de Léo le prostitué, les deux êtres les plus importants de feu son existence qui ne se sont jamais rencontrés. Et pour cause. Trois points de vue sur la même histoire. "Ils raconteront un histoire et nous en aurons vécu une autre" Quelle belle idée de faire parler un homme qui n'est plus là. Ses émotions bien vivantes et celles de ses deux amoureux sont évoquées avec la délicatesse habituelle de l'auteur par quelques mots bien posés qui disent l'amour, le désir, la tristesse, la stupéfaction, la colère, la honte, le détachement et j'en passe.  Un roman de l'été qui est passé tout seul, un chinotto à la main.   Pocket - page 127 Ils vont accéder à l'envers du décor. Ils constateront que je n'étais pas seulement ce jeune homme éblouissant, admirable qui les arrangeait tant, ce...

Clamser à Tataouine (Raphaël Quenard)

Serial talker J'ai surfé sur la tendance en me procurant le premier roman de Raphaël Quenard. Enfin, j'ai surtout cédé au charme du garçon et à son entreprise de promotion/séduction de ces dernières semaines. Comparaison recevable ou non, j'ai eu la sensation de lire un roman d'Amélie Nothomb en version masculine, violente et crue. Toute proportion gardée car je m'attendais à un récit plus dérangeant, à des descriptions plus gores des meurtres qui parsèment le récit. En même temps, tout ça est amplement suffisant. Le roman se lit vite et bien. Et il est intelligent. Le scénario de serial killer n'est pas excessivement original, il est pas mal prétexte à livrer les réflexions d'un garçon désabusé de notre époque derrière lesquelles on reconnait (ou on veut reconnaitre) la gouaille habituelle de l'acteur dorénavant écrivain. Cible atteinte. Flammarion - pages 45 et 46 Mon point fort, c'est que pendant un temps - désormais révolu - j'ai eu la chance...

Bel-Ami (Guy de Maupassant)

  Orgueil et avidité Guy de Maupassant est un auteur très plaisant à lire. Son Bel-Ami  est un roman du 19ème siècle mais son écriture m’apparaît légère, mordante, raisonnablement soutenue, en un mot moderne. Il dépeint avec talent et apparemment lucidité le monde de l'édition et son microcosme mondain dans les années 1880 sous l'angle de Georges Duroy, un ambitieux jeune homme fraichement débarqué de Normandie. Pour Georges, tous les moyens sont bons pour obtenir sa place au soleil à Paris malgré une modeste condition sociale et une intelligence dans la moyenne. Son charme et sa figure avenante remportant tous les suffrages auprès de la gente féminine et accessoirement chez quelques collègues hommes, il ne va pas hésiter à profiter de son statut de joli coeur. Ce personnage à la fois aimable et repoussant est très bien écrit car il glisse graduellement, au fur et à mesure de ses conquêtes, de garçon plein de doutes à arriviste sans foi ni loi sans que cela ne gène plus que ça...

Numéro deux (David Foenkinos)

  Biographie non autorisée Tourner les pages d'un roman de David Foenkinos, c'est l'assurance de passer un doux moment de lecture au charme simple et aux formules justes qui font mouche. C'est le cinquième roman de l'auteur que je découvre et il déniche souvent une histoire originale avec un angle bien à lui qui sera l'occasion d'une petite leçon de vie. Dans Numéro deux , il s'attaque en quelque sorte à la biographie non autorisée, et largement inventée, d'un jeune anglais qui dans la "vraie vie" s'est retrouvé coiffé au poteau par Daniel Radcliffe au moment du casting de Harry Potter avec le succès au cinéma que l'on connait. On dit qu'il n'y a rien de plus difficile que de perdre en finale et en effet le jeune Martin, notre numéro deux, va vivre cette douloureuse désillusion comme un énorme caillou dans la chaussure très difficile à retirer. Heureusement avec David Foenkinos, la lecture reste légère et les épreuves n'...

Le jour du chien (Caroline Lamarche)

  Nom d'un chien Un chien affolé court le long d'une autoroute. Interloquées et impuissantes, six personnes dans leur véhicule y verront une métaphore de leur vie et de ses impasses comme un révélateur des souvenirs et des manques. Caroline Lamarche concocte ici six courts portraits au sein de ce qui s'apparente davantage à un recueil de nouvelles qu'à un roman tant la présence du chien en commun est à la fois centrale mais aussi trop fine pour construire à mes yeux six chapitres cohérents qui ne font qu'une seule et même histoire. Avec le ton adapté à chacun, l'écriture de l'auteure reproduit brillamment le monologue intérieur des protagonistes avec beaucoup de talent et de personnalité, en passant par exemple de la simplicité du camionneur mythomane à l'érudition du prêtre esseulé. Pourtant, à la première lecture, j'avoue avoir un peu beaucoup peiné à entrer dans chacun de leur monde, à m'intéresser à leur cas et donc à ressentir de l'empat...

Une longue impatience (Gaëlle Josse)

  Ce sera une fête Ce roman est une petite merveille dont je ne soupçonnais pas la beauté. Les mots simples et sensibles de Gaëlle Josse, leur délicatesse, la poésie discrète des descriptions, des portraits et surtout des émotions racontent l'incommensurable drame, en rien exceptionnel mais terriblement unique et intime. Celui de cette femme qui voit son fils s'enfuir loin du beau-père, prendre la mer, voir le monde, disparaître. Pour sa mère, aucune perspective de retour, encore moins de bonheur, juste attendre, faire le chemin chaque jour vers les falaises pour guetter les bateaux qui rentrent au port, écrire des lettres qu'il ne recevra jamais, fantasmer son retour, faire son possible pour ses autres enfants, ceux qui restent et garder la douleur pour soi alors qu'elle se voit comme le nez au milieu du visage. C'est triste et assez cruel. En lisant ce récit, je prenais fait et cause pour elle. Je ressentais le froid polaire dans son cœur de mère, irrité du silenc...

La chambre de Giovanni (James Baldwin)

  Victimes expiatoires Dans le Paris de l'après-guerre, David est un jeune Américain tiraillé entre une relation conformiste avec Hella, une compatriote, et son attirance difficile à assumer pour Giovanni, un serveur Italien. David partagera pendant quelques mois la chambre de Giovanni, le temps d'un voyage de sa quasi fiancée à l'étranger. Ce classique de la littérature américaine, écrit au milieu des années 50, est une bonne immersion dans la communauté homosexuelle de l'époque, tolérée si cantonnée dans son ghetto. Cette marginalisation fabrique notamment des tristes sires comme Jacques et Guillaume, personnages mesquins et profondément malheureux qui profitent de leur niveau de vie pour entretenir des relations déréglées avec des garçons à la dérive. David, lui aussi, fréquente ce Paris-là.  Il est authentiquement tenaillé par son désir pour Giovanni, pauvre bougre plein de sincérité aux faux airs de gigolo que la vie malmène et qui en fera les frais. Hella et lui s...

Japon, la face cachée de la perfection (Karyn Nishimura-Poupée)

    日本  Les Occidentaux et, d'après l'auteure, les Français en particulier sont assez fascinés par ce pays lointain sur le bord oriental du monde. On peut dire que c'est mon cas mais nullement à cause des mangas, bien que Goldorak, Albator, Lady Oscar et Candy soient passés par là, mais parce que j'ai la chance d'avoir des amis sur place et d'y avoir fait deux séjours. Jamais deux sans trois (doigts croisés). En plus de l'ordre, de la politesse et du sens du service qui les impressionnent, les voyageurs apprécient cette forme de paradoxe que présente le Japon entre grande modernité et non moins grande fidélité aux traditions ancestrales. Cet essai, par la journaliste Karyn Nishimura-Poupée, propose de nous démontrer que derrière cet éclat, et bien sûr le touriste n'est pas dupe, tout n'est pas rose au pays du Soleil Levant.  Politique, justice, éducation, relations sociales, progrès technologiques, monde de l'entreprise, démographie, rapports ave...

Prochain arrêt (Alex Schulman)

  Train de vie Il est finalement assez inhabituel pour moi de choisir seul un livre sur un étal de librairie sans les avis d’Instagram ou de mon entourage. Pour  Prochain arrêt d'Alex Schulman, aucune réputation n'était arrivée jusqu'à moi, ce sont les première et quatrième de couverture ainsi que la nationalité suédoise de l'auteur qui ont fait pencher la balance. Ici point de thriller à la suédoise, j'ai le sentiment que le roman aurait tout aussi bien pu être de la littérature blanche française. Trois voyages dans le même train vers la même petite ville à trois époques différentes entre les années 70 et maintenant. Et une construction recherchée qui alterne les points de vue en donnant de l'épaisseur à la narration avec le défaut mineur de brouiller un peu le tableau d'ensemble. À moins que ce manque de fluidité et de clareté, qui n'a pourtant pas gâché ma lecture, soit là à dessein pour illustrer la lutte des personnages contre le manque, la solitud...

Passer l'hiver (Olivier Adam)

  Hors saison Ce recueil de neuf histoires courtes, hautement cafardeuses il faut bien le dire, sont autant de portraits de personnages déprimés, inadaptés, anesthésiés et tous enfoncés dans leur quotidien routinier, les angoisses, la solitude, les blessures invisibles, l'absence de perspectives et j'en passe ... Ambiance. Olivier Adam est aussi doué pour les nouvelles que pour les romans. À chaque fois, il parvient à poser un personnage et un contexte en un minimum de lignes. Bâties dans la concision, ses histoires on ne peut plus humaines mettent en lumière son talent évocateur et impressionniste. Le lecteur a le temps de comprendre de quoi il retourne et d’être saisi par l’émotion même si, il faut bien l'avouer, c'est un peu frustrant de quitter trop tôt des personnes dont le destin est juste esquissé. Autre réflexion sur ce recueil : les neuf nouvelles m'ont donné l'impression de se ressembler et donc à toutes se valoir. Aucune n'est sortie du lot et pou...

La mer est un mur (Marin Postel)

  Île-prison Ambiance maritime, drame familial, mélancolie brumeuse, esprits tourmentés ... Il n'aura fallu que ces quelques informations dans les quelques avis positifs glanés ici ou là pour me persuader que cette fiction était faite pour moi. Je ne me suis pas trompé. Il sera à coup sûr l'un de mes grands coups de cœur de l'année.   Chaque année, le narrateur Joseph et sa famille passent l'été dans une petite île de la Manche où ils possèdent une maison de vacances face à la mer. D'office, ce privilège les positionne en rivaux des habitants à l'année, modestes pêcheurs mal logés. Été après été, Joseph va voir croître la fascination d'Antoine, son frère aîné, pour ces insulaires aux mœurs frugales et farouches. Antoine fera tout pour se rapprocher de Baptiste, un garçon de leur clan, au risque de creuser petit à petit un fossé infranchissable entre lui et sa famille. On comprend que le jeune homme va se perdre, que liberté et indépendance gagnées de haute l...